La chute

La chute



Le film raconte les derniers jours d’existence du régime nazi. On suit une secrétaire personnelle de Hitler et à travers ses yeux, on voit la désintégration l’état major allemand. En parallèle, on suit le sort de la population berlinoise menacée, puis assiégée, puis envahie par les troupes soviétiques.

Peut-être l’intention du réalisateur était de donner à voir la vérité du nazisme, et en particulier celle de Hitler, en la faisant rejaillir au moment où il sait qu’il vit ses derniers jours, son heure de vérité, comme on dit en tauromachie lorsqu’on parle de la mise à mort. Le réalisateur choisit une mise en scène plutôt sobre, on suit simplement les personnages, la camera essaye de saisir des moments, des situations qui pourraient donner cette vérité.

Le réalisateur construit son film par des mises en parallèles en contrastant, par exemple, la réaction des uns et des autres face à la fin, certains en s’abandonnant à l’alcool d’autres en essayant de se rendre utiles, certains faisant leur devoir, avec application mais désabusés, sachant très bien que ce combat jusqu’à la fin est absurde, d’autres en y croyant encore et toujours, les soldats russes face à eux, en plein milieu de Berlin.

Cependant, le contraste le plus saisissant est certainement celui qui oppose, d’une part, le fanatisme et la loyauté absurde de nombre d’Allemands, qu’ils soient militaires, SS ou simples civils, et le mépris avec lequel Hitler et certains autres, notamment Goebbels, ignorent ce qu’endure son peuple, en particuliers les civils.

Le film commence et se termine sur l’interview réelle de cette secrétaire personnelle de Hitler. On aurait pu s’en passer, car elle ne fait rien d’autre que se justifier par le fameux « on ne savait pas ». Je ne suis pas spécialement partisan de constamment rappeler aux Allemands le passé nazi de leur pays, mais il ne faut pas raconter des histoires, on ne la croit tout simplement pas. Comment faut-il comprendre cette interview ? comme une image du peuple allemand confiant, trompé par les dirigeants nazis, ce que la scène où Hitler dicte son testament politique laisse supposer ; ou comme un aveuglement volontaire qu’il s’agit de condamner, comme le suggèrent des répliques de Hitler ou Goebbels telles que « C’est le peuple allemand qui nous a confié son destin » ? Quelque soit la réponse, je pense que cette interview fait tâche dans le film.

Jouer Hitler ne devait pas être une mince affaire, l’acteur qui joue ce rôle – désolé, je n’ai pas les noms sous la main – compose un Führer crédible sauf, peut-être, lors des ses fameuses colères envers ses généraux. Il ne fait tout simplement pas peur. Les acteurs en général sont bons, avec, je dirais, une mention spéciale pour l’actrice qui campe la femme de Goebbels.

Il paraît qu’on a reproché à La chute d’humaniser Hitler, et donc, de prendre le risque de le rendre sinon sympathique du moins, moins antipathique qu’il ne le mérite. On ne risque pas. D’abord, la figure de Hitler est tellement imprégnée chez nous tous qu’on ne perd jamais de vue qui était le Fürer. Quelque soient les égards qu’il puisse avoir envers ses secrétaires, quelque soit sa faiblesse à cause de sa maladie de Parkinson, quelque soit la tendresse qu’il ait pour sa chienne et sa compagne, on n’oublie jamais qu’il est le responsable de la conflagration la plus impressionnante de toute l’histoire, le fondateur d’un parti à l’idéologie particulièrement odieuse et l’inventeur de l’industrialisation et la bureaucratisation du meurtre de masse. Et pour les étourdis qui ne l’auraient pas à l’esprit, c’est suffisamment rappelé. En revanche, la question peut se poser lorsque le film aborde des personnages secondaires tels que Speer ou le médecin au crâne rasé. Les deux se rendent sympathiques en se préoccupant du sort de leurs concitoyens ; le premier en refusant la destruction d’installations civiles durant les plusieurs mois qui ont précédé la chute du régime, le second en faisant tout ce qu’il lui est possible de faire pour les militaires blessés.

Speer a été relativement épargné par Nuremberg, a toujours cherché à minimiser son rôle dans le troisième Reich, y compris face à la camera aussi tardivement que dans les années 70. Néanmoins, les historiens ont bien établi le zèle avec lequel il s’est occupé de la logistique du troisième Reich en matière d’armement. Quant au personnage au crâne rasé, s’il est médecin, il est aussi officier SS, ce que l’on ne pouvait pas être sans une profonde conviction nazi. Est-ce un problème ? A mon avis non, pas vraiment. Le but du film était apparemment de reconstituer ces derniers jours le plus fidèlement possible, ce qui est tout à fait honorable, et si ça s’est passé de la sorte, eh bien c’est une bonne raison de le reconstituer ainsi. De toute façon, autrement, ce serait tomber dans un manichéisme facile.

En résumé, je trouve le film plutôt bien réussi et je pense qu’il vaut la peine d’être vu.

c'est rigolo, j'ai lu un article sur la chute y a qqs tps qui m'a donné a contrario très envie ; hier qd je suis tombée sur l'affiche, me suis dit té j'irais bien, et hop aussi sec limite compulsif j'ai pensé à ton sens critique ;-)

ours impatient a écrit:

c'est rigolo, j'ai lu un article sur la chute y a qqs tps qui m'a donné a contrario très envie ; hier qd je suis tombée sur l'affiche, me suis dit té j'irais bien, et hop aussi sec limite compulsif j'ai pensé à ton sens critique ;-)

Un film qui a donné lieu à autant de débats, mieux vaut d'aller le voir pour se faire sa propre opinion. C'est un week end grisouilleux idéal pour le cinoch !

Coldfingers a écrit:

Un film qui a donné lieu à autant de débats, mieux vaut d'aller le voir pour se faire sa propre opinion.

Début de la polémique ici: http://archquo.nouvelobs.com/cgi/articles?ad=culture/20050104.OBS5331.html&host=http://permanent.nouvelobs.com/

Dès qu'on tente d'humaniser un monstre, la moitié des uns prétendent de la légitimité historique, la moitié des autres hurlent au fait que c'est manipulatoire.

Vous souvenez-vous d'un téléfilm sur Hitler qui avait déjà tenté cette amorce? Refléter le personnage non seulement public mais aussi privé et finalement lui donner une épaisseur psychologique qui permettent -ou pas d'ailleurs- de comprendre.

Alejandro a écrit:

Le film commence et se termine sur l’interview réelle de cette secrétaire personnelle de Hitler. On aurait pu s’en passer, car elle ne fait rien d’autre que se justifier par le fameux « on ne savait pas ». Je ne suis pas spécialement partisan de constamment rappeler aux Allemands le passé nazi de leur pays, mais il ne faut pas raconter des histoires, on ne la croit tout simplement pas. Comment faut-il comprendre cette interview ? comme une image du peuple allemand confiant, trompé par les dirigeants nazis, ce que la scène où Hitler dicte son testament politique laisse supposer ; ou comme un aveuglement volontaire qu’il s’agit de condamner, comme le suggèrent des répliques de Hitler ou Goebbels telles que « C’est le peuple allemand qui nous a confié son destin » ? Quelque soit la réponse, je pense que cette interview fait tâche dans le film.

Je ne comprends pas ce que tu veux dire. Apparemment tu démontres que le film est sobre, honnête et historique autant autant que faire se peut. Dans cette logique, l'interview de la secréaire, puisqu'il est réel, ne vient que confirmer non seulement le réalisme du film mais également la véracité de ce témoignage donné, j'imagine, comme celui de tous les allemands. Qu'est-ce qui te pose problème? Qui fait tache? Je n'ai pas bien compris.

Dona a écrit:

Je ne comprends pas ce que tu veux dire. Apparemment tu démontres que le film est sobre, honnête et historique autant autant que faire se peut. Dans cette logique, l'interview de la secréaire, puisqu'il est réel, ne vient que confirmer non seulement le réalisme du film mais également la véracité de ce témoignage donné, j'imagine, comme celui de tous les allemands. Qu'est-ce qui te pose problème? Qui fait tache? Je n'ai pas bien compris.

Ca me pose problème parce que, à mon avis, ça travaille contre le film. Lors de l’interview réelle, la secrétaire ne témoigne pas, elle se justifie ; ce qui va à l’encontre de la logique narrative par ailleurs, qui est, d’une certaine façon, l’enregistrement d’évènements tels qu’on peut penser qu’ils se sont déroulés. De plus, sa justification introduit une ambiguïté, d’autant plus qu’on a l’impression qu’elle ment. Il ne vient pas confirmer le reste du film.

Sinon, mais c’est là sans doute une question de goût, je n’aime pas beaucoup lorsqu’on « encadre » un film de la sorte, c’est-à-dire, que le film soit un flash-back des premières et dernières minutes de l’ensemble, quand j’ai l’impression que c’est gratuit. Est-ce que lors des premières minutes on apprend quelque chose qu’on ait besoin de savoir pour la suite ? Est-ce que les dernières minutes nous éclairent sur ce qu’on vient de voir ? Je pense que non. L’effet recherché était sans doute que ça fasse profond, réfléchi parce qu’il y a le recul des années, un effet de vrai. Mais comme ça n’apporte rien, ça fait grosse ficelle. Et les ficelles, quand on les voit, ça tue l’effet.

voili, je l'ai vu enfin, et aimé.

Je n'ai rien à ajouter à tes commentaires, alejandro, je reviens juste sur la secrétaire qui emballe le film, mais ça ne m'a pas gênée, au contraire : au début, en voix off, elle parle de la "curiosité" qui l'a conduite à accepter le poste. On est sidérés. Et parés pour la suite.

A la fin, après qu'on a vu le personnage, et à plusieurs reprises, même les yeux vagu'ment larmoyants, assister aux discours fascistes de ces maîtres, la personne réelle conclut le regard fuyant qu'elle ne savait pas

Je trouve que ce personnage/personne réelle tjs présent, et c'est pas la moindre qualité du film, démontre mieux que n'importe quel discours emprunté la responsabilité de chacun, l'histoire de la paille et de la poutre comme un leitmotiv.

La juxtaposition personnage/personne réelle souligne par ailleurs la nécessité de rester vigilant face aux discours partiaux, aux images fabriquées, ou simplement à l'érosion du temps : non, même pourrie de doutes à 80 balais, on s'en fout, rien n'enlève la réalité de son engagement au côté d'hitler, ni le temps, ni la fiction.

Pis, j'suis bien contente que les Allemands nous aient donné cette description de la fin du régime, en niquedouille qu'il part, étouff'ment et mégalomanie, lâch'té et grand guignol, enfin un film qui montre autre chose que d'la guerre ressassée, en plein anniv de la libération des camps, j'pense que c'était qd même urgent d'avoir ce son de cloche.