- alejandro a écrit:
- La façon dont moi j'ai posé la question n'a rien de très polémique.
Sans doute, mais je ne faisais qu'attraper par le collet ta remarque sur les impressionnistes qui m'avait interpelé.
- Citation :
- j'expliquais au Cap'tne que tout au long de l'histoire de l'art il y a eu des mouvements qui se sont succédés, que pour comprendre un mouvement donné il fallait tenir compte du mouvement qui l'avait précédé et que parler du XXe siècle en ignorant cinq siècles d'histoire de l'art était assez ardu.
Sur ce point, nous sommes d'accord.
- Citation :
- Je crois qu’on peut effectivement avancer qu’au regard de la postérité, si Picasso en était resté à ce qu’il faisait étant jeune, Picasso n’aurait pas été Picasso. Reste que les biographies que j’ai pu consulter parlent d’un talent particulièrement précoce et que, sauf erreur de ma part, la première fois qu’il a exposé une œuvre cubiste, les demoiselles d’Avignon, cela a fait grand bruit en raison de la célébrité qu’il avait déjà atteinte.
La précocité de Picasso a êté largement montée en épingle par ses biographes, et la légende complaisamment entretenue par Picasso lui-même. Certes, il était précoce et relativement doué, mais, à mes yeux, pas davantage et parfois moins doué que bien d'autres peintres. Quoiqu'il en soit, précocité n'implique pas célébrité. Je pense qu'avant
Les Demoiselles d'Avignon, il était "connu" mais pas à proprement parlé "célèbre". Cela dit, je n'affirme pas qu'il ait fait du cubisme uniquement par calcul, même si certaines de ses déclarations et attitudes dans la vie fleurent le cabotinage, voire la mystification.
- Citation :
- Mais le cubisme ! Les impressionnistes n’ont eu de cesse d’explorer la surface de la toile, de renoncer aux effets de profondeur, de questionner la représentation du monde tri-dimensionnel sur une toile ; le cubisme peut difficilement ne pas être compris comme la continuation logique de l’impressionnisme. Après on aime ou on n’aime pas, mais sa filiation ne me paraît pas moins évidente.
D'abord, les impressionnistes n'ont pas renoncé aux effets de profondeur : maintes de leurs oeuvres attestent du contraire. Mais comme ils se sont souvent attachés à traduire certains effets atmosphériques qui estompent les contours ou réduisent la profondeur, on en a tiré des conclusions à la légère.
Ensuite, ton interprétation du Cubisme témoigne de la confusion qui règne dans l'esprit de la plupart des gens et qui est dûe à la nébulosité même du sujet. Le Cubisme
n'est pas la continuation de l'Impressionnisme ; il se présente, au contraire, historiquement, comme une réaction contre l'Impressionnisme, comme
la volonté de rendre aux objets leur solidité et leur densité, qui s'étaient peu à peu évanouies dans la recherche trop exclusive des effets lumineux (ici les mots en italiques sont extraits du Petit Larousse de la peinture). Cette fameuse filiation, loin d'être évidente, n'existe donc tout bonnement pas.
En revanche, la filiation du Cubisme avec Cézanne existe bien. Mais cette filiation (je le dis au risque de te paraître hargneux une nouvelle fois) est indigne de celui qui l'a suscitée
à son insu. La leçon du maître n'a pas êté comprise de ses successeurs qui en ont fait, pour reprendre une expression chère à notre ami Fulmi, du gloubiboulga mental.
La démarche de Cézanne est relativement simple à expliquer quoique redoutablement difficile à mettre en oeuvre : il voulait exprimer les formes et l'air dans lequel elles baignent sans recourir au dessin-ligne ou au clair-obscur, mais par la seule diaprure des tons conjugués. Il faut bien le dire, cette entreprise est pratiquement impossible à réaliser en la prenant au pied de la lettre, d'où certains aspects abrupts, déconcertants et un sentiment d'inachevé dans nombre de ses toiles dont il était le premier conscient :
Les sensations colorées qui donnent la lumière sont chez moi cause d'abstractions qui ne me permettent pas de couvrir ma toile, ni de poursuivre la délimitation des objets quand les points de contact sont ténus, délicats ; d'où il ressort que mon image ou tableau est incomplète. D'un autre côté, les plans tombent les uns sur les autres...En dépit de ses échec relatifs, Cézanne est un vrai génie dans son domaine, mal compris encore aujourd'hui, malgré sa renommée, non seulement par le grand public mais aussi par beaucoup de critiques d'art et de gens de la profession.
Quant aux explications que les cubistes et leurs exégètes donnent de leur démarche, elles sont en général d'une extraordinaire nébulosité qui veut passer pour de la profondeur mais n'en est qu'une mauvaise imitation ; quand elles sont claires, elles apparaissent alors d'une extraordinaire puérilité.