L'ivresse du PouvoirDe Claude Chabrol, avec Isabelle Huppert, François Berléand, Robin Renucci, Patrick Bruel, Jacques Boudet
Les navets au pouvoirClaude Chabrol doit être certainement le créateur de navets le plus connu de l’histoire du cinéma. Il se veut impertinent, faire de la critique sociale, alors qu’il ne fait qu’empiler des caricatures.
Jeanne Charmant Killman, joué par Isabelle Huppert (non mais franchement, le nom de ce personnage, il n’est pas lamentable ?) est juge d’instruction (on reconnaîtra Eva Joly) et dans le cadre d’un enquête sur une grande entreprise (Elf en vrai) met en examen et incarcère le PDG Humeau (François Berléand, Loïk Le Floch-Prigent dans la vraie vie) et fait feu de tout bois pour faire tomber les vrais responsables de la corruption généralisée qui sévit cette entreprise. Parallèlement, sa vie privée se détériore.
Dans ce film comme dans tout film de Chabrol, on cherchera en vain une quelconque conception du cinéma, une quelconque utilisation de son langage ; ce qui fait chez lui office de mise en scène se borne à faire déambuler ses personnages d’une pièce à une autre, de préférence avec des grosses longueurs, histoire de faire psychologique, et orné de quelques symboles ça et là, pour faire profond. Ce ne sont pas des personnages qui nous sont présentés, mais des stéréotypes, ou pire, des clichés, qui remontent aux débuts du vingtième siècle. On verra ainsi, inlassablement, les méchants hommes d’affaires fumer sans arrêt des cigares pour faire bien capitaliste sans scrupules. Moins méchant que les autres, Humeau est faible, et craque donc devant la juge dès la première nuit en prison. Chabrol pense-t-il vraiment que ces gens sont à ce point dépourvus de dignité ? A une époque qui glorifie l’entrepreneur et l’homme d’affaires audacieux, un portrait un peu moins lisse que ce qu’on nous en fait dans les pages économie des grands quotidiens serait certainement le bienvenue. On aurait peut-être pu s’appuyer sur une grille d’analyse à la Bourdieu (puisque on est, dit-on, dans la critique sociale et le film à thèse) qui voit la transmission du statut d’élite dans la transmission de culture ; seule capable de vous faire entrer dans les grandes écoles et notamment à l’ENA. On pourrait encore s’attarder sur la vision du monde de ces gens, habitués à faire plier la réalité à leur volonté ; on pourrait imaginer plein de choses. Mais Chabrol ne trouve rien de mieux que de présenter ces hommes comme étant bêtes et méchants, sans profondeur, sans aucun sens psychologique, sans aucune morale (peut-on vraiment vivre sans aucune morale ?) ; sans aucune culture.
Il paraît que le sujet du film est l’ivresse du pouvoir que Charmant Killman éprouverait au fur et à mesure qu’elle s’en prend à des poissons de plus en plus gros. Heureusement qu’il y a le dossier de presse pour nous le dire. Je veux bien croire que c’était l’intention de départ, je veux bien croire aussi qu’Isabelle Huppert y pensait très fort entre le clap de début et le « coupez ». Seulement, nous spectateurs, on le voit pas. Comme je l’ai dit plus haut, Chabrol tourne en se dispensant de se servir du langage du cinéma, et il ne nous reste plus qu’à écouter ce que disent les uns et les autres pour savoir ce qui se passe ; mais entre la caricature non ressemblante et l’argot du milieu, on a un peu du mal à suivre. Ainsi, lorsqu’un des très méchants nous explique que la juge fait chier, on suppose qu’au préalable, la juge en question a effectivement fait chier. Mais on aurait bien aimé le voir.
Quant au jeu d’acteurs, il est pathétique. Il paraît que Chabrol parle peu à ses comédiens. Ca ne m’étonne pas, ce qui étonnerait, même, c’est qu’il leur dise quelque chose. Les acteurs ne campent pas des personnages, ils miment des tics d’acteurs qui, lorsqu’ils sont connus, on a déjà vu mille fois.
La seule chose qui rend le film regardable de bout en bout est la frimousse d’Huppert ; seulement, gaspiller ainsi le talent d’une telle comédienne est proprement impardonnable.