..Il y en a tant et tant...
je commence par Alexander Calder ...
faites-vous ou refaites-vous une opinion perso:
http://www.calder.org/SETS/home.htmlmais..pour ma part...
Il y a un paradoxe, dès le départ, dans le parcours artistique de Calder. Et c’est ce paradoxe, qui, à mon avis en fait une grande œuvre et une belle vie d’artiste.
Extérieurement, les périodes, parfois les thèmes également, semblent se succéder: Il y a l’enfance bricoleuse, l’adolescence ingénieuse, la jeunesse de peintre et graphiste, l’accession à l’abstraction, etc… Mais il y a, simultanément, un autre déroulement, d’un autre ordre, plus hermétique, qui ne se révèle objectivement qu’après avoir pris corps dans la création. Et qui guide l’artiste bien plus sûrement que l’épuisement périodique des ressources d’un thème, ou d’une posture créatrice (terme actuellement en vogue chez les frac-quistes
) aussi riche puissent-t-elles être….
Car autour d’un thème on peut tourner en rond.
C’est, peut-être, ce que fit pendant un temps le jeune Calder, au tout début de son parcours, quand il peignait dans un style encore très extérieur à ce que l’on déclarera plus tard être « du Calder », quand ses thèmes : animaux, villes, assemblées (autour d’une table, autour d’un ring… puis autour d’une piste…)
tournent autour… justement.
… Mais dans le centre, dans le cercle de la piste (de son célèbrissime Cirque), dans l’espace vide, le spectacle de la transformation lui apparaît :
A partir du « cirque », se déroule sans ambiguïté le fil thématique qui tramera tout son parcours : "Le mouvement", organisant les différents thèmes connexes et préparant le passage d’un art individuel, à un art intégré, consacré et reconnu socialement.
"Le mouvement "devient alors donc son guide, son thème omniprésent,
Il mettra très longtemps à se nourrir de cette découverte au point de pouvoir la transcender vers un nouvel espace intérieur.
Ce sera alors le passage à la sculpture monumentale, qui synthétisera tous les acquis précédents et leur permettra une nouvelle envolée.
Quoiqu’il en soit, cette quête, il la mène conjointement à sa vie d’être humain, et c’est ce qui la rend si intéressante, à mon avis. Si on ne regarde pas que la forme de son œuvre, mais qu’on cherche à en ressentir le contenu.
Ceci, au premier contact avec son œuvre réelle peut paraître évident à certains, mais en laissera d’autres parfaitement indifférents.
Calder dira d’ailleurs lui-même à ce sujet : «
Pour la plupart des gens qui regardent un mobile, ce n’est rien de plus qu’une série d’objets plats qui bougent. Pour quelques-uns uns, ce peut être de la poésie »A cause de ce regard exclusivement tourné vers l’aspect formel, structurel ordonnateur, l’œuvre de Calder me paraît parfois desservie par ceux qui croyaient la servir…. Et l’ont parfois asservie… à leurs propres idées.
Il y a une omission, je pense, de la part des spécialistes de l’art. Ils ne veulent voir en Calder qu’un artiste développant et synthétisant l’extraordinaire passage et transformation de l’art du XX° siècle, allant de l’ouverture classique sur le monde « une fenêtre sur le monde » disait Cennino Cennini, d’une représentation du monde, donc, à une reconstruction du monde (période des mobiles et stabiles) et menant à notre soi-disant assomption contemporaine du monde.
Epoque contemporaine où l’art devient immatériel et même, retourne dans sa matrice virtuelle, mais dépouillée de tout espoir d’enfantement, puisqu’il n’y a désormais plus cette lente maturation du corps à naître (de l’œuvre) sur lequel pendant toute la gestation se cristallisait l’inconscient porté par le geste (gestalt ?) .
Ne nous demandons donc pas pourquoi nos artistes contemporains oeuvrant dans le domaine du virtuel, sont avant tout et presque tous des ingénieurs….
Oui, mais justement me direz-vous, Calder avait une formation d’ingénieur, et s’en est largement servi dans son parcours artistique d’une part, et d’autre part, il nous a amenés lui-même, par son travail sur le mouvement si proche de l’art cinétique, à la virtualité….
Justement il y a là une différence de taille :
Les contemporains se permettent de s’approprier cette virtualité, ils en font un monde, ils la définissent, jusqu’à en faire une para-réalité, une réalité seconde, ils s’érigent définitivement en démiurges de cette pseudo-réalité et la dominent. S’ils arrivent un jour à tromper les sens de nos contemporains totalement, ils pourront même leur faire croire qu’elle est plus réelle que …la réalité !
N’imaginons pas les dérives possibles. (si?)
Calder, lui, reste sagement dans le non-dit, le silence de cette virtualité.
Il ne lui fait pas prendre sa propre voix, il se soumet à son mystère.
Il nous laisse à ce vertige.
Cela, les spécialistes n’en parlent jamais, et pourtant, il me semble que la « magie » des œuvres de Calder opère à ce niveau. Bien plus que comme jalon historique.
C’est peut-être pour cela d’ailleurs qu’en France, il n’y a qu’un seul spécialise de Calder, et que l’art Cinétique ne nous est connu principalement que par la « bande du GRAV » et J.Soto, Agam, Bury (qui écrivit sur Calder), Tinguely, Takis, F .Morellet (par périodes)
Calder écoute la voix du virtuel dans la matière et nous y renvoie par son travail sur et avec cette matière.
Travail Analogique plus qu’analytique, il est un passeur plus qu’un concepteur.
Tout son savoir de concepteur, d’ingénieur, il le met au service de cette voie de silence et de mystère, qu’il ne cherche jamais ni à éclairer ni à soumettre.
Les paroles ne peuvent en aucun cas rendre compte de son œuvre, son œuvre n’existerai pas sans l’essence puisée au cœur de la matière dont il a su l’animer….
Car, une des caractéristiques principales de cette œuvre, et à tous les stades de son développement pourrait-on même ajouter, c’est d’être parfaitement inaccessible pour sa plus grande partie, si on se limite aux moyens intellectuels.
C’est un œuvre dont le sens profond échappe totalement si on n’en fait pas l’expérience directe, au moins en partie….
Et elle est si forte, que si vous avez ressenti une fois à travers une pièce précise, cette poésie, vous pourrez la ressentir au cœur des différentes autres œuvres rien qu’en les invoquant. Non pas qu’elles soient semblables les unes aux autres, mais parce qu’elles ont comme une essence commune, un souffle commun insufflé par l’artiste.
On peut, à la rigueur, signaler l’existence de cette fonction agissante des œuvres de Calder.
Prévenir du danger de ne pas vivre l’expérience, de se satisfaire de la virtualité, justement.
Ceux qui n’ont pas vécu un Calder, ne peuvent en aucun cas dire qu’ils connaissent Calder, et à mon avis, celui qui ne naît pas avec Calder à travers l’expérience de son œuvre, manque une expérience aussi riche qu’unique. Un peu comme ceux qui n’ont jamais vu « un » Cézanne (en vrai) ne peuvent pas comprendre l’unicité absolue de chaque toile de ce peintre. Parce que c’est sans doute son extraordinaire sensibilité à la couleur et à la lumière (particulière à chaque toile avec des subtilités insoupçonnables si on ne les constate pas par soi-même) qui donne tant de force à son travail sur la forme (qui, lui, reste généralisable). Et qu’en tirent ces beaux intellectuels ? Cézanne père du cubisme ! Qui reconnaîtra que, sans le non-dit maternant du particularisme et de la couleur, il n’y aurait qu’un procédé, une recette formelle : Le cubisme…Et c’est sans doute facile, après coup, d’en exploiter l’héritage (Picasso, Braque et la multitude) et qu’ont ils donné à vivre, en partage, eux, après l’étiquette et la spéculation?
Ont-ils comme Cézanne ou Calder, su résister à la tyrannie du cerveau gauche, de l’analyse, de l’intellect, de la mise en forme Apollinienne ? On-t-ils laissé la part de l’ombre, le vertige Dionysiaque, le silence en bonne part, fertiliser dans l’ombre et le silence, la gestation de leurs créations ?
(je vous le demande, hein, bonnes gens! :lol: :lol: :lol: )
sur ce je retourne à MES pinceaux.