Fantôme d’Indien
(Acrostiche à double voix)
Beagle
Le canal est là
Et, funeste, se lève
Un williwa qui grandit
En ridant la surface de l’eau.
Emblème ravageur,
Sépulture marine,
Peut-être son tourment
Etrangle t-il en sa revanche
Rageusement, avant de le noyer
Au fond du monde perdu,
Nié, décimé, disparu à jamais,
Ce mot qu’il veut que j’oublie :
Espérance…
Non ! Je ne suis pas seul.
On dirait qu’un homme là-bas,
Indécis, s’avance sur cette mer
Rageuse, froid bouillon de deux océans.
Demi-nu sur sa barque,
Alakaluf ou Yaghan
Raidi face au danger.
Williwa, oh, s’il te plaît,
Il me vient une idée :
Ne lui fais pas de mal à ce dernier…
Et mon regard se blesse
Tant il veut s’accrocher
Obstinément à la survivance ;
Il émerge, le fantôme d’indien,
Libre, d’un autre temps,
Entre glace et ciel bas.
Berger de tous les siens
Livrés au massacre pour rien,
A-t-il entendu ma prière ?
Navigant vers son supplice muet,
C’est de ses yeux qu’il murmure « Kaweskar » :
« Homme » !
Eperdument…
Clair Obscur et Gérard.
* Alakaluf et Yaghan sont les noms des hommes appartenant respectivement à leur tribu.
* Kaweskar signifiait "homme" dans le langage des Indiens dont on a pu retrouver quelques termes.
* Le williwa est le vent d'une force terrifiante qui se lève brutalement en ce point de rencontre des deux océans.
Je remercie Gérard, l'un de mes amis d'écriture. Il m'a fait découvrir de fameux auteurs pour comprendre l'histoire de ce peuple disparu. Notamment Jean Raspail et José Amperaire, dont les livres sont truffés de documents rares. Récemment, quelques photos inédites ont été retrouvées.
La poésie n'est pas parfaite, accorder sa propre écriture à celle de l'autre n'est pas facile, mais elle a le mérite de la sincérité.