« Le Premier Amour » de Santiago H. Amigorena
Santiago H. Amigorena est connu comme scénariste : « Le fils du requin » (Agnès Merlet), « Les gens normaux n’ont rien d’exceptionnel » (Laurence Ferreira Barbosa), « Le péril jeune » (Cédric Klapisch) « Tokyo Eyes »(Limosin), « Post Coïtum, animal triste » (Brigitte Rouan), etc…
Il livre ici le quatrième volet d’une autobiographie impudique et hautement littéraire. Après « Une enfance laconique », « Une jeunesse aphone », « « Une adolescence taciturne,, voici « Le Premier Amour » où il évoque le temps des études et de l’amour dans leurs balbutiements.
Lycée Fénelon, Paris, fin des années 70. Dans une terminale qui compte trente-trois filles débarque à la rentrée un beau et silencieux garçon d’origine argentine dont le père, Horacio, est un psychanaliste célèbre. Il a 17 ans Il s’appelle Santiago H. Amigorena. Les filles n’ont d’yeux que pour lui mais lui choisit l’unique qui feint de ne pas s’intéresser à lui, Philippine.
Vingt-cinq ans plus tard, l’auteur se souvient à travers ce livre de Philippine qui fut son Premier Amour. Pas de mystère sur l’identité réelle de la belle, son nom est révélé dans le livre, Philippine Leroy-Beaulieu. (elle deviendra actrice de cinéma)
Ce thème du premier amour est usé jusqu’à la corde et pourtant, pourtant, pourtant, ce roman sort de l’ordinaire.
C’est le récit d’une passion brève (elle a duré un an )mais totalement folle, aussi charnelle que littéraire. Une liaison extraordinaire, de grande ampleur ,de toute beauté. Un premier amour qui n’a pas seulement été vécu dans la fièvre, mais qui a aussi été écrit sur le vif. Dès le début, l’adolescent exalté noircit des pages sous les yeux de Philippine. Il écrit aussi sur son ventre, ses seins, ses jambes les mots de son amour et de son désir : poèmes, jeux de mots, calligrammes…. Il associe la pratique de l’écriture et celle de l’amour.
Dans le livre, Santiago H. Amigorena fait alterner le récit de cet amour fou et les pages d’alors, lyriques, sensuelles, poétiques, émouvantes, empreintes d’un romantisme sauvage.
Mais si le bonheur est dans ces pages, le malheur y est aussi…Attente, trahison, jalousie… La rupture renverra le garçon à ses pratiques solitaires de « crapaud graphomane éternellement avide de trouver une nouvelle raison de souffrir. »
Autre intérêt du livre : l’intime et le politique se mêlent. A la fin de l’amour correspond celui d’un credo politique. « L’effroyable idéologie des années quatre-vingts, cette idéologie triomphante bâtie sur le mythe de la « fin des idéologies » qui vise à décourager de toute action publique et qui a permis à la classe politique, en dépolitisant l’espace social, d’ouvrir la voie au populisme de la haine pure de l’autre, cette idéologie qui s’avère être, de toutes les idéologies, la plus dogmatique, la plus dominante et la plus répugnante ».
C’est à la naissance d’un écrivain qu’on assiste ici. Amigorena maîtrise l’écriture avec excellence Vous apprécierez…:il ne recule devant aucun imparfait du subjonctif !..
Santiago H.Amigorena se différencie beaucoup des autres écrivains de soi, autofictionnels ou autobiographes qui pullulent aujourd’hui. Les autres prétendent dire la vérité de leur vie. Lui dévoile plutôt l’impossibilité qu’il y a à la dire.
Ce livre a fait partie de la deuxième sélection pour le prix Médicis romans 2004 et a fait partie de la première pour celle du Grand Prix du roman de l'Académie Française.