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 Être un écrivain raté (D. Noguez)

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3 participants
AuteurMessage
Fulmi
Prolixe infatigable
Fulmi


Nombre de messages : 5214
Age : 69
Date d'inscription : 16/10/2004

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MessageSujet: Être un écrivain raté (D. Noguez)   Être un écrivain raté (D. Noguez) EmptyMar 10 Jan - 0:55

Comment rater si vous êtes écrivain.

« Edward, dit férocement Michel Houellebecq d’un des personnages de Plateforme, se considérait comme un raté : il n’avait jamais rien pu faire de sa vie, même pas devenir écrivain. »

Entre l’occupation littéraire et le ratage, les liens ne manquent pas. Ne dit-on pas que l’écriture est la revanche de ceux qui ont raté leur vie ? Du coup, dans la perspective qui est la nôtre, rater une carrière d’écrivain est un magnifique tour de force - en quelque sorte un ratage puissance deux.

Nul n’est d’ailleurs plus prompt à décerner des brevets de ratage aux écrivains que les écrivains eux-mêmes. Gide disait, paraît-il, « Les écrivains ne se lisent pas, ils se surveilent. » Pour ne pas nous aventurer sur le terrain très miné de la littérature contemporaine, contentons-nous d’évoquer Émile Zola tenant Barbey d’Aurevilly, Villiers de l’Isle-Adam ou Verlaine pour des ratés.


Notons aussi que la fonction écrivante est une fonction stercotaire [note : du latin stercus, oris, n. l’excrément, le fumier] : l’écrivain nourrit son œuvre non seulement de ses propres fiascos, mais de ceux des autres et, d’une façon générale, de la pourriture du monde. En somme, comme le dit Yves Charnet en d’amères anagrammes, « relater le frelaté, c’est bon pour les ratés ». À une condition, cependant, c’est de le faire d’une façon elle-même frelatée. Car, autrement, en donnant une présentation lyrique, grandiose, truculente, ciselée, chatoyante de tout l’imparfait de la vie, voire de ce qu’elle a de foireux et d’excrémentiel, on serait du côté de Rabelais, de Balzac, de Flaubert, de Huysmans, de Kafka, de Céline, bref de la grande littérature. Si vous voulez faire l’écrivain, n’oubliez pas d’écrire petit, lugubre, visqueux, glauque, interminable et plat - infiniment plat, pas plat de façon flamboyante, mais plat platement, si vous voyez ce que je veux dire. Bref, soyez chiant.

La meilleure manière de faire un livre raté, c’est encore, dès le titre, de ne pas donner envie au lecteur de l’ouvrir ou, s’il a eu l’imprudence de le commencer, de le dégoûter de poursuivre par un incipit particulièrement marécageux.

Ensuite, il suffit tout simplement d’être mauvais. Il y a pour cela un certain nombre de trucs qu’on nous permettra de tenir secrets. D’autres sont de notoriété publique ou relèvent du bon sens et je vais vous les livrer en vrac.
Écrivez le matin ou le soir, peu importe, mais au moment où vous êtes le plus fatigué, l’esprit embrumé en ayant si possible beaucoup bu la veille.
Ne vous relisez jamais.
Une fois le manuscrit prêt, ne vous précipitez pas à la poste, encore moins au siège d’une ou de plusieurs maisons d’édition. Attendez qu’on vienne vous chercher.
Une supposition que quelqu’un s’y intéresse et demande à le lire, ne vous laissez pas attendrir par cette marque d’intérêt, restez sur vos gardes.
Si des négociations s’engagent avec un éditeur, campez sur vos positions. Maintenez les excentricités typographiques, les préciosités absconses, les étrangetés syntaxiques, les déviations orthographiques (ce qu’un vain peuple appelle les fautes d’orthographe ou les incorrections) qui vous sont venues spontanément. À qui oserait vous faire des remarques, répliquez vertement. Prenez modèle sur cet auteur débutant (et qui l’est toujours) répondant fièrement à Christian Giudicelli qui lui disait qu’avec une principale au présent il ne pouvait pas mettre une subordonnée à l’imparfait du subjonctif : « C’est mon style, vieux con ! »

Ce n’est pas parce qu’un texte est incompréhensible qu’il est impubliable, vous n’aurez aucun mal à invoquer des précédents. Bref, ne corrigez pas, surtout si on vous le demande.

Même si on finit par accepter votre manuscrit, restez intransigeant, remonté, agressif. Faites bien sentir à tous ces cons que la publication n’est pas une grâce qu’ils vous accordent, mais un honneur que vous leur faites.

Au moment des épreuves, ne cédez rien. Tenez bon contre les correctrices. Ce sont des mal baisées. Qu’est-ce que c’est que ces usages qu’elles invoquent ? cette grammaire désuète ? ces accords du participe passé avec « avoir » ? ces règles d’emploi des majucules ou de l’italique ? ce prétendu sens de la langue ? Le grand écrivain n’est pas au service de la langue, c’est la langue qui est à son service !

Soyez aigri. Bien entendu, il y a un complot contre vous. L’imprimeur a volontairement multiplié les coquilles, la correctrice les a laissées passer, le représentant n’a pas parlé de votre livre au libraire qui, faute d’un peu de goût, de culture ou d’audace, ne l’a point commandé ou, si par hasard il l’a fait, ne l’a pas mis en vitrine et s’est empressé de le planquer dans les rayons du bas ou, mieux, dans la réserve, ou ne l’a peut-être même pas sorti du carton et l’a renvoyé à l’éditeur sans l’avoir ouvert. La presse, quant à elle, vous a splendidement ignoré. Ce n’est pas assez que ce pingre d’éditeur n’ait prévu aucune publicité : aucun critique n’a consacré la moindre ligne à votre chef d’œuvre ! et si l’on vous dit que cent auteurs sont logés à la même enseigne, sachez faire suivre d’un long ricanement votre cinglant : « Évidemment, je ne suis pas du milieu, moi ! » (ou : « de la famille ! », cette allusion à certaines mœurs pouvant être suivie d’un fier : « je ne couche pas, moi ! »). N’hésitez pas, si vous le pouvez, à donner des noms : « C’est Untel, évidemment ! X a dû lui répéter tout le mal que j’ai dit de son dernier livre ! Ah ! J’ai bien fait de ne pas le lire ! »

Et si cela ne suffit pas, voici quelques suggestions de ratages « collatéraux » comme disent nos amis américains des effets subsidiaires de leurs bombardements. Acceptez de faire des signatures dans les foires du livre de Rantaplan-les-Trois-Églises ou de Triffouilly-les-Oies, ou tout simplement à la Maison de la presse de votre quartier. Le rapport temps perdu / livre vendu et donc argent gagné est l’un des plus bas du monde.

Acceptez les débats radiophoniques ou télévisés. Vous n’arriverez pas à en placer une, ou bien vous serez obligé de résumer votre propos en trois secondes et de parler du livre que vous avez mis cinq ans à peaufiner comme s’il s’agissait d’un article de trois feuillets écrit sur le pouce. Chaque téléspectateur sera pourtant persuadé qu’il sait désormais ce qu’il y a dedans et estimera donc n’avoir aucune raison de l’acheter.

Lisez tous les livres d’amis ou les manuscrits d’inconnus que vous recevrez et faites-leur des réponses circonstanciées, vous perdrez ainsi définitivement le peu de temps qui vous restait une fois ôtés les moments que vous devez à votre épouse et à vos enfants, à votre maîtresse ou à votre amant, à vos amis et à vos collègues de bureau (si vous avez un emploi subsidiaire), ou bien, si vous êtes célibataire et sans autre emploi, aux courses, lessives, repassages et autres exaltants travaux ménagers dont les grands hommes jadis étaient soulagés par leurs épouses dévouées ou des serviteurs empressés et qui, en cette heureuse époque d’émancipation de la femme et d’abolition de la domesticité, vous incomberont à plein temps.

Si vous répondez à ces amis ou ces inconnus qui veulent se faire lire, pratiquez la franchise, signalez-leur les fautes, les phrases boiteuses, les erreurs de structure, les invraisemblances, donnez des conseils : vous aurez toute chance d’allonger ainsi substantiellement et durablement la liste de vos ennemis inexpiables.

Et si, saisi d’une indulgence coupable ou d’un altruisme d’un autre âge, ou alors parce qu’il est vraiment génial, vous vous décidez à recommander le manuscrit d’un de ces auteurs à votre propre éditeur ou à un ami bien placé dans l’édition, agitez-vous, parlez-en partout avec enthousiasme, insistez, jusqu’à provoquer un refus définitif - car tant qu’à publier un inconnu, les éditeurs aiment bien pouvoir se vanter de l’avoir découvert eux-mêmes.


Dominique Noguez. Comment rater complètement sa vie en onze leçons. Payot. 2001.


Dernière édition par le Mar 10 Jan - 21:08, édité 5 fois
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MessageSujet: Re: Être un écrivain raté (D. Noguez)   Être un écrivain raté (D. Noguez) EmptyMar 10 Jan - 14:34

D'accord, c'est comme ça qu'il faut s'y prendre. Ok, c'est noté, je m'y atèle dès maintenant.
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MessageSujet: Re: Être un écrivain raté (D. Noguez)   Être un écrivain raté (D. Noguez) EmptyMar 10 Jan - 20:46

Fulmi a écrit:

Nul n’est d’ailleurs plus prompt à décerner des brevets de ratage aux écrivains que les écrivains eux-mêmes. Gide disait, paraît-il, « Les écrivains ne se lisent pas, ils se surveilent. » Pour ne pas nous aventurer sur le terrain très miné de la littérature contemporaine, contentons-nous d’évoquer Émile Zola tenant Barbey d’Aurevilly, Villiers de l’Isle-Adam ou Verlaine pour des ratés.
.
Mais c'était une spécialité chez Zola de voir des ratés chez des gens qui avaient parfois plus de talent que lui. Ne s'est-il pas aussi fâché avec Cézanne après son roman "L'Oeuvre", qui relate l'histoire d'un peintre raté dans lequel Cézanne s'était reconnu!
Heureusement, il y a également de beaux exemples d'écrivains reconnaissant le talent de leurs confrères : Balzac fut un des premiers à faire l'éloge de Stendhal qui lui avait adressé "Le Rouge et le noir" ; Balzac, à son tour, refusé à l'Académie française, n'avait trouvé que deux voix pour approuver son entrée, mais c'était celles de Victor Hugo et de Lamartine; on sait de quelle façon Flaubert a encourager Guy de Maupassant, etc.

Sinon, le texte de Noguez est plein d'aperçus à la fois drôles et justes.
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