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 Négociations de l'OMC

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alejandro
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MessageSujet: Négociations de l'OMC   Négociations de l'OMC EmptyLun 19 Déc - 2:48

Ce qui suit est assez technique et pour tout dire, fastidieux. Je vous encourage quand même à le lire pour vous tenir un peu au courant de ce qui se négocie en notre nom à l'OMC.
Bon courage.
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alejandro
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MessageSujet: Re: Négociations de l'OMC   Négociations de l'OMC EmptyLun 19 Déc - 2:49

5 décembre 2005 : 8 jours avant Hong Kong

L’OMC : DE DOHA A HONG-KONG VIA GENEVE (IV)

I. LA DECLARATION MINISTERIELLE : 6 RAISONS DE LA REJETER

Le Directeur général de l’OMC, M. Pascal Lamy, a présenté, le 26 novembre, le projet de déclaration ministérielle sur lequel les Ministres des 148 pays qui se réuniront à Hong Kong vont avoir à se prononcer.

On sait que les 25 Etats de l’Union européenne seront représentés au niveau ministériel, mais que seul le Commissaire européen, Peter Mandelson, pourra engager l’Union. Il le fera toutefois après avoir consulté les ministres européens juridiquement réunis en Conseil, sur place. Rappelons que toute décision à l’OMC requiert le consensus.

Le projet de déclaration ministérielle est constitué d’une introduction en 53 points et de 6 documents présentés sous forme d’annexes. Celles-ci n’ont absolument pas fait le consensus. Ce que reconnaît M. Lamy. On doit dès lors regretter que les 53 points de son texte prennent la forme d’un document qui engage la conférence ministérielle. Il eut été plus conforme que M. Lamy adresse à la conférence ministérielle un « rapport sur l’état des négociations »

Le projet de déclaration ministérielle a été présenté aux chefs des délégations à Genève. Il a suscité de très nombreuses critiques à telle enseigne que le 1 décembre, M. Lamy a présenté une version révisée de son projet. Cette dernière fait l’objet de la présente note.

Le texte de M. Lamy ne ressemble à aucun document du genre. Sur presque tous les chapitres du programme de négociation décidé à Doha, il présente un état des lieux de la négociation et en prend acte. La formule « nous prenons note » revient très fréquemment. Cette présentation est conforme au souci de « recalibrer » les ambitions de la 6e conférence ministérielle afin d’éviter un échec sur des propositions concrètes. Il y a une exception de taille : les services. L’Annexe C qui leur est consacrée présente un ensemble de décisions à adopter à Hong Kong.

Il faut ajouter que l’absence de propositions constitue également un choix et dès lors une invitation aux Ministres à faire ce choix. Il en va ainsi de la question des brevets et l’accès aux médicaments.

C’est une première raison de rejeter le projet de déclaration ministérielle.

I.1. LE DEVELOPPEMENT

On notera que les documents relatifs au programme de Doha, comme la plupart des déclarations des principaux négociateurs et de ceux qui les soutiennent dans les gouvernements et les médias, font tous référence à la nécessité première de placer le développement au centre des négociations. Manifestement, après quatre années de négociations, c’est surtout du développement des pays les plus riches dont il s’agit.

La théorie économique des avantages comparatifs, qui est vraiment le dogme que professe l’OMC, est celle qui est la moins appliquée dès qu’il s’agit des pays du Sud. En proposant un libre échange linéaire et une ouverture massive des marchés, l’Occident refuse à ces pays le bénéfice de leurs avantages comparatifs.

Et ce ne sont pas les effets d’annonce européens qui changent quelque chose. La fameuse initiative « Tout sauf les armes » (voir sur le site www.urfig.org) s’est bien avérée être un cadeau empoisonné qui n’a guère profité aux pays les plus pauvres. Ceux-ci perdent sur toute la ligne, en particulier les pays d’Afrique qui n’obtiennent rien sur le coton, qui perdent sur la banane et sur le sucre et auxquels les pays riches refusent l’accès aux médicaments essentiels.

L’abondant verbiage sur le développement du texte de M. Lamy ne trompe plus les premiers intéressés, même s’il est toujours relayé par les gouvernements européens, les partis politiques qui les soutiennent et la presse qui les sert.

Si on veut bien se souvenir qu’en 2001, lors de l’adoption du programme de Doha, la principale préoccupation des pays en développement était de redresser le caractère déséquilibré des accords de l’OMC notamment par des modulations dans la mise en œuvre de ces accords ainsi que par des mesures permettant un traitement spécial et différencié selon les pays, force est de constater que les questions de mise en oeuvre ont disparu purement et simplement et que le traitement spécial et différencié est réduit à la portion congrue. Par contre, les négociations ont été recentrées sur l’ouverture des marchés du Sud aux produits manufacturés et aux services en provenance du Nord. Plus on parle de développement, moins on s’en soucie.

C’est une deuxième raison de rejeter le projet de déclaration ministérielle.

I.2. L’AGRICULTURE

Même si le rapport présenté prétend refléter l’ensemble des points de vue, la manière dont ceux-ci sont présentés conduit à faciliter des compromis favorables aux pays industrialisés à la fois en ce qui concerne les subventions à l’exportation, les aides internes et l’accès au marché.

On met en parallèle des niveaux d’intervention différents. Mais on n’indique pas que dans un cas le niveau d’intervention est celui pratiqué dans plus de 50 pays, tandis que dans l’autre il s’agir de la situation qui prévaut dans un seul. Comme le rapport indique qu’un accord doit se trouver à mi-chemin des situations existantes, celle d’un seul pays (en fait les USA) est placée sur le même pied que celle de 50 pays sans que cela soit visible. Les paramètres de la négociation sont ainsi orientés en faveur des pays riches.

Quant au dossier du coton, aucune solution n’est proposée et le texte ne fait même pas état de la proposition du Groupe africain. Les promesses faites aux pays africains en juillet 2004 n’ont pas été tenues.

C’est une troisième raison de rejeter le projet de déclaration ministérielle.





I.3. LE NAMA

Le rapport, bien évidemment, néglige de rappeler que des négociations sur l’ouverture des marchés aux produits non agricoles ont été littéralement imposées aux pays en développement alors qu’ils n’en voulaient pas. Il ignore donc le débat qui s’est tenu sur l’opportunité de telles négociations pour les pays faiblement industrialisés et pour les pays émergents. Il réduit la négociation à des questions de formules chiffrées alors qu’il s’agit en fait d’un conflit entre la volonté des pays fortement industrialisés d’ouvrir de nouveaux marchés et le souci des pays en développement de protéger leurs activités manufacturières naissantes ainsi que les matières premières dont ils sont détenteurs. Au contraire, le rapport fait état de « bons progrès » dans les négociations par secteurs, alors que les pays africains ont toujours refusé d’entrer dans ces négociations.

De plus, le rapport passe sous silence certaines propositions du Sud qui modulent les propositions de réduction des barrières tarifaires et non tarifaires avancées par les pays riches. Celles-ci sont linéaires et tiennent trop peu compte du degré respectif de développement des pays dont les pays industrialisés demandent l’ouverture des marchés.

En outre, le rapport, pourtant éloquent lorsqu’il s’agit de protéger les intérêts des Pays les Moins Avancés (PMA), passe sous silence les principales attentes exprimées par ceux-ci.

Ce rapport est totalement déséquilibré dans la mesure où il met en évidence les termes de la négociation auxquels les pays riches apportent la plus grande attention et ignorent les principales préoccupations des pays en développement. Il crée l’illusion de progrès qui en fait ne représentent que des gains pour les pays riches.

C’est une quatrième raison de rejeter le projet de déclaration ministérielle.

I.4. LES SERVICES (A.G.C.S.)

Depuis cinq ans, la Commission européenne, soutenue par des gouvernements de droite comme de gauche, exige une mise en œuvre « substantielle et significative » de l’Accord Général sur le Commerce des Services (AGCS), qui va provoquer un bouleversement radical d’un vaste ensemble d’activités de notre vie quotidienne et remettre en question l’exercice des droits collectifs fondamentaux.

Les services recouvrent une multitude d’activités regroupées par l’OMC en 12 secteurs et cent soixante-trois sous-secteurs. Aucun service n’échappe à l’AGCS : ni les services sociaux, ni les services de santé, ni l’enseignement, ni la culture, ni les transports, ni les services environnementaux (en ce compris la gestion de l’eau).

Rappelons, une fois encore, que l’AGCS s’applique aux normes édictées par les pouvoirs publics nationaux, régionaux et locaux pour toutes les activités de service qu’elles soient remplies par le secteur public, par le secteur privé et également par des organismes privés prestataires de services quand ils remplissent des missions d’intérêt général subventionnées par les pouvoirs publics. Contrairement à ce qu’affirment les néolibéraux de droite comme de gauche, l’AGCS ne régule pas les activités de service, il les dérégule afin de les mettre en concurrence. Cette dérégulation est d’une ampleur telle qu’à terme, seules des entreprises privées de taille internationale subsisteront et seulement dans les secteurs fortement rentables. A lui seul, l’AGCS est l’instrument d’un projet de société.
Une telle ambition ne peut se réaliser du jour au lendemain, c’est pourquoi il a été prévu que la mise en œuvre de l’AGCS fasse l’objet de série de négociations successives. A ce jour, la première de ces séries n’a pas encore abouti. C’est sans doute la raison pour laquelle beaucoup, en particulier dans la gauche politique et syndicale, demeurent peu attentifs à ce dossier et négligent les positions adoptées par l’Union européenne en vue des négociations à l’OMC.

Et pourtant, chacun peut observer les effets de l’AGCS dans les pays où, sous la pression du Fonds Monétaire International et de la Banque Mondiale, on a procédé à son application anticipée. En Amérique du Sud, le chemin de fer, moyen de transport le plus écologique et le moins onéreux, est en voie de disparition au profit du transport routier. En Afrique, la distribution d’eau est tombée dans de nombreux pays dans les mains de firmes privées européennes avec pour conséquences – rentabilité oblige ! - une augmentation du prix de l’eau, une diminution de sa qualité et une limitation de la distribution aux centres urbains. Des firmes privées européennes font payer l’eau en Afrique plus cher qu’en Europe !

Parce qu’ils sont les premiers à vérifier, par anticipation, la nocivité de l’AGCS, les pays en développement sont les plus opposés à sa mise en œuvre. Ce qui explique la lenteur des négociations. Malgré l’intense pression des groupements patronaux sur les gouvernements occidentaux et en particulier sur ceux de l’Union européenne, malgré l’agressivité des négociateurs européens à l’OMC, malgré le recours à des pratiques qui sont une insulte aux procédures démocratiques les plus élémentaires, jusqu’ici, une majorité écrasante de pays du Sud ont opposé une résistance tranquille en usant de la force de l’inertie.

Une flexibilité mise à mal

Ils l’ont fait en parfaite conformité avec les termes mêmes de l’AGCS. En effet, lors de la négociation de l’AGCS, pendant l’Uruguay Round, un accord était intervenu sur les modalités de son application. Ils acceptaient cet accord dont pourtant ils ne voulaient pas et faisaient ainsi une énorme concession aux pays riches. En échange, ils obtenaient que soient inscrites dans le texte des dispositions qui laissent à chaque Etat la liberté de décider à quelle activité de service, à quel moment et avec quelle ampleur il applique l’AGCS. C’est ainsi que l’AGCS, en préambule, reconnaît « le droit des Membres de réglementer la fourniture de services sur leur territoire et d’introduire de nouvelles réglementations à cet égard afin de répondre à des objectifs de politique nationale » et son article XIX dispose que « le processus de libéralisation respectera dûment les objectifs de politique nationale et le niveau de développement des différents membres tant d’une manière globale que dans les différents secteurs. » A ces principes qui concernent tous les Etats, du Nord comme du Sud, s’ajoute une précision : « Une flexibilité appropriée sera aménagée aux différents pays en développement Membres pour qu’ils puissent ouvrir moins de secteurs, libéraliser moins de types de transactions, élargir progressivement l’accès leurs marchés en fonction de la situation de leur développement. » De ces dispositions est né le concept de « listes positives », c’est-à-dire des listes de services auxquels s’applique l’AGCS, listes décidées volontairement et librement par chaque Etat.

Dès l’ouverture de l’actuelle négociation, en 2000, les pays riches (UE, USA, Japon) ont tenté de remettre en cause cette flexibilité. Dans le même temps, en Europe, les responsables de la Commission européenne et les gouvernements répondaient aux critiques que nous formulions par des propos apaisants mettant en évidence le concept de « listes positives »… Comme une majorité écrasante de pays s’opposaient à une application large de l’AGCS, lors de la conférence ministérielle de Doha en 2001, dans le contexte très particulier de l’après 11 septembre, l’Union européenne a réussi à imposer une méthodologie nouvelle : le mécanisme des demandes et des offres. Chaque pays doit adresser à chaque autre Etat membre une liste de services auxquels il veut voir appliqué l’AGCS. Chaque pays doit présenter une liste de services auxquels il est disposé à appliquer l’AGCS chez lui.

Aucune des échéances qui accompagnaient cette méthodologie ne fut respectée par les pays en développement. Quelques pays émergents firent des offres modestes en quantité et limitées en intensité. Et l’Union européenne, qui attendaient des offres « substantielles et significatives » fut la première à exprimer sa « déception ». Pour la conférence de Cancun (2003), les gouvernements européens précisèrent le mandat de la Commission en soutenant une proposition européenne visant à « obliger » chaque Etat à présenter des offres. Cette position européenne a été maintenue et même précisée après Cancun.
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MessageSujet: Re: Négociations de l'OMC   Négociations de l'OMC EmptyLun 19 Déc - 2:50

(suite)

Changer l’AGCS pour l’imposer

Avec l’accord des 25 gouvernements européens, la Commission a proposé une nouvelle fois de changer la méthodologie de mise en œuvre de l’AGCS. Sans proposer de modification du texte, elle supprime les flexibilités qu’il contient.

Afin d’obtenir des offres « substantielles », l’UE a proposé d’imposer à chaque pays industrialisé d’appliquer l’AGCS à 139 des 163 sous-secteurs et à chaque pays en développement de l’appliquer à 93 sous-secteurs.

Afin que ces offres soient « significatives », l’UE, avec l’appui du Japon, a demandé que l’ouverture d’un secteur soit obligatoirement accompagnée de « paramètres qualitatifs » dans chacun des quatre modes de fourniture de ce service.

Lorsque le service est délivré à l’étranger sans impliquer une présence du fournisseur (mode 1), le degré actuel d’ouverture ne pourra être modifié et aucune présence du fournisseur dans le pays où le service est fourni ne pourra être exigée. Lorsqu’il s’agit pour un consommateur se trouvant à l’étranger de faire appel à une activité de service (mode 2), aucune limitation ne pourra être imposée. Lorsqu’un fournisseur de service investira dans un pays étranger (mode 3), il devra pouvoir posséder 51% du capital de la société créée rendant ainsi impossible tout traitement différent entre une firme nationale et une firme étrangère. Avec le soutien de l’Inde, l’UE a demandé qu’un investisseur ne soit plus tenu à ce que son investissement respecte un cadre juridique donné. En ce qui concerne le mouvement des personnes physiques (mode 4), toujours avec le soutien de l’Inde, l’UE a proposé une plus grande flexibilité dans l’ouverture d’un Etat au personnel en provenance, à titre temporaire, d’un autre Etat.

En outre, pour contourner les résistances, l’UE, qui a obtenu le feu vert des gouvernements européens le 6 septembre au Comité 133, a proposé l’ouverture de négociations plurilatérales, c’est-à-dire entre les Etats qui souhaitent appliquer l’AGCS à un nombre encore plus élevé de services avec une intensité encore plus grande. L’objectif avoué est de supprimer, entre les Etats associés à cette négociation, les entraves à l’accès au marché pour la totalité des sous-secteurs dans le cadre du mode 3 (investissement).

On s’en rend compte, les propositions européennes – dans lesquelles on retrouve des dispositions de la proposition Bolkestein – suppriment toute flexibilité dans la mise en œuvre de l’AGCS.

Avec l’annexe C du projet de déclaration ministérielle, inchangée dans la version révisée par rapport à la version initiale, l’UE obtient très largement satisfaction sur les orientations générales de la mise en œuvre de l’AGCS et le changement de méthodologie pour y parvenir. Sans doute quelques indications chiffrées ne sont-elles pas reprises, (au grand dépit de la Commission européenne qui entend les introduire), mais la précision de la formulation et la référence explicite aux travaux conduits dans le cadre du Conseil des services ne permettent aucun doute sur la radicalité de la mise en œuvre de l’AGCS qui serait décidée si ce texte devait être adopté. Les négociations plurilatérales annoncées contraindraient les pays auxquels des demandes ont été adressées d’y participer. Avec le principe du traitement de la nation la plus favorisée, dont il est proposé de supprimer les exceptions, il suffirait une fois conclu un accord plurilatéral de le multilatéraliser. On voit la manœuvre.

Une écrasante majorité de pays ont exprimé leur refus des propositions européennes devenues les propositions de l’OMC. Les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, de nombreux pays d’Asie et d’Amérique latine ont indiqué qu’ils refusent que soient décidés des objectifs quantitatifs et qualitatifs, des objectifs sur les modes de fourniture et sur les secteurs, ainsi que des dispositions autorisant des négociations plurilatérales. Ils ont demandé que l’Annexe C soit, elle aussi, « recalibrée » pour refléter les désaccords persistants.

Le statut de cette Annexe C a été au centre des débats du Conseil général du 2 décembre : les pays en développement ont obtenu que la référence à l’Annexe C dans le texte proprement dit de la déclaration ministérielle soit mise entre crochets, ce qui signifie que cette Annexe ne fait pas l’objet d’un accord. Il demeure toutefois qu’il est indiqué (point 21) que les négociations qui se dérouleront en 2006 auront pour objectif d’augmenter les engagements en quantité et en qualité.

On se trouve donc à la veille de Hong Kong devant 4 possibilités :

a) les pays riches, Union européenne en tête, vont tenter de faire disparaître les crochets qui encadrent dans le texte la référence à l’Annexe C ce qui signifierait que celle-ci constituerait le document de base pour la négociation ;

b) des pays en développement vont s’efforcer d’obtenir la suppression du point 21 ;

c) des pays vont tenter, si l’Annexe C est rétablie comme base de négociation d’en modifier les termes ;
d) des pays vont présenter une Annexe C totalement neuve.

Il ne fait aucun doute que pour la première fois l’AGCS sera un dossier au centre des débats d’une conférence ministérielle de l’OMC. Un dossier qui pourrait devenir aussi explosif que le fut l’investissement à Cancun si, comme à Cancun, les Européens manifestent la même arrogance et la même obstination.

C’est une cinquième raison de rejeter projet de déclaration ministérielle.




I.5. LES DROITS DE PROPRIETE INTELLECTUELLE ET LA SANTE

Le projet de déclaration réaffirme l’attachement à la décision du 30 août 2003 sur la possibilité conditionnelle d’importer des médicaments génériques.

Je ne reviens pas sur ce qui j’ai écrit dans ma note III du 14 novembre. Les pays en développement continuent de demander une révision de l’ADPIC lui-même afin de permettre l’accès aux médicaments essentiels puisqu’ils ont vérifié que la décision de 2003 est inapplicable. Européens et Américains n’acceptent pour toute modification à l’ADPIC que l’intégration des dispositions de cette décision (avec la déclaration interprétative restrictive qui l’accompagne pour les USA ; sans pour l’UE) C’est une fin de non recevoir des Occidentaux à la nécessité de permettre l’accès effectif aux médicaments.

Des milliers de gens vont continuer de mourir chaque jour parce qu’ils ne peuvent se soigner à cause des décisions occidentales. Les 25 gouvernements de l’Union européenne qui soutiennent cette position présentée par la Commission Barroso peuvent à bon droit être accusés, en même temps que les gouvernements américain et suisse, de complicité de crime contre l’humanité.

C’est une sixième raison de rejeter projet de déclaration ministérielle.

I.6. VERS HONG KONG

Deux types de réunions se tiennent en parallèle pour examiner le projet de déclaration ministérielle : les réunions régulières où tous les Etats membres ont le droit d’assister mais où on ne négocie pas et des réunions informelles où, autour du directeur général, négocient l’UE, les USA, le Japon et une vingtaine d’autres pays.

La semaine qui commence est la dernière pendant laquelle le texte révisé du projet de déclaration ministérielle pourrait encore être modifié avant que commence la conférence.

II. AU PARLEMENT EUROPEEN

En vue de la conférence de Hong Kong, le Parlement européen a organisé un débat. Comme il est d’usage, même si cela n’a guère d’influence sur la Commission et le Conseil des Ministres, une résolution est adoptée en conclusion de ce débat. A cet effet, chaque groupe politique prépare son propre projet de résolution. Comme aucun groupe ne dispose de la majorité absolue, l’étape suivante consiste à négocier avec d’autres groupes afin de réunir le plus grand nombre de soutiens au texte négocié.

Le groupe socialiste avait le choix : soit négocier à gauche avec la Gauche Unitaire Européenne - Gauche Verte Nordique (GUE/NGL) et les Verts, soit négocier à droite avec le PPE (les conservateurs britanniques, les chrétiens démocrates et l’UMP), l’ALDE (les libéraux dont l’UDF) et l’Union pour l’Europe des Nations (un groupe d’ultra nationalistes qui comprend quelques fascistes). Les socialistes ont choisi de négocier à droite un texte très néolibéral dont un des signataires est le Français Harlem Désir (document du 28 novembre 2005).

On peut y lire que « grâce au système commercial multilatéral de l’OMC la croissance mondiale, le développement et l’emploi ont augmenté significativement. » Ce que toutes les études indépendantes contredisent. Et en conséquence, le texte appuie toutes les décisions prises à l’OMC, bien souvent à l’initiative de la Commission européenne soutenue par les 25 gouvernements.

Les socialistes avec les libéraux, la droite et l’extrême-droite, dans leur projet de résolution commune, formulent les points de vue suivants :

a) dans une phraséologie en tous points conforme au double langage de la Commission européenne et de l’OMC, les amis de Pascal Lamy, alliés pour la circonstance aux conservateurs de toute l’Europe et à l’extrême droite, certifient qu’un accord sur le programme de négociation [totalement favorable aux pays les plus riches] décidé à Doha en 2001 va « bénéficier à l’emploi, à la croissance et à la sécurité en Europe tout en offrant de nouvelles opportunités aux exportateurs européens dans une économie globale ouverte et au profit d’un monde plus stable ». On croit rêver. Depuis quand le libre échange a-t-il été créateur de plus d’égalité entre les peuples, de plus de justice dans chaque pays, de plus de prospérité pour tous ? Les socialistes ont totalement renoncé à ces exigences dont la satisfaction peut seule apporter la sécurité et la stabilité.
Si ce programme de Doha était si bienfaisant, pourquoi, depuis quatre ans, suscite-t-il tant d’oppositions au point qu’aucun des points de ce programme n’a débouché sur un accord ?

b) ils expriment leur soutien à la Politique Agricole Commune (PAC) de l’UE dont on sait qu’elle est à l’origine de la disparition de centaines de milliers d’emplois dans le monde rural, de graves crises sanitaires et de dégâts écologiques majeurs sans nous avoir pour autant apporté la pleine autonomie alimentaire (l’Europe est importatrice nette d’oléagineux). Dans le même temps, ils consacrent un couplet à l’agriculture multifonctionnelle qui devrait intégrer le souci d’une alimentation de qualité, d’une protection de l’environnement et de l’emploi rural. Double langage qui ne trompe plus personne.

c) ils demandent que les négociations sur l’ouverture des marchés aux produits manufacturés et aux matières premières – que les pays en développement n’ont jamais demandées et qui leur sont imposées – soient « accélérées aussi vite que possible » ; et de répéter le slogan que « les barrières commerciales sont un obstacle au développement durable ». Négligeant totalement le fait que les droits de douane représentent une des principales ressources des pays du Sud, ceux qui se prétendent socialistes soutiennent, avec les portes paroles politiques du patronat, la plus néocolonialiste des négociations ! Quand on sait que le concept de développement désigne en fait l’emprise des firmes du Nord sur les pays du Sud, on comprend que les pays riches veulent que ce développement soit durable et que toute résistance à cette emprise contrevienne à sa durabilité.

d) ils soulignent la nécessité que la conférence de Hong Kong « conduise à un accord ambitieux sur les services » qui apporte l’ouverture des marchés pour les entreprises européennes tout en concédant que cela ne devrait pas s’appliquer à la santé, l’éducation et la culture. Mais en contradiction avec tous les engagements pris à l’OMC, ils exigent la pleine réciprocité entre l’ouverture des marchés européens et ceux du Sud. Ils soutiennent la modification de fait de l’AGCS que l’UE réclame pour forcer les pays qui refusent de mettre cet accord en œuvre à l’appliquer.

e) ils demandent sans autre précision une « solution permanente » pour l’accès aux médicaments essentiels sans indiquer le contenu de cette solution, alors que la Commission européenne entend imposer comme « solution permanente » la décision de 2003 qui s’est avérée impraticable.

f) dans un remarquable appel à la servitude volontaire, ils soulignent « l’importance d’un soutien public et politique au système de l’OMC » tout en proposant des réformes dont ils ne fournissent aucune indication sur leurs orientations et leur contenu. Un bel exemple de « socialisme d’accompagnement »…

L’alliance ainsi formée sur ce texte entre socialistes, libéraux, droite et extrême droite a permis une synthèse qui est assurée d’obtenir la majorité. C’est donc un tel texte qui sera l’expression du Parlement européen. Pas de quoi se réjouir ! De synthèse en synthèse, la social-démocratie abandonne toujours un peu plus les peuples qu’elle prétend représenter.

Raoul Marc JENNAR
chercheur auprès du mouvement social
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MessageSujet: Re: Négociations de l'OMC   Négociations de l'OMC EmptyLun 19 Déc - 2:50

13 décembre 2005

LES NOUVELLES DE HONG KONG (1)

par Raoul Marc JENNAR
chercheur
urfig@wanadoo.fr


Dans l’île de Hong Kong, Wanchai est le nom du quartier où se trouve le centre des conférences, immense bâtiment aux formes futuristes qui a été construit sur la mer, comme la proue d’un navire qui avance dans la baie. Depuis dimanche, Wanchai est pratiquement en état de siège, avec un déploiement extraordinaire de moyens de sécurité allant jusqu’à des patrouilles navales dans la baie. Aujourd’hui, dans ce quartier, s’est ouverte la 6e conférence ministérielle de l’OMC.

Les gouvernements de 150 pays (l’Arabie Saoudite et Tonga viennent d’être admises) vont débattre pendant environ 100 heures, d’ici à dimanche, du texte de projet de déclaration ministérielle qui leur a été communiqué par les instances dirigeantes de l’OMC.

Outre les délégations officielles de 150 pays sont présents les journalistes et, en quelque sorte en observateurs parfois davantage, 3.200 personnes de la société civile qui compte tout à la fois des représentants des organisations patronales (les deux tiers) et des délégués d’associations et d’ONG.

Je retiens deux faits saillants de la cérémonie d’ouverture.

Le premier, c’est l’intense pression exercée par les différents orateurs (le chef de l’Administration de Hong Kong, le ministre du commerce de Hong Kong, M. Tsang, qui préside la conférence, Pascal Lamy, directeur général de l’OMC, Mme Amina Mohamed, ambassadrice du Kenya et présidente en exercice du Conseil général de l’OMC) pour que les ministres présents fassent des concessions et parviennent à un accord. Une insistance si forte quelle culpabilisait d’emblée celles et ceux qui se permettront de refuser les propositions avancées.

Ni Mme Mohamed, ni M. Lamy, ni M.Tsang, qui aurait chacun pu et dû le faire, n’ont signalé que le document soumis à la négociation comporte des annexes (elles représentent 36 des 48 pages de la version en français) dont aucune, sauf une, n’a fait l’objet d’un accord à Genève entre les représentants des différents Etats membres de l’OMC. On sait qu’une note introductive au projet de déclaration ministérielle indiquait cela dans la version présentée aux ambassadeurs à Genève, mais a disparu du document soumis aux ministres à Hong Kong. Il n’y est fait référence que dans une lettre adressée par Mme Mohamed et M. Lamy à M. Tsang. Une lettre qui n’a pas la valeur juridique du projet de déclaration et qui, au moins, aurait dû être lue à l’ouverture de la conférence. D’autant que M. Lamy, s’adressant la veille aux parlementaires de tous les pays présents ici, a souligné que son projet de déclaration ministérielle était soutenu par tous les Etats membres, omettant d’indiquer que c’est précisément parce qu’il contenait cette note introductive précisant les désaccords que le consensus avait pu être atteint à Genève. Bel exemple de coup tordu dont est capable M. Lamy.

Le second fait marquant de la cérémonie d’ouverture est la protestation exprimée par une délégation du réseau qui coordonne tous les réseaux altermondialistes « Notre monde n’est pas à vendre ». Alors que M. Lamy soulignait que son organisation n’est pas aimée, une vingtaine de militants parmi lesquels l’Américaine Lori Walach et le Philippin Walden Bello ont tenu à crier les injustices criminelles que provoquaient les accords de l’OMC. Faisant écho à ce que déclaraient lors de conférences de presse quelques heures plus tôt des délégations de pays du Sud, Walden Bello, directeur de Focus on the Global South (Bangkok), précisait : "We are protesting because we cannot continue to watch the WTO take away the lives and livelihoods of farmers, peasants and workers across the world” (Nous protestons parce que nous ne pouvons pas continuer à observer que l’OMC dégrade les vies et les conditions d’existence des fermiers, des paysans et des travailleurs à travers le monde) . Et il ajoutait : "There is nothing on the table at the WTO that is going to benefit developing countries. Developing countries must reject what is on offer. It is a case of 'no deal is better than a bad deal'. (Il n’y a rien sur la table de l’OMC qui va profiter aux pays en développement. On est dans la situation où pas d’accord, c’est mieux qu’un mauvais accord).

Au même moment, dans la rue, se déroulait la deuxième des trois grandes manifestations prévues et, comme lors de la première, cela se passait de la manière la plus pacifique qui soit. Comme dimanche, ils étaient plusieurs milliers à exprimer leur révolte par la parole, par les calicots, par des chants, des danses et des mimes. A la fin de la manifestation, un bateau couvert de slogans traversait la baie de Hong Kong et bravait les vedettes de la police maritime. Des fermiers coréens se sont jetés à l’eau et ont rejoint des collègues qui avaient plongé depuis les quais. Une manière à eux d’exprimer que l’OMC coule la petite paysannerie, mais qu’elle peut couler elle aussi.

Dans mon hôtel, je capte plusieurs chaînes de télévision (les émissions en anglais de la télé chinoise (Pékin) de la télé allemande, la BBC, CNN, TV5 qui donne les journaux télévisés belges, canadiens, français, et suisses). Je suis effaré de la manière dont on traite cette conférence de l’OMC, en particulier dans les chaînes francophones relayées par TV5 auxquelles je décerne sans difficulté le premier prix mondial de la caricature et de la désinformation : les seuls sujets abordés sont le dossier agricole et la violence redoutée des protestataires dont rien n’est dit, ou à peine, sur les motifs de leur protestation. Expliquer les différents accords, les enjeux de société qu’ils représentent et les controverses qu’ils suscitent, voilà une information de qualité qu’on ne trouve en fait qu’à la BBC. Pas un mot jusqu’à présent sur les chaînes francophones à propos du dossier capital des services alors qu’il concerne aussi bien les peuples du Nord que ceux du Sud. On en arriverait à espérer que le mode 4 de l’AGCS soit en priorité appliqué aux journalistes. Ils s’y intéresseraient peut-être…. Par contre, traiter de l’agriculture permet de faire croire que tout est bloqué à cause d’une minorité de paysans (qui ne sont qu’une minorité de téléspectateurs). On se garde de bien de dire que, chez nous, cette minorité nourrit 100% de la population et que sur la planète, les paysans constituent 62% de la population mondiale. Et surtout que la libéralisation à la manière de l’OMC détruit les fermes et les vies. Quant aux manifestants, comme ils n’ont pas été violents à Hong Kong et qu’il faut absolument diaboliser (en particulier sur les chaînes francophones) ceux qui n’acceptent pas la logique du profit, deux chaînes ont trouvé le moyen : elles ont rediffusé des images des moments violents de Seattle !

Demain, on entre dans le vif de la négociation.
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MessageSujet: Re: Négociations de l'OMC   Négociations de l'OMC EmptyLun 19 Déc - 2:51

14 décembre 2005

LES NOUVELLES DE HONG KONG (2)

par Raoul Marc JENNAR
chercheur
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On consulte ; on ne négocie pas

Les négociations ont commencé. Du moins, c’est la formule utilisée. Car on n’a pas encore vraiment négocié.

La conférence se compose officiellement de trois types de réunions :
- la séance plénière où chaque ministre vient exprimer le point de vue de son pays ; longue litanie de discours où il est rare qu’on apprenne quelque chose de neuf ;
- les réunions organisées par les facilitateurs en charge chacun d’un dossier (voir ma note V du 12 décembre) : la participation est assurée par les pays qui souhaitent intervenir dans le dossier ou par les représentants de groupes de pays ;
- la réunion des chefs de délégation : il s’agit de la réunion des délégués de chaque pays.

A ces réunions formelles, il faut ajouter les réunions informelles à l’initiative conjointe du directeur général et des pays les plus riches (UE, USA, Japon) auxquelles sont invités une vingtaine de pays.

Il y a enfin des réunions où, de leur propre initiative, les ministres se réunissent soit par région, soit par dossier.

Dès mardi soir, après la séance d’ouverture, une réunion informelle a réuni environ 25 pays. Les informations que j’ai pu recueillir m’amène à rapporter ce qui suit. Le président de la conférence, M. Tsang, le ministre du commerce de Hong Kong, a insisté sur la nécessité pour les participants de ne pas répéter les positions qui sont les leurs. Ce qui a eu pour conséquence que non seulement chacun a rappelé sa position, mais c’est ensuite attaché à désigner les responsabilités des uns et des autres dans les blocages que connaît chaque dossier. D’habitude, ce genre d’échanges précède l’échec final. Cette fois, il a servi d’introduction à la conférence…

Les USA, ont durci leur position en rappelant qu’il n’y aurait d’accord sur rien s’il n’y avait pas accord sur tout. L’UE a annoncé qu’elle s’en tenait à ses propositions dans le dossier agricole. Le représentant du groupe africain a indiqué que les pays africains concernés par le dossier du coton ne participeraient à aucun consensus si une solution n’était pas apportée à ce problème. Durcissement classique avant toute négociation ? Peut-être.

Si, lors de cette réunion informelle, on a pu avoir l’impression d’une faible cohésion des pays du Sud, au contraire, la réunion qui a ensuite regroupé G20, G33, G90, les pays ACP, les PMA, bref tout le Sud – 600 personnes, dit-on, étaient présentes- a laissé le sentiment d’une volonté renouvelée de surmonter des divergences qui pourraient ruiner les chances de tous les pays en développement si, à l’instigation de l’UE et des USA, elles prenaient le dessus.

Les facilitateurs en charge, respectivement, de l’agriculture, du NAMA (accès au marché des produits non agricoles) et du développement ont réuni chacun un certain nombre de ministres. Ils leur ont demandé de répondre à la question : comment améliorer le projet de déclaration ministérielle ? Des réponses fournies, on peut dire que les facilitateurs ont dû se contenter de procéder à des consultations et qu’aucune négociation n’a vraiment commencé. On a assisté à l’énoncé des divergences. Il n’y a pas eu de réunions sur les services, ni sur les autres matières.

L’impression que les responsables de l’OMC semblent vouloir donner, c’est qu’on délaisse le dossier des services. Certes, on peut penser que la décision prise à Genève, sur l’insistance des pays africains, de mettre la référence à l’Annexe C entre crochets (voir ma note IV du 5 décembre) réclame désormais le consensus pour supprimer les crochets et que dès lors la probabilité est faible d’avoir une avancée sur ce dossier. On gardera quand même à l’esprit que ce dossier est fin prêt et que l’Annexe C du projet de déclaration ministérielle n’est pas, à la différence des autres annexes, un rapport sur l’état des négociations, mais bien une liste de décisions. Dans le cadre d’un marchandage de fin de conférence, dont il serait imprudent d’évacuer d’emblée l’hypothèse, on pourrait très bien supprimer les crochets et toute l’Annexe C deviendrait dès lors la décision de la conférence dont il faut rappeler qu’elle a valeur de traité contraignant.

Au passage, je signale que le Commissaire européen Peter Mandelson a déclaré aux parlementaires réunis à Hong Kong que les pays africains demandaient l’Annexe C. Alors que ce sont eux qui, à Genève, se sont battus pour que cette annexe soit remise en cause. Mentez, mentez, il en restera toujours quelque chose.

Les pièges de l’aide au commerce (Aid for Trade)

Pour faire croire que « le développement est au cœur des négociations commerciales », les pays riches ont lancé le concept de l’aide au commerce qui doit faire partie du « paquet développement de Hong Kong ». Cette générosité doit surtout inciter les pays auxquelles elle est destinée à accepter les propositions occidentales. Mais de quelle générosité s’agit-il ?

J’ai déjà indiqué que les montants annoncés sont destinés à aider les pays bénéficiaires à appliquer des accords de l’OMC dont ils ne veulent pas. Quant à la réalité de l’aide apportée, jugez plutôt :

a) l’UE promet 2 milliards d’euros en 2010 dont la moitié proviendra directement des Etats membres. Or, lors du sommet du G8 les 6-8 juillet 2005, à Gleneagles (Ecosse), Barroso, le président de la Commission européenne, avait déjà annoncé cette offre européenne dans le cadre de l’annulation de la dette de certains pays.

b) les USA annoncent leur intention de faire passer leur contribution à l’aide pour le commerce de 1,3 milliard de dollars US en 2005 à 2,7 milliards en 2010. En réalité, cette aide a déjà été décidée et annoncée lors de la dernière réunion des ministres des finances du G7.

c) le Japon offre 10 milliards de US dollars étalés sur trois ans. C’est exactement ce qu’il avait annoncé au sommet de Gleneagles pour l’annulation de la dette de certains pays.

On le voit, c’est le même argent que les plus riches du monde promettent à plusieurs reprises lors de rencontres internationales. Evidemment, ces sommes ne s’additionnent pas.
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MessageSujet: Re: Négociations de l'OMC   Négociations de l'OMC EmptyLun 19 Déc - 2:51

15 décembre 2005

LES NOUVELLES DE HONG KONG (3)

par Raoul Marc JENNAR
chercheur
urfig@wanadoo.fr

PING PONG A HONG KONG

Après une réunion informelle qui a commencé hier soir et s’est prolongée tard dans la nuit (3 heures du matin), force est de constater que, même quand on entre dans la technicité des dossiers, les protagonistes en présence consacrent plus de temps à se renvoyer la balle qu’à faire des ouvertures. Ils ont consacré une bonne heure sur chaque dossier et sélectionné les questions sur lesquelles ils pensent pouvoir rechercher un accord. Ils n’ont pas cherché un accord sur le fond, mais seulement sur les modalités futures de la poursuite des négociations. A l’exception de l’UE, tous ont affirmé que l’élimination des subventions à l’exportation des produits agricoles devait être terminée en 2010.

Des ouvertures très conditionnées ont toutefois été faites sur le dossier développement en ce qui concerne ce qu’on appelle dans le jargon « quota free - duty free » (pas de quantités limitées à l’importation, pas de taxes sur les produits importés) en faveur des pays les plus pauvres (PMA – voir in fine de la note). Mais il n’y a pas d’accord sur la liste des produits concernés ainsi que sur la liste des pays bénéficiaires. Et UE et USA conditionnent ces ouvertures à des concessions de la part des PMA sur d’autres dossiers. En cela, les Européens font exactement ce qu’ils reprochent aux autres d’exiger d’eux-mêmes dans le dossier agricole.

Un nouveau groupe a été mis en place par la présidence : le groupe consultatif qui réunit 33 pays. Toutes les catégories de pays sont réunies. Mais on n’y a observé aucun mouvement sur l’un ou l’autre dossier. Et la réunion des chefs de délégations n’a pu qu’enregistrer cette stagnation. Par contre, la succession des discours en séance plénière a fourni une confirmation des attentes des pays du Sud et en particulier de l’Afrique.

La question des services a beaucoup occupé les discussions. Les Européens, le Commissaire Mandelson en tête, continuent d’affirmer que la libéralisation des services est une condition nécessaire pour le développement (mais ils oublient de préciser qu’il s’agit du développement des grandes entreprises européennes du secteur des services, pas des pays du Sud). Ils défendent le contenu de l’Annexe C tout en considérant d’une part qu’il est insuffisant et doit être complété de précisions chiffrées et, petite carotte pour ceux qui veulent se laisser abuser, en affirmant que les modalités de mise en œuvre de l’AGCS contenue dans cette Annexe C respectent la flexibilité initiale de l’Accord.

Une réunion du Conseil européen des ministres, ici à Hong Kong, a confirmé cette position à l’unanimité. Elle a reçu l’appui explicite de Pascal Lamy qui, sur ce dossier, s’engage beaucoup plus que sur les autres. Par contre, en fin d’après-midi, ce jeudi, une lettre signée par Cuba, l’Indonésie, le Kenya, les Philippines et le Venezuela demandait la suppression de l’Annexe C. Lors d’une conférence de presse, la ministre française, Mme Lagarde, a confirmé l’opposition des pays ACP (Afrique, Caraïbes et Pacifique) aux propositions sur les services. Des parlementaires européens, des pays ACP et de l’Asie du Sud-Est ont créé une plate-forme commune et, lors d’une conférence de presse, ont souligné que l’Annexe C représente un danger pour le développement.

Dans le dossier agricole, on a noté que le Conseil européen des ministres a conforté la position française. Sur la question du refus de fixer une date pour le démantèlement des subventions aux exportations de produits agricoles, la Grande Bretagne s’est abstenue, le Danemark, les Pays-Bas, la République Tchèque et la Suède n’étaient pas favorables au refus et les 20 autres pays ont soutenu le refus. L’UE et les USA continuent de s’envoyer des critiques mutuelles sur la question de l’aide alimentaire, mais on éprouve beaucoup de difficulté à les prendre au sérieux. Cette apparente querelle fournit un trop utile écran de fumée aux pratiques en cours : on apprend de la part de certaines délégations que des démarches (il serait plus correct de parler de pressions) sont entreprises par l’UE et les USA vers les capitales d’un certain nombre de pays en développement afin que des instructions soient envoyées à leurs représentants à Hong Kong pour qu’ils se montrent plus flexibles.

Dans le dossier de l’ouverture des marchés aux produits non agricoles, le blocage est total. On ne cherche même plus un accord sur le fond, mais seulement sur les modalités de la poursuite de la négociation après Hong Kong. Onze pays en développement ont adressé une lettre précisant leurs objections au texte proposé et réclamant une grande flexibilité.

De nombreuses ONG européennes ont dénoncé les propositions de l’UE pour un « paquet en faveur du développement ». Ces propositions visent à dissimuler que les négociations en cours ne servent pas le développement des pays du Sud, mais uniquement les intérêts offensifs des pays riches. Il s’agit de détourner l’attention sur ce qui est en jeu à Hong Kong : une mise en oeuvre contraignante de l’AGCS, la suppression des flexibilités afin d’imposer les dérégulations et les libéralisations qui mettront la planète sous la coupe des firmes transnationales. Ce « paquet pour le développement » de l’UE contient six éléments trompeurs :
1. quota free - duty free pour les produits en provenance des PMA : c’est en fait déjà accordé depuis 2001 ;
2. traitement spécial et différencié pour la mise en œuvre des accords de l’OMC : les pays en développement ont déposé en 2001, 170 propositions qui reflètent leurs priorités et leurs besoins. Après quatre années de négociations où elles n’ont pas été prises en considération par l’UE, la proposition européenne ne concerne que 5 d’entre elles qui ne devraient bénéficier qu’aux PMA ;
3. accès aux médicaments : l’insertion dans l’Accord sur les droits de propriété intellectuelle de la décision de 2003 a pour effet d’imposer comme solution définitive un accord temporaire qui s’est avéré impraticable ;
4. aide pour le commerce : les fonds qui sont annoncés à ce titre ont déjà fait l’objet d’autres promesses ;
5. l’érosion des préférences tarifaires : c’est l’UE elle-même qui provoque cette érosion dans l’Accord de Cotonou ainsi que dans les accords bilatéraux déjà signés ou en cours de négociation ;
6. coton : la générosité de l’UE ne trompe pas dans ce dossier qui ne la concerne que marginalement ; en parlant du coton, l’UE évite de traiter du sucre et de la banane où ses choix sont infiniment dommageables pour les pays producteurs.

La réunion informelle de ce jeudi soir va-t-elle apporter des changements ? Demain vendredi, la conférence se trouvera à mi-parcours. On annonce une nouvelle version du projet de déclaration ministérielle. L’impression demeure que tout reste possible.
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MessageSujet: Re: Négociations de l'OMC   Négociations de l'OMC EmptyLun 19 Déc - 2:52

16 décembre 2005

LES NOUVELLES DE HONG KONG (4)

par Raoul Marc JENNAR
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« Le protectionnisme, c’est la guerre ! » clament les idéologues du libre-échange. Pourtant, c’est ici, à Hong Kong que le libre-échange a pris son envol contemporain. Et de la manière la plus violente qui soit : par la guerre d’agression. En 1839, sous la pression de la Compagnie des Indes Orientales (déjà le lobby patronal !), le gouvernement britannique déclare la guerre à la Chine au nom du libre commerce. La Chine en effet interdit l’importation d’opium et refuse d’intégrer ce poison dans le cadre de l’ouverture de son marché demandée par les Britanniques dans le cadre d’un accord sur les échanges commerciaux. Victorieuse dans cette « guerre de l’opium », la Grande-Bretagne s’installe à Hong Kong. Aujourd’hui, à Hong Kong, sous la pression du patronat européen, la Grande-Bretagne, qui préside l’Union européenne et bénéficie du soutien résolu des 25 gouvernements, entend imposer à la Chine et à 149 autres pays l’ouverture des marchés aux produits manufacturés et aux entreprises de services. L’Histoire a parfois de ces raccourcis …

Ce vendredi matin, les informations sur les consultations nocturnes (on ne peut toujours pas parler de négociations) n’ont guère apporté de neuf. Sur l’agriculture et sur l’accès au marché des produits manufacturés, on a isolé les questions qui divisent. On a retrouvé une constante : le lien établi entre les différents dossiers de ce marchandage qui n’a pas encore commencé. Ainsi par exemple, les pays en développement (PVD) n’acceptent d’ouvrir leur marché aux produits manufacturés euro-américains que dans une mesure identique à l’ouverture que UE et USA sont disposés à accorder aux produits agricoles des PVD.

Quant aux services, il se confirme qu’ils constituent le dossier central, celui sur lequel les gouvernements des pays riches, poussés fortement par les organisations patronales ici présentes, entendent obtenir dimanche un résultat à la mesure des attentes de leurs commanditaires.

On peut distinguer quatre positions sur le dossier des services :

- UE, USA et Japon qui estiment que l’Annexe C est insuffisante, qu’elle doit être améliorée par l’introduction d’indications chiffrées sur le nombre de services à libéraliser et sur l’ampleur de cette libéralisation. L’UE dispose d’ailleurs d’un document, approuvé par le Conseil européen des ministres, qui va très loin dans ce sens ;
- le Groupe des 90 qui a présenté des amendements à l’Annexe C pour restaurer la flexibilité permise dans l’AGCS. Ce G90 a été appuyé ce matin par un grand nombre de parlementaires africains qui ont présenté à la presse une déclaration qui précise les raisons de leur rejet de l’Annexe C. Ce texte, remarquablement argumenté, sera sur le site de l’URFIG (www.urfig.org – rubrique Hong Kong) dès que je disposerai d’une copie électronique ;
- le Brésil, qui accepte l’Annexe C à la condition d’obtenir satisfaction sur le dossier agricole ;
- l’Inde et le Chili qui acceptent l’Annexe C telle quelle.

Le patronat, très présent ici, commence à donner de la voix. Certains vont même jusqu’à remettre en cause l’utilité de l’OMC dès lors qu’elle s’occupe de développement.

L’après midi a été marquée par un évènement que les protagonistes ont qualifié eux-mêmes d’historique. Les porte-parole des différents groupes de pays (G20, G33, le groupe africain, les ACP, les PMA, les petites économies), soit au total 110 pays du Sud, ont annoncé que pour la première fois dans l’histoire de l’OMC, les ministres de ces pays avaient tenu une réunion commune et adopté une déclaration présentée lors d’une conférence de presse. Ils ont convenu de coordonner leurs efforts pour présenter une attitude commune sur les questions où ils ont un intérêt commun. Ils ont souligné que l’agriculture est centrale pour tous ces pays. Ensemble, les gouvernements de ces pays demandent :
- la fin des subventions aux exportations agricoles en 2010 ;
- la réduction substantielle des aides internes qui ont des effets sur la concurrence commerciale ;
- l’application du principe de traitement spécial et différencié dans les différents aspects de la négociation agricole ;
- l’octroi de quota free/duty free pour les produits en provenance des PMA avec un résultat concret à Hong Kong sur cette question ;
- un engagement ferme et précis à Hong Kong de régler la question du coton.

Comme à Cancun, la manifestation publique de ces groupes de pays a suscité les sarcasmes du personnel de l’OMC, des délégations occidentales et des journalistes au service du patronat. On brocarde les « G »…En faut-il du cynisme pour se moquer ainsi des faibles !

Au moment où j’écris ces lignes, il reste 40 heures pour conclure. D’une manière ou d’une autre. Signe des grandes difficultés rencontrées, la nouvelle version du projet de déclaration ministérielle n’a pas été présentée aujourd’hui comme annoncé hier. Elle est prévue maintenant pour demain midi. Les réactions qu’elle suscitera fourniront un indice sérieux sur le résultat final de cette conférence.

Un lecteur m’écrit pour me demander : que peut-on faire ?

Je ne néglige aucune occasion de souligner le rôle et donc la responsabilité de nos gouvernements dans ces négociations. Savoir cela est très important. Comprendre enfin que nos gouvernements exercent désormais une double fonction :

a) ils participent au niveau européen et au niveau de l’OMC à des décisions qui concernent notre vie quotidienne
b) ils exécutent ces décisions au niveau national.

Ce qui signifie que lorsque nous réagissons aux décisions que le gouvernement prend pour mettre en œuvre dans le pays ce qu’il a convenu au niveau européen ou au niveau de l’OMC, il est déjà trop tard. La citoyenneté exige désormais une vigilance en amont des décisions nationales qui ne sont plus que des transpositions de décisions supranationales ou internationales. Il faut s’organiser en conséquence. Investir l’Europe ; s’intéresser à l’OMC. Et exiger de nos élus qu’ils en fassent autant.
Mes efforts seront récompensés si j’ai réussi à démontrer la pertinence de ce qui précède. La narration de ce qui se passe à Hong Kong n’a pas d’autre but.
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MessageSujet: Re: Négociations de l'OMC   Négociations de l'OMC EmptyLun 19 Déc - 2:52

18 décembre 2005




LES NOUVELLES DE HONG KONG (5)




par Raoul Marc JENNAR

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LES MULTINATIONALES OCCIDENTALES TRIOMPHENT A HONG KONG




A Paris, la droite défend «le rôle positif de la colonisation » ; à Hong Kong, rejointe par la social-démocratie européenne (Peter Mandelson, Pascal Lamy, résolument soutenus par le Parti Socialiste Européen), elle entend restaurer le colonialisme dans la plus perverse de ses formes : des accords internationaux contraignants. Plus besoin de contrôler des populations et des territoires. Il suffit, par l’accès au marché, d’imposer ses produits agricoles, ses produits manufacturés, ses services, par les droits de propriété intellectuelle et les brevets, de s’approprier les variétés végétales (surtout quand elles ont des potentiels curatifs ou nutritifs), par l’AGCS d’imposer toutes les dérégulations et privatisations nécessaires pour que les firmes européennes puissent opérer en toute liberté dans l’un des 150 Etats membres de l’OMC. L’indépendance politique concédée au XIXe siècle en Amérique latine, au XXe siècle ailleurs, est ainsi réduite à néant. Finie la souveraineté des Etats en principe garante de la souveraineté des peuples ! C’est à cela que libéraux de droite et de gauche se sont employés pendant six jours à Hong Kong.




Un accord est intervenu en cette fin de dimanche sur la cinquième version du projet de déclaration ministérielle rédigé par Pascal Lamy et ses collaborateurs. On sait que le texte qui a servi de document de travail à Hong Kong avait reçu l’assentiment des pays membres de l’OMC lors de leur dernière réunion en Conseil général à Genève, juste avant la conférence, parce qu’il était précédé d’une introduction précisant que « les textes figurant dans toutes ces annexes sont présentés sous la responsabilité des Présidents respectifs. Ils ne sont pas censés être des textes convenus, et sont sans préjudice de la position de quelque Membre que ce soit. » Or, M. Lamy n’a pas maintenu cette note introductive après avoir obtenu l’accord du Conseil général. Ce qui lui a permis d’indiquer, dans le dernier de ses projets de déclaration, que le Conseil général avait approuvé l’Annexe C alors que c’est totalement faux. Tels sont les procédés par lesquels on amène des Etats souverains à adopter des traités internationaux contre leur gré.




Procédés avalisés par nos gouvernements dont les 25 ministres, réunis à Hong Kong en fin d’après-midi, ont approuvé sans réserve le document de M. Lamy.




De version en version, ce projet de déclaration ministérielle est devenu de plus en plus favorable aux attentes des pays riches et donc de moins en moins favorable aux autres, comme si ceux-ci ne comptaient pas et qu’il fallait surtout satisfaire les puissants. Tout en parlant en surabondance de développement. C’est manifeste si on compare le texte du 13 décembre avec celui du 17 et celui du 18 qui a été adopté. Ainsi, par exemple, sur la question des services, la réserve sur l’annexe C a disparu dans l’ultime version qui, de plus, a été aggravée par un calendrier de mise en œuvre très précis.




La question qui est venue à l’esprit de tous les observateurs présents à Hong Kong, c’est : comment un tel accord a-t-il été possible ? Surtout que pendant les 5 jours qui ont précédé ce fatal dimanche, on a assisté à un débordement de propos musclés de la part des pays du Sud, Brésil en tête. Le gouvernement de Lula, par la voix de son ministre, se présentait comme intraitable sur la nécessité que soient totalement supprimées les subventions à l’exportation des produits agricoles pour 2010. La totalité des pays africains auxquels s’ajoutaient Cuba, le Venezuela et quelques autres affirmaient rejeter les dispositions relatives à l’AGCS et en particulier l’Annexe C. Les pays africains producteurs de coton, s’appuyant sur le verdict du tribunal de l’OMC qui leur était favorable, exigeaient que non seulement les subventions à l’exportation sur le coton disparaissent, mais également les subventions à la production. Dans chaque cas, le texte de Pascal Lamy ne leur donnait pas satisfaction. Et pourtant, ils l’ont adopté (avec des réserves expresses de Cuba et du Venezuela sur l’AGCS).




Pourquoi ? A cette question, on ne peut répondre que par des hypothèses. Les pressions de Bruxelles et de Washington sur les capitales de ces pays ? Plusieurs délégations en ont fait état. Les pressions sur place de la part des ministres européens, de la Commission européenne, du ministre américain et de Pascal Lamy lui-même ? C’est plus que vraisemblable si on se réfère à ce qu’on a appris après les précédentes conférences ministérielles. Le refus d’assumer la responsabilité de l’échec de la conférence ? Cela ne fait aucun doute. Aucun pays, ni même aucun groupe de pays en développement n’est prêt à supporter l’opprobe que le monde politico-médiatique occidental déverserait sur lui pour avoir fait échouer une conférence de l’OMC et en l’occurrence le cycle de négociation de Doha. L’erreur d’avoir placé sa confiance dans une large alliance dont les principaux protagonistes (Brésil et Inde) défendaient des intérêts sensiblement différents des autres Etats de cette alliance ? Incontestablement. L’idée d’une coalition réunissant en fin de compte les différents groupes de pays en développement est apparue séduisante. Elle a créé l’illusion d’un nouveau rapport de forces au sein de l’OMC. Mais les groupes qui avaient des intérêts vitaux à défendre (coton, services) n’ont plus été en mesure de constituer un pôle de résistance distinct dès lors qu’il est apparu que les pays leaders de la large alliance ne reproduiraient pas en actes les promesses de leur musculation verbale.




Ils ont été appâtés par une disposition qui permet de prendre en compte la sécurité alimentaire, les moyens d’existence et le développement rural. Mais les modalités de cette prise en compte restent à négocier.




Pour le reste, le résultat, c’est un accord désastreux. Un accord qui va accroître la domination des firmes occidentales sur le reste du monde. Un accord qui va créer de l’inactivité et de la misère. Un accord qui va générer du désespoir et des tensions. Car rien n’est plus faux que le discours dominant faisant croire à la prospérité par le libre échange dès lors que celui-ci se pratique entre pays inégaux en termes de ressources humaines, d’équipement et de développement économique. Aucun des gains annoncés il y a dix ans lors du lancement de l’OMC ne s’est concrétisé.




Sur le dossier agricole, l’accord offre à l’UE et aux USA la garantie de pouvoir pratiquer pendant au moins 8 ans encore un dumping qui se traduit par la disparition de centaines de milliers de fermes dans les pays du Sud et la destruction de millions de vies. Car ce que les deux géants commerciaux ont promis ne correspond à rien d’autre qu’aux politiques qu’ils mettent actuellement en œuvre. Comme si des gens dont l’espérance de vie ne dépasse pas 50 ans pouvaient attendre 8 ans ! Et aucun engagement sérieux n’a été pris en ce qui concerne les aides internes qui faussent la concurrence commerciale alors que les dispensateurs de ces aides veulent une concurrence du type « libre et non faussée » !




Sur le coton, les pays africains obtiennent que les subventions à l’exportation disparaissent en 2006, mais ils n’obtiennent pas qu’il en aille de même pour les aides à la production. Or, s’agissant de la production américaine qui est leur principale concurrente, ces aides internes représentent 90% du total des aides aux producteurs de coton.




Sur l’ouverture des marchés aux produits manufacturés, le droit des économies naissantes voire émergentes à se protéger a été très affaibli. Le choix d’une formule linéaire d’abaissement des droits de douane sur les produits manufacturés va conduire à la désindustrialisation de ces pays et à la diminution de leurs ressources douanières.




Sur les services, les propositions retenues vont permettre des négociations sur une mise en œuvre forcée et étendue de l’AGCS puisque ce sont les propositions européennes (voir ma note IV du 5 décembre) qui ont été retenues dans leur principe.




On a fait beaucoup de bruit du côté des Européens sur un « paquet pour le développement ». J’ai montré que ce paquet est vide (note 3 du 15 décembre).




Quant aux procédures utilisées pour arriver à ce résultat, force est de constater que la seule règle qui prévaut au sein de l’OMC est celle du rapport de force. Comment qualifier le fait de proposer un texte tout a fait unilatéral et ensuite d’exiger le consensus pour sa modification ? Comment qualifier le fait d’écrire qu’un document a été approuvé par l’ensemble des ambassadeurs alors qu’il ne l’a jamais été (il s’agit dans les deux cas de l’Annexe C sur les services) ? Le spectacle des brutalités procédurales fait d’avantage penser à des gangsters en col blanc qu’à des citoyens soucieux des règles de droit. Il y a là une violence faite aux peuples que les caméras ne montrent pas.




Une fois encore, depuis qu’a été lancé le programme de négociation de Doha, les Européens ont fait la démonstration de leur refus total de procéder aux concessions nécessaires pour aboutir à des accords commerciaux internationaux équilibrés et équitables pour tous. En dépit d’une abondante rhétorique qui ne trompe plus personne, les élites nationales et européennes manifestent une fois de plus leur incapacité à promouvoir des accords qui effectivement régulent le commerce, le modulent en fonction des niveaux de développement et le mettent au service d’objectifs fondamentaux comme l’accès de tous à l’eau, à la santé, à l’éducation, à la culture. Plus que jamais l’OMC incarne l’échec du néolibéralisme comme idéologie au bénéfice de tous.
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MessageSujet: Re: Négociations de l'OMC   Négociations de l'OMC EmptyMer 21 Déc - 17:55

20 décembre 2005




DE DOHA A HONG KONG VIA GENEVE (VI)




LES LECONS DE HONG KONG




La bonne nouvelle de Cancun ne s’est pas reproduite. « Ils » ont gagné. Nous avons perdu. En quoi est-ce leur victoire et quelles leçons en tirer, c’est le propos de cette dernière note de la série consacrée à la 6e conférence ministérielle de l’OMC. Je tiens à remercier le groupe parlementaire européen Gauche Unitaire Européenne/Gauche Verte Nordique qui m’a fourni les moyens d’effectuer ce travail et de le faire en toute indépendance. Ces 6 notes ainsi que les 5 textes rédigés au quotidien depuis Hong Kong se trouvent sur le site de l’URFIG (www.urfig.org) à la rubrique Hong Kong.




UNE VICTOIRE DU BUSINESS , UN ECHEC POUR LES PEUPLES




Les élites politico-médiatiques occidentales soulignent les gains obtenus par les pays en développement. Mais ils omettent d’indiquer que pour ces miettes concédées parcimonieusement par les gouvernements occidentaux totalement au service des firmes transnationales, les pays en développement vont avoir à subir le coût des décisions favorables aux pays riches. Un compte rendu honnête de l’accord de Hong Kong exige une présentation complète de ce que les pays en développement ont obtenu et de ce que les pays riches ont obtenu que les pays en développement vont avoir à subir.




AGRICULTURE




On a offert une promesse et un engagement aux pays du Sud :




a) la promesse : le droit des pays en développement à protéger leurs produits qui sont d’une importance vitale. Mais ce n’est qu’une promesse et on sait ce qu’elles valent quand elles viennent des Européens et des Américains ; à l’OMC ils en font depuis 1994 et elles n’ont jamais été transformées en décisions concrètes.




b) l’engagement : éliminer d’ici à 2013 les subventions à l’exportation et les aides équivalentes. Mais les subventions européennes à l’exportation représentent seulement 3,5% de soutien total que l’UE accorde à son agriculture. Et leur élimination se fera de manière « progressive et parallèle », ce qui signifie, en langage décodé, que UE et USA vont se surveiller mutuellement pour vérifier s’ils avancent au même rythme. De belles empoignades en perspective dont les victimes seront encore une fois ceux qui souffrent de ces subventions.


Le texte ne prévoit pas l’élimination des subventions internes des pays riches qui entraînent le dumping et il ne propose pas un renforcement du contrôle sur les aides autorisées. Le dumping mondial va se poursuivre, détruire des centaines de milliers de fermes et briser des millions de vies. Il n’y a aucune garantie que les pays en développement auront un accès assez significatif aux marchés du Nord.




Et surtout, mais je conviens qu’il s’agit d’une autre logique, aucune disposition n’a été prise qui respecterait un droit fondamental des peuples : la souveraineté alimentaire. Au nom du libre échange, on entend imposer un système où l’alimentation des peuples dépendra de quelques firmes agroalimentaires sans le moindre respect pour le droit de choisir son alimentation, sans le moindre respect pour les modes de production librement choisis par les paysans, sans le moindre respect pour la qualité de la vie et du cadre de vie. Hong Kong ouvre la voie à la domination du monde par quelques grandes firmes privées de l’agro-industrie.




Quand on entend le ministre brésilien déclarer « le Brésil a vocation à nourrir le monde » et qu’on sait que les produits brésiliens sont infectés d’OGM, cela fait froid dans le dos.




COTON




Sur le coton, les Etats-Unis doivent éliminer toutes les formes de subventions à l’exportation, mais ce n’est finalement que le respect d’une décision de justice. Et surtout cela ne concerne pas l’essentiel. Car les subventions à l’exportation ne représentent que 10% du montant total concerné. La proposition ne règle pas le problème des aides internes dont la preuve a été administrée qu’elle faussent le commerce et facilitent le dumping.




Comme le souligne l’Association des producteurs africains de coton : « la question essentielle, celle des soutiens internes, ne fait l’objet d’aucune proposition concrète ».




Vingt-cinq mille producteurs américains pèsent plus lourds que des millions de producteurs africains.




On consentira un sourire amère quand on lira qu’à Hong Kong, les pays africains ont reçu le droit d’exporter leur coton vers les Etats-Unis qui sont exportateurs nets de coton…De qui se moque-t-on ?




OUVERTURE DES MARCHES AUX PRODUITS NON AGRICOLES




Pour la première fois dans le système commercial multilatéral, tous les pays membres de l’OMC vont être tenus d’appliquer une formule unique de réduction des droits de douane qui affecte tous les produits.




Ainsi, les produits manufacturés des pays riches vont pouvoir concurrencer ceux des pays en développement sans que ces derniers puissent protéger leurs entreprises, leurs propres activités manufacturières. Comme si les uns et les autres se trouvaient sur pied d’égalité dans cette compétition.




Plusieurs études avaient prévenu qu’une telle décision représentait l’initiative la plus hostile au développement durable (mais que signifie encore cette expression galvaudée par tous les libéraux ?) des pays du Sud. La désindustrialisation est la suite logique de cette ouverture des marchés. Elle va frapper directement et immédiatement bon nombre de pays en développement. Mais qui pense un instant qu’elle épargnera certains pays d’Europe ?


L’ouverture des marchés aux produits non agricoles concerne également les ressources naturelles en ce compris les minéraux, les forêts, les zones de pêche. Les conséquences sur l’environnement risquent d’être catastrophiques pour une planète dont la survie est désormais directement menacée par les nuisances des pratiques productivistes.










PAYS LES MOINS AVANCES (PMA)




Au-delà d’une rhétorique surabondante sur la nécessité de rencontrer les préoccupations spécifiques des PMA, rhétorique relayée avec la même abondance par la plupart des média qui ont décidément abandonné toute forme d’indépendance intellectuelle, les PMA ont obtenu un geste qui réclame un examen critique : le libre accès aux marchés des pays riches « en franchise de droits et sans contingent pour les produits originaires des PMA ».




Mais les pays riches gardent le droit de limiter cette ouverture à 97% des produits en provenance des PMA, ce qui leur laisse la liberté d’appliquer des quota et des taxes sur les 3% restants dans lesquels il leur est loisible de faire figurer les principales exportations des PMA : riz, sucre, textiles, par exemple. Comme l’observe avec pertinence Martin Khor, directeur de Third World Network, « on a concédé des droits aux PMA dans des domaines où ils ne peuvent pas les exercer. »




SERVICES




Les modalités de la négociation sur la mise en œuvre de l’AGCS voulue par l’Union européenne et ses 25 gouvernements ont été adoptées. Par les techniques décrites dans ma note IV du 5 décembre, il sera possible de contraindre des Etats à libéraliser des activités de service. Un calendrier a même été arrêté qui devrait conduire à des résultats concrets à la fin de 2006. Aucune activité de service n’est à l’abri, sauf l’armée, la magistrature, les forces de l’ordre et les services administratifs des pouvoirs nationaux, régionaux et locaux. La santé, l’enseignement, les transports, les services sociaux, les services culturels et audio-visuels (et ce ne sont que quelques exemples), quel que soit le niveau territorial où ils sont fournis et quel que soit le pays, sont désormais la cible des gouvernements les plus libéraux.




Plus que jamais le concept de service public est directement menacé.




Pour les pays en développement, les flexibilités contenues dans l’AGCS ne sont plus que lettres mortes. Et les services de première nécessité pour eux (eau, énergie) ne seront plus accessibles qu’à ceux qui pourront se les payer. On mesure aisément les conséquences dans le domaine agricole.




Pour nous Européens, une première réaction s’impose : dire non à la proposition de directive européenne sur les services, mieux connue sous le nom de proposition Bolkestein. C’est le cadre légal de l’adaptation de l’AGCS à l’espace européen. Le rejeter, c’est gagner un premier combat dans le rejet de l’AGCS. Rendez-vous à Strasbourg en février.




DROITS DE PROPRIETE INTELLECTUELLE ET SANTE




Un crime contre l’humanité est désormais légalisé par les gouvernements des Etats membres de l’OMC. Parce que l’Union européenne, les USA et la Suisse entendent protéger les plantureux bénéfices des multinationales pharmaceutiques, ils ont décidé de figer dans un traité international la décision provisoire du 30 août 2003 sur l’accès aux médicaments essentiels dans les pays n’ayant pas de capacité de production pharmaceutique. Or, il a été démontré que le mécanisme mis en place par cette décision est impraticable.




Rien n’a changé : ceux qui sont malades ne peuvent se soigner parce que le prix des médicaments est trop élevé. En 2005 ! Le sort de millions de gens laisse totalement indifférents les gouvernements de l’Union européenne et les partis politiques qui les soutiennent. Tout ce qu’ils proposent, c’est le retour à la charité qui est la plus insidieuse négation des droits fondamentaux de la personne humaine.




Que ceci demeure présent dans nos mémoires, car celles et ceux qui ont participé à ce choix ne sont rien d’autre que des criminels.
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MessageSujet: Re: Négociations de l'OMC   Négociations de l'OMC EmptyMer 21 Déc - 17:56

(suite)

CONCLUSIONS : LE NECESSAIRE BILAN




Le temps d’un bilan est venu. Ce bilan est triple :




a) les progrès économiques annoncés par le libre échange non régulé et non modulé voulu par les accords de l’OMC ne se sont pas vérifiés




Le niveau de vie des peuples n’a pas augmenté. Là où ils connaissent des applications avancées suite à la pression de la Banque Mondiale et du FMI, le libre-échange à la manière de l’OMC a provoqué la perte de l’autosuffisance alimentaire et la destruction de centaines de milliers d’emplois dans l’agriculture. On cite souvent la Chine en exemple du succès d’un capitalisme restauré. Mais on ne remet pas les chiffres en perspectives. Si 25 millions de Chinois – et on se réjouit pour eux – ont atteint un niveau de vie décent, que dire du milliard trois cent soixante quinze millions restant ? Une bourgeoise s’est reconstituée, c’est tout. Mais où donc sur la planète, la richesse produite par le libre-échange au bénéfice de quelques-uns a-t-elle compensé la misère qu’il a provoquée chez un très grand nombre ?




Le bien être des consommateurs ne s’est pas amélioré. Gouvernements, partis politiques et médias acquis au libéralisme nous ressassent que les consommateurs sont les premiers bénéficiaires de la libéralisation. Quelqu’un connaît-il un cas où la libéralisation de la distribution d’eau ait provoqué une diminution du prix au mètre cube fourni ? Quelqu’un connaît-il un cas où la libéralisation de l’électricité ait provoqué une baisse du prix du kilowatt ? C’est tout le contraire et des pays d’Afrique qui ont commis l’erreur de croire à la propagande libérale paient aujourd’hui plus cher une eau de moins bonne qualité qui n’est plus distribuée partout.




Le libre échange ne peut être une fin en soi. C’est une méthode. Et elle doit impérativement être encadrée et modulée. Encadrée pour qu’elle serve d’autres objectifs que le profit et, à tout le moins, qu’elle ne les menace pas. Modulée, parce que le libre-échange entre acteurs de niveaux différents, c’est toujours l’écrasement du faible par le fort. Or, le libre échange qu’impose l’OMC élimine toute forme d’encadrement et ignore systématiquement les différences. Tout en proclamant le contraire. Mais il n’y a pas une seule disposition dans les accords de l’OMC relative au secteur privé ; il n’y a pas une seule mesure concrète et effective qui module en fonction des pays la déréglementation généralisée qu’imposent ces accords.




b) les engagements pris à l’égard des pays en développement et en particulier les plus pauvres d’entre eux n’ont pas été tenus.




La phraséologie pro développement insérée en 1994 dans les Accords de Marrakech afin d’obtenir l’assentiment des pays en développement déjà membres du GATT à la création de l’OMC et à l’application d’un libre échange sauvage à des matières n’ayant qu’un rapport lointain avec le commerce (entendu comme l’échange des biens et de marchandises) ne s’est pas traduite en décisions concrètes.




Cette même phraséologie pro développement qui emballe le programme de négociation décidé à Doha en vue de renforcer le pouvoir de l’OMC et d’étendre le libre échange sauvage à des nouvelles matières n’a pas trouvé davantage de concrétisation à Hong Kong.




Il suffit pour s’en convaincre de comparer deux dispositions ayant trait aux pays les moins avancés :




En 1994, l’article XI, §2 de l’Accord établissant l’OMC contient la disposition suivante :




« Les pays les moins avancés reconnus comme tels par les Nations Unies ne seront tenus de contracter des engagements et de faire des concessions que dans la mesure compatible avec les besoins du développement, des finances et du commerce de chacun d'entre eux ou avec leurs capacités administratives et institutionnelles. »




En 2005, après onze ans d’efforts des gouvernements du Sud et des ONG, avec les promesses des gouvernements européens, de la Commission européenne, des USA, du Japon et de leurs satellites, avec le discours pro développement mille fois répétés par les acteurs politiques occidentaux et leurs relais médiatiques, le résultat est le suivant dans le texte adopté à Hong Kong (Annexe F – traitement spécial et différencié) :




« Il est réaffirmé que les pays les moins avancés ne seront tenus de contracter des engagements et faire des concessions que dans la mesure compatible avec les besoins du développement, des finances et du commerce de chacun d’entre eux ou avec leurs capacités administratives et institutionnelles. »




On mesure le progrès accompli !!!




c) Hong Kong consacre l’échec d’une illusion




De nombreux gouvernements, dans le Sud, ont cru de bonne foi aux promesses des Accords de Marrakech de 1994 et du programme de négociation arrêté à Doha en 2001. D’autres n’y ont pas cru, mais ils ont fait semblant d’oublier que ces promesses n’avaient pour seul but que d’obtenir leur adhésion à des propositions très favorables aux pays riches.




Tous se sont appuyés sur ces textes pour en exiger la matérialisation. On a ainsi assisté, à Genève, pendant les quatre années de négociations qui ont suivi Doha aux rappels, parfois pathétiques mais toujours vains, des orientations inscrites dans un programme faussement baptisé « Agenda de Doha pour le Développement ».




Avec ces gouvernements, un certain nombre d’ONG ont pris au mot les promesses de Marrakech et de Doha. Elles se sont engagées dans un intense travail d’analyse et de propositions en vue de leur donner réalité. Elles ont privilégié un « dialogue constructif » avec des institutions comme la Commission européenne ou l’OMC. Elles ont poussé les gouvernements du Sud et ceux d’Afrique en particulier à la négociation d’accords qui auraient été plus équilibrés et leur auraient permis de tirer le meilleur d’un libre échange soudainement encadré et modulé. Elles ont ainsi donné du crédit à une négociation où tous les dés sont pipés.




Elles ont entretenu l’illusion que c’était possible parce qu’elles ont entretenu l’illusion de la bonne foi des libéraux de droite et de gauche d’Europe et des USA lorsqu’ils parlent de développement et de solidarité. Elles ont entretenu l’illusion que l’OMC pouvait fonctionner selon des règles de droit. Elles ont fait croire que des gangsters pouvaient se comporter comme des anges.




L’échec de Hong Kong, c’est aussi l’échec de cette stratégie des gouvernements du Sud comme des ONG qui les ont conseillés. Il faut maintenant en tirer les conséquences. Le plus mauvais choix serait de persévérer.




CONSTRUIRE L’ESPERANCE




Il y a, au Nord et au Sud, des associations et des ONG qui font un travail remarquable d’analyse et de pédagogie et qui ne se trompent pas sur la réalité de ce qui se trouve en face. Il y a, au Nord et au Sud, des parlementaires, qui ne cèdent pas au néolibéalisme et qui ne se contentent pas d’en atténuer les effets désastreux.




A Hong Kong, des parlementaires africains se sont exprimés avec compétence et conviction sur l’AGCS (voir leur appel sur le site de l’URFIG). Ils ont rejeté l’Annexe C. Ils n’ont pas été entendus. Parce qu’ils sont isolés.




Tirer les leçons de Hong Kong pour celles et ceux qui ne veulent pas un monde marchandisé, c’est construire un nouvel internationalisme basé sur le respect des différences et la complémentarité des convictions, mais c’est aussi enrichir le maillage des réseaux altermondialistes d’un prolongement politique crédible.




Nous sommes entrés dans un XXIe siècle où la modernité proposée consiste, au nom de la réforme désormais au service de la régression politique et sociale, à retourner aux pratiques d’exploitation locales et internationales du XIXe siècle.




Comment ne pas ressentir profondément que ce qui est en cause, c’est la souveraineté des peuples et, au-delà, la dignité de la personne humaine ? Les conquêtes politiques et sociales pour lesquelles nos aînés se sont tant battus parfois jusqu’au sacrifice de leur vie sont les cibles directes des accords de l’OMC et des négociations en cours. Priver le suffrage universel de toute effectivité, priver les pouvoirs publics de toute capacité d’action, démanteler les systèmes de redistribution de la richesse produite, c’est à cela que s’emploient libéraux de droite et de gauche à la solde du patronat lorsqu’ils négocient à l’OMC.




Comment ne pas constater que les droits consacrés par l’ONU dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, dans le Pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels et dans le Pacte international sur les droits civils et politiques, trois textes considérés comme les plus grandes avancées de l’humanité, sont aujourd’hui systématiquement foulés au pied ?




La stratégie des libéraux de droite et de gauche est la même employée à l’OMC pour remettre en cause la décolonisation que celle employée en Europe pour remettre en cause le suffrage universel, les droits fondamentaux individuels et collectifs, la solidarité organisée : conférer des pouvoirs contraignants à des institutions (Union européenne, OMC) qui échappent au contrôle démocratique ou, si on veut, reprendre par le haut, tout ce qui a été concédé au niveau national et renier ailleurs tout ce qui a été consacré dans le cadre de l’ONU.




Qui ne voit que c’est la même restauration conservatrice qui est à l’œuvre de la part des libéraux de droite et de gauche qui disent « oui » au traité constitutionnel européen et « oui » aux accords de l’OMC ?




Comment ne pas trouver actuel le vieil appel à l’unité de toutes les victimes de ce qu’on appelait il n’y a pas si longtemps le capitalisme, rebaptisé aujourd’hui en néolibéralisme, mais qui, aujourd’hui comme hier, signifie le pouvoir de l’argent ?




Comment ne pas se rendre compte que le combat n’a jamais cessé et que nous fûmes hier les barbares devenus les esclaves et puis la plèbe, plus tard les serfs, plus récemment le prolétariat, aujourd’hui la racaille, mais toujours les exploités, même si certain d’entre nous, par notre appartenance géographique, sommes devenus une nouvelle fois complices malgré nous de l’exploitation dont, aujourd’hui avec l’OMC comme hier avec la colonisation, Europe et USA sont les principaux acteurs ?




De Spartacus au Che, nous avons subi beaucoup de défaites. Mais le combat continue. Aucune défaite ne détruira la dignité qui est en chaque être humain. Après que la nuit soit tombée sur Hong Kong, le soleil s’est levé sur La Paz.




Aujourd’hui il y a grande souffrance. Mais de cette souffrance tirons la volonté de résister.




Racailles de tous les pays, unissons-nous !







Raoul Marc JENNAR
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MessageSujet: Re: Négociations de l'OMC   Négociations de l'OMC EmptyMer 21 Déc - 18:57

alejandro a écrit:
Ce qui suit est assez technique et pour tout dire, fastidieux. Je vous encourage quand même à le lire pour vous tenir un peu au courant de ce qui se négocie en notre nom à l'OMC.
Bon courage.

J'ai pas lu, mais ce qui est sympa, et rassurant, c'est que le directeur de l'OMC, Pascal Lamy, est membre éminent du Parti Socialiste français. Il faudra s'en souvenir, en 2007.
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MessageSujet: Re: Négociations de l'OMC   Négociations de l'OMC EmptyMer 21 Déc - 19:18

Fulmi a écrit:

J'ai pas lu, mais ce qui est sympa, et rassurant, c'est que le directeur de l'OMC, Pascal Lamy, est membre éminent du Parti Socialiste français. Il faudra s'en souvenir, en 2007.

Et la preuve, s'il en était encore besoin, que les travaillistes ne sont en aucune façon des garants contre une politique ultra-libérale.
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