Quelque part...
Chantal : Alors il me dit, l’air de rien « Chérie ! Ce soir, y’a Ludo, Jérémie, Aurélien, Christophe et Hervé qui viennent voir le match à la téléééé… Tu nous feras un petit plateau sympa, bien sûûûûr… Avec de la bière, évidemment ! » Et ils sont là « Ouais ! Ouais ! Vas-y mon gars ! Marque ! Marque ! Y’a touche, là ! Ouais ! Ouais ! OUAI AI AI AIS !!! » Et moi, pendant ce temps, je fais quoi ? Je touille, je touille, je touille ! Je m’emmerde ! Je LES EMMERDE !
Sophie : J’ai fait les lits, les courses, la vaisselle, la blanquette, le gâteau et mis la table, épluché les pommes de terre, j’ai passé l’aspirateur, sa serpillière, j’ai fait les carreaux, repassé le linge, évidemment je l’ai rangé en même temps que le bordel éparpillé dans toute la maison, j’ai astiqué les cuivres, les meubles, les cadres, les lustres, j’ai cousu les ourlets, ciré les pompes, aligné les piles dans les armoires, changé les rideaux et l’eau des poissons rouges… Il rentre en traînant la savate, qu’on dirait qu’il traîne tout Paris derrière lui… Il s’affale dans le canapé en soupirant, l’air mourant : « Je m’suis encore pris la tête avec Gérard… On est sur une affaire que j’te dis pas… D’ailleurs, tu comprendrais pas. Trop compliqué pour toi ! J’suis crevé… forcément, je m’donne trop à ce boulot, comme c’est pas permis ! Faut voir les résultats, aussi ! Mon agenda, c’est pire que celui d’un ministre… T’as de la chance, toi ! J’prendrais bien ta place… » BEN QU’IL LA PRENNE !!!
Solange : Il la regarde avec des yeux… que s’il le pouvait, il te la déshabillerait là, maintenant, pour la bouffer sur place, comme un hamburger ! D’ailleurs, c’est pas compliqué, il en bave au point que son tee shirt se transforme pire qu’une éponge ! Et puis c’est pas des dollars, qu’il a dans les yeux : c’est les cuisses de cette planche à pain ! Et encore… quand j’dis « les cuisses », c’est que je ne veux pas tomber dans la vulgarité ! Bref, quand je veux lui prendre le bras, histoire de lui rappeler que j’existe, il me fait « Me tiens pas comme ça ! J’ai chaud ! » Tu parles ! C’est pas au bras, qu’il a chaud ! Alors le soir, quand il commence à se susurrer « gnagnou… gnagna… on va se coucher ? » tout ça parce qu’il n’a rien d’autre à se mettre sous la dent… J’AI MAL A LA TETE !!!
Chantal : « Tu comprends, ma chérie, elle est trop large, pour toi… trop longue, aussi… et puis au aurais un mal de chien à passer les vitesses… attention ! tu vas rayer le tapis ! Ne mets pas tes doigts sur le pare-brise ! Tu fumeras dehors ! Le cendrier est neuf ! Ne claque pas la portière si fort ! » Eh quoi… C’est rien qu’une bagnole, non ? Il me sort par les yeux, son tas de tôle froissée pouvant être encore plus froissé à volonté ! Avec son rétro visibilité 900° aux alentours ! Ses super phares méga éclairant à 1 km à la ronde ! Sa clim intégrée qui fonctionne en ouvrant les vitres ! Ses sièges à 90° permanents ! Son coffre 1320 m3 ! Ses vitres en sucre cassable très résistants à l’air, mais pas à l’eau ! Son incomparable couleur rouille, obtenue au bout d’un séjour d’un an au fond de la mer noire ! Ses deux vitesses potables ! Sa vitesse maxi 140 m/h et ses 17 millions de km au compteur ! Et moi… JE SUIS QUOI ???
Solange : « Chérie, elles sont où, mes chaussettes ? Mon amour, t’aurais pas vu la petite cuiller qui est dans ma tasse, là ? Mon cœur, peux-tu prendre le journal sur l’accoudoir de droite, pour le mettre sur l’accoudoir de gauche ? J’ai pas le courage… ah… si tu me massais les cervicales, ça m'ferait du bien ! Mon trésor, je sais que tu as très froid, mais si tu pouvais ouvrir la fenêtre… Ma puce, un petit couscous, même avec tes 40 de fièvre, je suis sûr que tu ne me refuseras pas ma gourmandise, tu es si bonne cuisinière ! Dis, Chatoune, mon pull s’est démaillé sur 18 cm, si tu pouvais me l'réparer, ça me permettrait d’aller promener le chien : j’crois qu’il est sur le point de pisser contre les pieds de la chaise ! Au fait, Bibiche, j’ai oublié de te dire que nous aurons 9 invités ce soir, dont mon patron et trois collaborateurs : fais nous quelque chose de remarquable et fais toi belle, hein ? Désolé, ma Vie, je n’ai pas eu le temps de passer chez « Trois Arums et un Coussin » pour te prendre des fleurs : je n’ai pas oublié notre anniversaire de mariage, mais tu comprends, y’avait la queue au tabac et j’avais plus de cigarettes ! Ma Jolie Belle, devine qui vient avec nous en vacances ? Ma mère ! » Non mais dites-moi : de quoi je me plains ! Il est pas en or, mon mari ? JE CRAQUE !!!
Sophie : Ce petit, il l’adore, vous entendez ? IL L’ADORE ! C’est pas compliqué, pendant neuf mois, c’est tout juste si c’est pas lui qui a pris du poids… Il m’a réclamé des cerises en Novembre, des tournedos Rossini à 3 heures du matin, de la choucroute de Pampelune et pas une autre, s’il vous plaît, et a pris un abonnement chez le chocolatier du quartier, avec option service 24 h sur 24, pour être sûr de ne pas en manquer. Quand il a commencé à sentir une contraction toutes les minutes, nous sommes partis d’urgence à la clinique. Il clame à qui vent l’entendre qu’un accouchement, c’est pas si difficile que ce qu’on dit. Bref, il résume avec emphase que « ça en vaut la peine ! Vous avez vu mon Génie-Junior ? » Il l’expose comme une œuvre d’art, que je peux à peine y toucher, à mon gosse ! Bien sûr, c’est Papa qui lui apprendra la vie, à fiston ! Même qu’ils iront ensemble au stade ! Même qu’entre hommes, hein, je vous dis pas la complicité ! Et quand il fait caca dans sa couche, le petitout ? Alors là… là… Papa suggère suavement à Maman « de nettoyer tout ça, parce qu’il n’y a qu’elle pour avoir ce tour de main » tout comme d’ailleurs préparer les bouillies, laver les grenouillères, se précipiter la nuit au moindre bruit suspect et même sans bruit, d’ailleurs... Autrement dit, je sers à quoi, moi, avec mes deux pieds dans la merde au milieu de la nuit, hein ? JE SERS A QUOI !!!
Solange : « Ma Douce, si tu me faisais une bonne tarte aux pommes, aujourd’hui ? Tu sais, avec la recette de ma mère ? » Et moi, bonne poire, je prends la recette de Môman pour faire la tarte aux pommes. Je la fais pareil. Pareil-pareil. Strictement pareil… et quand il croque dans la plus grosse part qu’il a soigneusement choisie, il me fait une grimace qu’on dirait que je lui ai servi des bolognaises à la chantilly sauce au ragoût de mouton : « Y’a vraiment que ma mère, qui sait les faire, les tartes aux pommes ! » Hop ! la liste s’allonge : le pli du pantalon comme ceci et comme cela, le p’tit mouchoir bien repassé-plié-mais-déplié dans la poche droite, le p’tit cigare du dimanche en même temps que le pousse-café, la super confiture de figues recette « Treize cent trente trois », la savonnette face nord au sud, le pyjama sous l’oreiller dans le sens de la longueur, les charentaises devant la cheminée (légèrement à gauche), le couteau à manche noir (les autres ne coupent pas), la cuiller qui a la petite marque parce que les autres (bien que du même service) ne sont pas assez creuses, la tarte aux pommes avec exactement la même recette, mais pas pareil… ET LE CALIN DU SOIR…EST-CE QU’IL CONVIENT A MONSIEUR, OU FAUT QU'J'INTERROGE MAMAN ?
Chantal : Lundi, il a voulu revoir « Rambo », parce qu’il n’avait pas tout bien vu la première fois… Sauf que lundi, c’était la 27ème fois qu’il se repassait la cassette… Mardi, fallait pas louper l’émission sur Miss France… Mercredi, ah oui… mercredi c’était le polar américain que quand les acteurs sont tous morts, c’est forcément la fin du film… Jeudi, « C’est Son Choix » (pas le mien)… Vendredi, foot… Samedi, Rugby et Dimanche, Formule 1. Mon jour à moi, c’est… c’est… bé y’en n’a plus, hein ! Le calcul est pas difficile… ! Remarquez, pendant ce temps, je m’occupe… j’peux faire tout ce que je veux, mais sans me déplacer (ça lui brouille le coin de l’œil et du coup, il perd l’image, le son, l’histoire…) et sans faire le moindre bruit (sinon, ça lui brouille le fond de l’oreille et du coup, il perd le son, l’image, l’histoire…) Donc, je me range entre le buffet et la pendule, droite comme un i, motus et bouche cousue… MARRE QU’ON ME PRENNE POUR UN MEUBLE !
Sophie : « Ma P’tite Caille, c’est la saint Valentin… ! Je suis sûr que tu l’avais oublié ! Devine ce qu’il y a dans le paquet ? » Alors moi, je me dis « C’est trop gros pour être un bijou, trop petit pour être un sac à main, trop haut pour être un beau livre, en tous cas, ce qui est sûr, c’est que c’est pas des places de spectacle ou de restau ». Dans le mille ! Quand je déballe, j’ai du mal à dissimuler ma joie en découvrant la cocotte minute, le fer à repasser, l’épilateur électrique, la bassine à confiture, ou la liste des 25 personnes qui viendront dîner à la maison samedi soir… « Mais quoi, enfin… un mari attentionné, quelle chance ! », me disent les collègues en me montrant le billet d’avion pour Honolulu ou les boucles d’oreilles 1/3 en or, 1/3 en argent, le reste en perles fines que leur a offert leur Valentin… Je pense que l’année prochaine, j’aurai le privilège de déballer une serpillière super résistante, molletonnée trois épaisseurs… c’est pas beau, l’amour ? JE HAIS L’AMOUR !!!