Birth

J'ai vu un film très étrange, c'est Birth (Nicole Kidman, Lauren Bacall...)

Cest une femme de la trentaine qui s'apprête à se remarier, essaie enfin de reconstruire sa vie, disons au moins de lui donner un sens après un deuil de quelques années.
On comprend assez vite, disons qu'on le déduit assez vite, qu'elle était passionnément amoureuse de son mari, mort subitement, dans un souterrain, seul en plein hiver d'une crise cardiaque.
Il n'y a pas grand-chose sur cette scène de décès et rien sur la souffrance de l'épouse au moment où elle a dû apprendre cette nouvelle. L'atmosphère très particulière du film est donnée par une palette de couleurs assez ternes (genre Les Autres un peu; on voit souvent la famille (mère, soeur, beau-frère etc...) réunis dans le même appartement, dans un cadre restreint tant par l'absence de couleur que de dynamique d'espace. Peu de mouvements, peu de dialogues et le tout se déroule en hiver, continuellement.

Un jour un petit garçon de 10 ans revient. Il prétend être le mari défunt de la jeune femme en question. Après le rejet systématique de cette revendication d'identité incongrue vient le doute. Evidemment, le spectateur se laisse complètement prendre dans ce jeu. On réfléchit, déduit, conclut à la Nicole Kidman, l'héroïne du film. Et puis on finit par trouver non seulement acceptable mais également vraisemblable qu'un garçonnet allant encore à l'école soit la réincarnation d'un homme de 30 ans mort dix ans plus tôt. Plus tard dans le film vient le temps de la reconnaissance. Pour un film américain, et notamment avec un enfant, il est étrange de constater qu'à un moment, la femme mûre retombe passionnément amoureuse de celui qu'elle a perdu et qu'il devient le rival incarné du futur époux enrageant de voir sa promise aussi incrédule. Lorsqu'elle prend un bain, l'enfant se dévêt et prend place près d'elle dans l'eau; lorsqu'elle l'accompagne chez sa mère, elle l'embrasse sur les lèvres, dans la rue.
L'image incestueuse est dérangeante d'autant qu'on se demande si la jeune femme acceptera ce que l'enfant lui propose: être sa femme, vivre avec lui. La satisfaction des besoins sexuels est bien sûr évoquée entre deux. Là où le spectateur trouvait acceptable que l'enfant soit bien le mari, il lui vient à présent une certaine interrogation: jusqu'où ira le film? Jusqu'où ira cette femme amoureuse d'un enfant? Très vite il vient des idées de morale et d'interdits. C'est futé de la part du cinéaste (parce que dans le fond il y mettra une limite très vite après ce moment-là), c'est dérangeant pour celui qui regarde puisqu'il s'agit d'un couple contre-nature, c'est voyeur parce qu'on nous prépare (du moins le croit-on) à une relation charnelle et amoureuse plus accomplie que ces seuls prémices.
Il paraît que je n'ai pas compris la fin , en comparant avec d'autres...Mais c'est ma fin que je préfère, par conséquent je me la garde.

Ce qui est intéressant dans ce film c'est de voir à quel point la raison est manipulée par les sentiments, les siens, ceux des autres et le manque considérable qu'on garde de quelqu'un parti pour toujours. C'est une faille dans laquelle on doit sombrer très vite. Excepté la mort douce de très vieilles personnes, cet évènement reste un "scandale métaphysique"(Ionesco).

Dona a écrit:

Il n'y a pas grand-chose sur cette scène de décès et rien sur la souffrance de l'épouse au moment où elle a dû apprendre cette nouvelle.

Je suppose que si on avait voulu qu'elle souffît et le montrât, on aurait embauché une actrice expressive.

Fulmi a écrit:

Je suppose que si on avait voulu qu'elle souffît et le montrât, on aurait embauché une actrice expressive.

C'est surtout le choix qui est fait de ne pas le montrer qui est intéressant. L'enjeu du film est de concentrer le regard sur le retour du défunt, c'est entrer dans le vif du sujet. D'ordinaire, le pathos grossièrement américain aurait bien servi cette scène. Là il n'en est rien, le film est très soft, c'est aussi l'un de ses intérêts.

Dona a écrit:

C'est surtout le choix qui est fait de ne pas le montrer qui est intéressant. L'enjeu du film est de concentrer le regard sur le retour du défunt, c'est entrer dans le vif du sujet. D'ordinaire, le pathos grossièrement américain aurait bien servi cette scène. Là il n'en est rien, le film est très soft, c'est aussi l'un de ses intérêts.

Sans aucun doute, même si d'autres ont fait mieux : Marguerite Duras laissa le spectateur devant un écran blanc et Guy Debord dans le noir complet : le spectateur n'est pas au cinéma pour se divertir.

C'est encore plus fort, je crois.

Fulmi a écrit:

Sans aucun doute, même si d'autres ont fait mieux : Marguerite Duras laissa le spectateur devant un écran blanc et Guy Debord dans le noir complet : le spectateur n'est pas au cinéma pour se divertir.

C'est encore plus fort, je crois.

Certainement quoique ce ne soit pas comparable. Là, Birth est un film de genre- fantastique- bien qu'allociné point pouetpouet le catégorise en drame. Et je trouve qu'il a une subtilité à jouer avec le surnaturel que je n'ai peut-être jamais vu antérieurement.

Dona a écrit:

C'est surtout le choix qui est fait de ne pas le montrer qui est intéressant.

Ce en quoi il rend le film et le post de Dona 'interpellants'... à quoi bon montrer ce qui est inmontrable.

Autant montrer le possible, ce qui fait partie de la vie des survivants, les revenants

Fulmi a écrit:

C'est encore plus fort, je crois.

Sauf que ce que tu évoques donne vie à tous les possibles.

Ici c'est un possible que tu n'imagines même pas possible

Fulmi a écrit:

Dona a écrit:

Il n'y a pas grand-chose sur cette scène de décès et rien sur la souffrance de l'épouse au moment où elle a dû apprendre cette nouvelle.

Je suppose que si on avait voulu qu'elle souffît et le montrât, on aurait embauché une actrice expressive.

Nicole Kidman est une des meilleures actrices du moment, pour ne pas dire la meilleure, et elle est capable de toute l'expressivité nécessaire.

alejandro a écrit:

Nicole Kidman est une des meilleures actrices du moment, pour ne pas dire la meilleure, et elle est capable de toute l'expressivité nécessaire.

C'est très soft a dit Dona.

Nicole Kidman n'est pas moins pour autant une des meilleures actrices du moment.

Fulmi a écrit:

C'est très soft a dit Dona.

Parce que ce n'est manifestement pas le propos du film, ce en quoi il est intéressant, je crois

babar a écrit:

Dona a écrit:

C'est surtout le choix qui est fait de ne pas le montrer qui est intéressant.

Ce en quoi il rend le film et le post de Dona 'interpellants'... à quoi bon montrer ce qui est inmontrable.

Je parlais du chagrin de cette femme, au moment du décès de son mari. Toi aussi? ...

babar a écrit:

Autant montrer le possible, ce qui fait partie de la vie des survivants, les revenants

Quoiqu'ils n'existent pas oui, autant les montrer.


PS: j'ai du mal à comprendre je crois, ce que tu as écrit...

alejandro a écrit:

Nicole Kidman n'est pas moins pour autant une des meilleures actrices du moment.

Comment ça se mesure?

Dona a écrit:

PS: j'ai du mal à comprendre je crois, ce que tu as écrit...

C'est pas rave, on est sur la même longueur d'ondes, je crois

Dona a écrit:

alejandro a écrit:

Nicole Kidman n'est pas moins pour autant une des meilleures actrices du moment.

Comment ça se mesure?

J'ai un talentomètre infaillible de greffé dans l'oeil.

alejandro a écrit:

Nicole Kidman n'est pas moins pour autant une des meilleures actrices du moment.

C'est une excellente actrice, mais pas un volcan, quoi. Une sorte d'Isabelle Huppert antarctique.

babar a écrit:

Fulmi a écrit:

C'est très soft a dit Dona.

Parce que ce n'est manifestement pas le propos du film, ce en quoi il est intéressant, je crois

Sans aucun doute. Le mort qui ne revient pas, ç'a été déjà fait, et très bien, par Truffaut (La mariée était en noir) et très mal par Tarrentino (Kill Bill). A quoi bon, désormais ?

Fulmi a écrit:

Sans aucun doute. Le mort qui ne revient pas, ç'a été déjà fait, et très bien, par Truffaut (La mariée était en noir) et très mal par Tarrentino (Kill Bill). A quoi bon, désormais ?

Tiens, je ne savais pas que La Mariée...avait inspiré Kill bill que je n'ai pas vu du reste.
J'ai lu quelque part que Truffaut d'ailleurs avait peu de plaisir à revoir son film du reste excellent, et qu'il restait l'un des longs-métrages qu'il critiquait le plus.
Mais tout est redite en tout, en littérature, en art comme en cinéma. Tous les sujets ont été traités mais il existe des tas de traitements possibles du sujet. Par exemple, Birth est une amnière de traiter du surnaturel sans aucun effets spéciaux par ailleurs prolifiques dans le film moderne et spécifique à ce genre.

Bon, ça ne se dit pas effet spécial de toute façon?

Dona a écrit:

Bon, ça ne se dit pas effet spécial de toute façon?

En cinéma, cela se dit.

Fulmi a écrit:

Dona a écrit:

Bon, ça ne se dit pas effet spécial de toute façon?

En cinéma, cela se dit.

Mias on le dit toujours au pluriel toutefois. A quoi correspondrait un effet spécial tout seul? C'est un trucage (manuel, sur le plateau) dans ce cas non?

Dona a écrit:

Mais tout est redite en tout, en littérature, en art comme en cinéma.

Comme dirait ma femme, je ne te le fais pas dire.

Saga a écrit:

Dona a écrit:

Mais tout est redite en tout, en littérature, en art comme en cinéma.

Comme dirait ma femme, je ne te le fais pas dire.

Ben dites-moi, qu'est-ce qu'elle cause vot' dame...

Dona a écrit:

Fulmi a écrit:

Dona a écrit:

Bon, ça ne se dit pas effet spécial de toute façon?

En cinéma, cela se dit.

Mias on le dit toujours au pluriel toutefois. A quoi correspondrait un effet spécial tout seul? C'est un trucage (manuel, sur le plateau) dans ce cas non?

Un trucage, c'est un concept hérité du théâtre, mais depuis que le cinéma prétend être un art majeur (je me marre !) il crée des effets spéciaux.

Après tout, l'EN a cessé de dire "les humanités" pour ânonner "les sciences humaines" (puis, nouveauté : les "sciences de l'homme", car un adjectif qualificatif, c'est encore trop compliqué pour ces nazes), alors pourquoi le cinéma n'apauvrirait-il pas son jargon, lui aussi ?

ème)

babar a écrit:

Ici c'est un possible que tu n'imagines même pas possible

C'est pour ça qu'on continue à traiter le sujet. Il se prête à tous les possibles qu'on ne soupçonne même pas d'être possibles.

Un autre film, plus ancien, traitait de ce sujet (les revenants) avec regard culturel particulier. Il s'agit de "Beloved" de Jonathan Demme. Là, c'est le fantôme d'une adolescente qui revient vivre en famille. Personne ne s'en étonne outre mesure, bien que l'atmosphère familiale devienne terrifiante pour tout le monde. L'auteur a tablé sur la surréel africain (il s'agit d'une famille d'esclaves affranchis, dans les états du Sud bien sûr) où les morts continuent d'être dans l'espace invisible des vivants. L'intérêt de ce long-métrage réside dans le fait qu'en purs occidentaux que nous sommes, accoutumés à ce que nos morts pourrissent lentement sous la terre, on comprend très mal qu'ils puissent continuer d'exister et surtout qu'on leur reconnaît ce droit et accepte de vivre avec eux sans tenter de s'en défaire.