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 Le sens de l'hospitalité

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AuteurMessage
cassepipe
Bavard
cassepipe


Nombre de messages : 27
Date d'inscription : 01/04/2006

Le sens de l'hospitalité Empty
MessageSujet: Le sens de l'hospitalité   Le sens de l'hospitalité EmptyLun 3 Avr - 14:09

Des petits cubes multicolores éparpillés sur le tapis d'une chambre d'enfant, ainsi se dessinaient émergeant du brouillard, les bâtiments du Centre Psycho-Gériatrique de Vissech. On l'apercevait en contrebas de la route, qui serpentait en une lente spirale vers l'entrée des visiteurs.

Dans sa guérite le gardien était absorbé par la lecture fiévreuse de revues pornographiques. Des écouteurs rivés dans les oreilles, il donnait l'impression de ne m'avoir ni vu, ni entendu. Pourtant la barrière ouvrant sur le domaine, se leva par lentes saccades accompagnées d'un couinement asthmatique, et finit par se redresser fièrement. Je la vis dans mon rétroviseur, s'abattre derrière moi d'un bruit sec de guillotine.
En garant la vieille Mercedes de ma mère - elle n'en aurait plus l'usage désormais - entre une ambulance et une poubelle de feuilles mortes, j'aperçus une tête se dresser au-dessus d'une haie, c'était celle du jardinier. Il taillait nonchalament des troènes, mais suspendit son geste pour m'observer de ses petits yeux chafouins, et en guise de salut, hocha sa tête de cerbère fatigué. Puis armé de sa paire de cisailles, il continua à décapiter les troènes, les babines retroussées en un rictus gourmand. Descendant de voiture, je vis deux sillons que mes pneus avaient creusé dans le gazon. Je me mis stupidement à craindre qu'il s'en fût aperçu. Mais à présent, il me tournait le dos, et semblait, à mon grand soulagement, concentré sur son travail.

Le bâtiment H, d'un jaune poussin, se trouvait devant moi, c'était le but de ma visite, il ne me restait plus qu'à en franchir le perron, après avoir poussé la lourde porte vitrée.
Derrière le guichet d'accueil, sur lequel était juchée, une insolite statuette vaudou, trônait une matrone antillaise à la coiffure de harpie. Elle était bâtie comme une tour de contrôle, vigilante et suspicieuse. Après que j'eus donné suffisament de signes de politesses serviles, c'était une de mes spécialités, elle consentit de sa voix basse et traînante, dans le sillage d'un soupir agacé, à m'indiquer la chambre où résidait ma mère.
Pour m'y diriger, il me fallait franchir une salle, dans laquelle sous la surveillance enjouée et bienveillante de trois infirmières, quelques pensionnaires s'adonnaient à diverses activités.
L'un d'entre eux, au profil de dromadaire altier et élégant, se livrait à ce que l'on pouvait imaginer être des tentatives de triples-sauts. Sa technique était certes défaillante, mais ses capacités physiques encore vives, compensaient celle-ci. Il se projetait en avant, tantôt sur un jambe, tantôt sur les deux avec une vigueur juvénile. Une petite infirmière grasouillette tentait inlassablement de l'en dissuader, en lui rappelant qu'il était un peu tard pour envisager une sélection aux jeux olympiques. Plaisanterie qui le mit hors de lui, semblant raviver d'anciennes blessures.
" C'est pas ça, pas ça du doute, pauvre sotte, ce sont les mines, vous ne comprenez rien. Ces enculés de fellagas m'en ont semé partout, partout, des tonnes sous mes pieds. M'en fous, je sais où elles sont enterrées, ils m'auront pas les salauds! "
" Ne vous inquiétez pas, les démineurs vont venir, ils sont prévenus. " Tentait-elle, maladroitement de le rassurer.
" Les démineurs, pff, ces abrutis, je les ai vus sauter comme des grenouilles, jambes arrachées, tripes en bandoulière, z'ont pas voulu m'écouter, comme vous, bien avancés maintenant. "
Et il éclata d'un fou rire libérateur.
Une autre pensionnaire sautillait sur place, ses bras flasques et frippés moulinaient dans le vide. Le jeu consistait pour elle, à faire tournoyer une corde à sauter imaginaire. Son visage était baigné d'une radieuse béatitude. Je l'enviais.
Un groupe de deux ou trois vieillards moins agités, était immergé dans des activités que l'on pourrait qualifier d'éveil; si ce terme n'était pas un peu paradoxal, concernant des êtres dont l'avenir proche se bornait plutôt à une légitime aspiration au sommel éternel. Une infirmière au visage d'ange, assise sur un cul de diablesse, s'évertuait à leur faire marier différentes images: une clef à une serrure, des feuilles mortes et un arbre etc...
En contemplant cette magnifique déesse me venait aussi de frappantes associations d'images, que je vous laisse, si vous le désirez, le soin d'imaginer.
Au fond de la salle dans un coin, face à la télévision, trois petites vieilles aux visages cireux, étaient hypnotisées par un reportage, au sujet des bonobos, diffusé sur France 5. Ces petits singes forniquaient, joyeux, avec une frénétique application, semblables aux vacanciers du Club Med cherchant à optimiser leurs séjours. Je ne sais si la vision de ces accouplements débordants de vitalité, évoquaient chez ces vieilles dames de la nostalgie ou des regrets.
Je les quittais avec peine, me disant que tout ce petit monde vivait en harmonie, mais il fallait bien me décider à rendre visite à ma mère. N'était ce pas le but de mon voyage ?
Finalement, je devais avouer que cette communauté avait un mode de vie, ni plus ridicule, ni plus vain que celui qui régentait le monde extérieur.
Un peu de sport, une pointe de sexe, des jeux de l'esprit, une espèce de culture "comme une fenêtre ouverte sur le monde " c'était en somme furieusement contemporain, on pouvait même envisager d'être élu avec un tel programme.
J'en étais là de mes réflexions hautement originales, quand j'entendis des éclats de voix derrière moi.
" Laissez moi, laissez moi sortir, je veux revoir ma maman !"
Tonitruait un vieil homme décharné et branlant.
" Elle es morte depuis trente ans, ta vieille ! "
Hurla le triple sauteur.
" Du chagrin d'avoir pondu un tel crétin. "
Renchérit en ricanant une vieille, sortie de sa torpeur télévisuelle.
" Bon ça suffit maintenant, silence ! Vous n'avez pas honte de vous en prendre ainsi à ce pauvre monsieur Bocordon. " Intervint avec l'autorité que lui conférait un fort accent alsacien, l'infirmière la plus âgée. Pendant ce temps, mon ange aux formes si païennes, essayait de remettre dans le droit chemin ce bon Bocordon.
" Vous n'êtes pas bien chez nous, vous voulez nous quitter? "
" Alors on est tous prisonniers ici, on ne pourra plus jamais sortir. "
Se mit-il à geindre.
" Prisonniers, enfin voyons, qu'allez vous imaginer, mais non, nous aurions de la peine si vous nous quittiez, c'est tout. Vous voulez faire de la peine à vos amis? "
Mon dieu, comment pouvait on envisager une seule seconde, d'abandonner une beauté pareille. J'en voulais presque à ce cher Bocordon d'infliger du chagrin à cette déesse tutélaire qui tentait tendrement de retenir ce goujat.
Sa tentative d'escapade fut de très courte durée. La prêtresse vaudou de l'accueil était sortie de sa boîte et se dressait hiératique devant la porte tel un totem. Ce fut très dissuasif, et le rebelle rebroussa chemin vaincu et penaud.
Décidément ce centre était d'une manière réconfortante, le reflet fidèle du monde extérieur. Il ne manquait jusqu'à lors qu'un vague insurgé bien vite soumis, pour amuser la galerie. C'était fait, le tableau était complet, l'illusion parfaite.

J'en oubliais presque ma mère, chambre 6, fond du couloir, me résonnaient en écho, les paroles de la gardienne du temple.
Elle ne m'avait pas entendu arriver, le dos tourné, toute ratatinée, face à la fenêtre. Elle sentit ma présence, se retourna, les lèvres tremblantes; elle ne me reconnut pas tout de suite, puis tituba en s'écroulant dans mes bras.
Autrefois rieurs, volontiers narquois, ses yeux maintenant étaient éteints. Seule, brûlait au fond d'eux, une lueur affolée qui cherchait autour d'elle un ennemi invisible. Tapie dans sa cervelle, une masse blanche répugnante et spongieuse suçait sa matière grise. La traque était lancée, son unique solution était de s'enfoncer plus profond dans le marécage de sa folie.
J'avais la sensation de tenir dans mes bras une vieille poupée désarticulée, j'avais passé l'âge. La peur me prenait de casser cette brindille toute sèche et fragile. Les mots restaient prisonniers dans sa bouche, son âme était recluse, la vie s'était enfuie.
Perdu dans mes souvenirs, je lui adressais des paroles banales et douces, des fadaises incapables de la réconforter, et de l'extraire du désert froid dans lequel errait son esprit.
Lasse sans doute, de mes phrases ineptes et lénifiantes, elle était retournée s'agripper à sa fenêtre grillagée. J'aperçus sur le sol, des feuilles de papier entièrement noircies de dessins.
Elle avait été dans une autre existence, une dessinatrice de mode, réputée et mondaine. Elle avait très bien gagné sa vie, en créant des robes sensuelles et vaporeuses qui avaient fait les délices des élégantes de la rive gauche.Elle était aujourd'hui vêtue d'une robe de chambre défraichie, et passait son temps à tracer sur des feuilles volantes, des divinités étranges dans des poses inquiétantes et priapiques.
J'aurais pu m'attacher de nouveau à la femme étrange qu'elle était devenue, mais ni l'un, ni l'autre n'en avions encore le courage et la force. A peine quelques mois en arrière, il m'eut été possible de lui venir en aide, de l'épauler afin qu'elle ne s'enfonçât point trop rapidement dans les sables mouvants de l'oubli et la< spirale du néant. C'était trop tard désormais. J'avais été trop lâche et je l'étais davantage encore aujourd'hui, profitant qu'elle me tournât le dos, pour m'eclipser sur la pointe des pieds.
Elle avait été tout pour moi, et je ne pouvais plus rien pour elle. Je me retournai une dernière fois, et vis son corps minuscule,à contre jour, secoué de tremblements. Etait ce de la colère ou des larmes ? Je ne le saurai jamais, je ne la revis plus jamais.

En sortant de la chambre, je croisai le directeur du centre, c'était un petit homme fouineur et espiègle.
" Bonjour, monsieur Brocondo, je souhaitais vous rencontrer. "
M'interpella-t-il.
" Pas Brocondo, Brocande A.N.D.E ." Rectifiai je.
" Désolé, monsieur Brocante. "
J'y renonçai.
" C'était au sujet de..."
" Excusez moi, je n'ai pas le temps, je dois repartir immédiatement."
" Vous aurez bien cinq minutes, à me consacrer."
"N'insistez pas." Lui répondis je brutalement.
Je commençais à me sentir ma à l'aise, et à transpirer. Ce type m'agaçait avec sa tête d'enfant rieur, éternellement satisfait, tout fier d'avoir fait une bonne blague. Sa bonne humeur chronique m'exaspérait, une vraie tête à claques.
" Bon c'est entendu, nous nous verrons plus tard. Mais vous n'avez pas l'air bien, vous paraissez fébrile. Passez donc à l'infirmerie, un peu de repos vous ferait le plus grand bien, on fera un bilan." Me lança-t-il en me scrutant de ses yeux inquisiteurs, d'hamster jovial et jouisseur.
Je vous répète que je pars ! P.A.R.S !"
" Vous êtes donc si pressé de nous quitter, vous ne vous trouvez pas bien parmi nous? " Ajouta-t-il d'un ton mielleux.
J'avais envie d'écraser sa face de rat, mais sans répondre, je m'échappais à grands pas, et sans m'en rendre compte, me mis à courir comme un éperdu, mon corps tout entier tendu vers la sortie. Je traversai la salle de loisirs, manquant de renverser le triple sauteur qui eut tout juste le temps de crier " Planquez vous, ils attaquent! "
Je ne pus freiner ma course folle, et emporté par mon élan, percutai la reine des Caraïbes, qui époussetait avec un chiffon,et une tendresse maternelle sa statuette vaudou, celle-ci lui échappa des mains et alla se briser sur le sol. Elle glissa en tentant de la ratrapper en plein vol, et se retrouva sur le dos tel un scarabée géant, la blouse relevée, les cuisses écartées. La vision de sa touffe à la moiteur équatoriale, m'explosa au visage comme un volcan en fusion.
Je m'attendais pétrifié, à être englouti par sa fureur tellurique. Il n'en fut rien, elle resta d'un calme totemique, se releva avec la grâce et la dignité d'une princesse zoulou, et me dit d'une voix douce et ensorcelante.
" Où cours tu ainsi, mon lapin, tu t'imagines sans doute qu'on entre et sort d'ici comme dans un moulin. Viens suis moi, sans faire de drames, tout va bien se passer."
J'étais résigné, anéanti, vaincu d'avance, etparvins tout juste à balbutier.
"Où m'emmenez nous?"
" Comme si tu ne le savais pas, grand nigaud, ne fais pas l'enfant."
Me répondit-elle prise d'un fou rire qui semblait monter des entrailles de la terre. Et elle me poussa dehors, d'une grande bourrade dans le dos, qui me propulsa et me fit échouer sur le perron du pavillon G situé en face.
La voiture avait disparu, ainsi que les traces de pneus sur le gazon. Le jardinier traînait la poubelle de feuilles mortes. La guérite était vide, et la barrière fière et obstinée resterait close à jamais
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