Puisqu'il...

... est écrit "Presse", c'est dans cette section que je vais poster.
J'aime lire la presse. La presse m'émeut voyez-vous. Elle me fait chavirer rarement, m'énerver souvent à trembler de fureur devant l'étalage de tant de conneries, mal écrites en plus, et sourire aussi. Je découpe des articles, des photos pour une raison ou pour une autre, le tout stagnant ensuite dans mon bureau au p'tit bonheur la chance ou pour certains découpages plus chanceux, finissent sur un de mes pêle-mêle ou directement sur le mur.

Là, juste à côté de moi, sur le mur de droite donc, un article de Pierre Bénard, Dr ès lettres, tiré de je ne sais quel journal mais pas trop daté si mon souvenir est bon. Il s'intitule "Ces portraits que l'on "dresse"". Je ne résiste pas à vous faire partager le plaisir d'une pensée et d'une plume.

Je dis qu'il a de la chance, le correcteur qui recueille dans la copie d'un étudiant l'expression "brosser un portrait". Les portraits qu'on brossait, aujourd'hui, on les dresse. Célimène, en gloussant de plaisir d'être venimeuse, dresse dans une scène fameuse le portrait de Cléonte, le portrait de Damon, les portraits de Timante, de Géralde, de Bélise, du "jeune Cléon" et de Damis.
Ceux qui conjuguent ainsi ce lourd "dresser" vous régaleront d'autres fois, croyant bien faire et finement écrire, de l'asphyxiant "établir". Le pauvre La Bruyère, qui cherchait la vivacité, établit les portraits de Straton, d'Iphis et de Pamphile.
"Dresser" suppose une minutie, de longs calculs, un vaste effort, calculs encore plus longs, effort encore plus vaste quand on parle d'"établir". On dresse ou établit des bilans, catalogues, inventaires, topographies et tableaux statistiques. J'admets que Tintoret, à Venise, a dressé son immense Crucifixion. Mais un portrait, même appuyé, méticuleusement conçu; cela se peint, se compose et même, tout simplement, se fait. Mais vous connaissez le discrédit où est tombé cet humble "faire". Un portrait rapide, à grand traits, j'ai déjà dit qu'on le brossait. Mais je n'ai pas encore rappelé qu'en français on trace un portrait - et je me demande, y songeant, si tous ces portraits que l'on dresse ne sont pas des altérations des portraits que l'on trace, le temps, qui tout déforme, ayant fait là son oeuvre, tout comme il obscurcit, dans leur cadre, les grâces des figures d'autrefois.

Anti

Moi je propose "portraitifier"... Non ? Ou alors décrire

Croustine a écrit:

Mais tout dépend du support imag(in)é, car si l'on travaille la glaise, on va bien dresser un portrait, que l'on aurait brossé à l'huile, ou taillé dans le bois...

Je croyais que la glaise, on la modelait ? et que le bois on le sculptait ? Parce que dresser un bloc de glaise ou tailler un morceau de bois, c'est insuffisant pour produire un portrait.

Croustine a écrit:

... Et pour dessiner il faut tracer.
Dresser, tailler, brosser, tracer peuvent permettre de modeler, sculpter, peindre, dessiner. Mais le résultat n'est pas garantit ! :lol:

Faudrait voir à ne pas confondre les techniques et les arts, tout de même…

Fulmi a écrit:

Je croyais que la glaise, on la modelait ? et que le bois on le sculptait ? Parce que dresser un bloc de glaise ou tailler un morceau de bois, c'est insuffisant pour produire un portrait.

Je me souviens émue d'une intervention télévisée de Eric Orsena dans laquelle il racontait une anecdote.
Orsena intervenait dans une école dite des quartiers diffiles et parlait avec de jeunes adolescents.
Il leur donna un exercice, quelque chose comme "Décrivez la chose que vous détestez le plus". Plus tard, il fait une lecture/correction avec ses élèves qui l'écoutent hallucinés faire la descrition de ce que lui déteste le plus.
L'un d'eux :
- C'est fou çà, vous détestez plus que nous !!!

Petite ou grande émotion, simple idée ou confusion des sentiments, ça va mieux quand on possède les mots pour le dire.

Anti

Croustine a écrit:

[color=red]T'emballes pas, qui confond ? Pierre Bénard ? C'est lui qui parle de brosser, dresser, tracer un portrait....

Il confond brosser et tracer. Brosser un portrait, c'est n'en donner que les grandes lignes. Un portrait est brossé à grands, larges traits car la brosse n'est qu'une sorte de pinceau grossier à poils durs. En revanche, s'il est dressé ou tracé, il est précis (sauf s'il est tracé grossièrement, évidemment, auquel cas l'adverbe joue son rôle).
Un portrait se dresse, d 'ordinaire, quoiqu'en pense ce prof. On le dresse contre un mur, accroché à une cimaise. L'usage de dresser dans le sens de réaliser un portrait est donc parfaitement correct puisque ce « dressage » représente le stade ultime de la manipulation de l'œuvre avant qu'elle ne devienne ouvrage : on la dresse pour la montrer.

Mais on ne va pas demander à un prof de lettres d'etre soucieux de vocabulaire, n'est-ce pas ? C'est bien connu, la nonchalance professorale, en France.

Moralité : Un prof a toujours tort.