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| | Le théâtre, lieu de vie et rien d'autre | |
| | Auteur | Message |
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Dona Invité
| Sujet: Le théâtre, lieu de vie et rien d'autre Lun 8 Nov - 11:25 | |
| J'ai toujours beaucoup aimé ce texte. A l'attention de Clair Obscur particulièrement dont l'existence et le théâtre sont si intimement liés « Marie, aime-le ! » L'autre soir, écoutez cette histoire, le rideau allait se lever sur Le roi se meurt, au Théâtre national de l'Odéon. De l'orchestre au poulailler, la salle était comble, et, dans cette foule de spectateurs, il y avait de tout, des bourgeois, des étudiants, des employés, des snobs et des pauvres, des jeunes et des vieux, et bien sûr, des Japonais à l'affût de la culture occidentale. (...) Soudain, traversant la salle, enjambant le proscenium, monte sur la scène, devant le rideau, un jeune homme blond. Il regarde la salle. Il a le trac, comme on dit. D'un sac bleu, il sort un mégaphone rouge. « Je ne fais pas partie du spectacle, dit-il, au milieu de la stupeur générale et du silence, je voudrais simplement vous dire que j'aime une jeune fille, et elle ne m'aime plus. Elle est là. » Et il désigne une avant-scène où effectivement toutes les têtes qui se tournent dans la direction indiquée aperçoivent une jolie jeune fille, le visage dégagé par toute sa chevelure blonde en queue de cheval. « Alors, comme elle ne veut plus m'aimer, je voudrais que tous ensemble vous lui disiez : Marie, aime-le, Marie, aime-le !» À ce moment-là, la jeune fille se lève et s'enfuit dans les couloirs. Des machinistes du plateau apparaissent et entraînent le jeune homme en coulisse. Que croyez-vous que la salle fit ? Elle resta muette. Personne ne cria : Marie, aime-le ! Personne n'applaudit. Vite, les lumières se sont éteintes, le rideau s'est levé et l'on s'est retrouvé entre gens distingués, et non exalté comme ce jeune homme de dix-neuf ans qui venait de jouer l'un des plus beaux personnages de la comédie humaine. Au cours de la représentation, plus tard, la jeune fille revint s'asseoir à sa place ; elle avait beaucoup pleuré, mais elle était seule. Mais comme l'on voudrait remercier le jeune homme d'avoir compris, lui, que le théâtre est encore un lieu où se glorifie l'amour fou." Antoine Bourseiller, Le Monde, 9-10.01.1997. |
| | | ours impatient Drôle de zèbre
Nombre de messages : 2800 Localisation : Marseille Date d'inscription : 15/10/2004
| Sujet: Re: Le théâtre, lieu de vie et rien d'autre Lun 8 Nov - 11:55 | |
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| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Le théâtre, lieu de vie et rien d'autre Lun 8 Nov - 14:47 | |
| Je me serais bien vu le faire. Mais je ne vois pas comment la foule de l'Odéon, coincée dans ses petits fauteuils de velours, aurait pu le faire. Chapeau le garçon! |
| | | Clair Obscur Clavieriste confirmé(e)
Nombre de messages : 1737 Localisation : Nulle part ailleurs Date d'inscription : 21/10/2004
| Sujet: Re: Le théâtre, lieu de vie et rien d'autre Lun 8 Nov - 16:30 | |
| Merci Dona. Je connaissais cette histoire, je ne sais plus d'où, mais je l'ai trouvée superbe. Fallait oser. La foule silencieuse n'a pas compris... ou peut-être lui a-t-il fallu du temps pour méditer sur cet acte courageux... Là, il ne s'agissait pas d'un comédien.
Mais c'est vrai que le théâtre, dans sa pratique, aide les comédiens à sortir d'eux-même, à se dépasser, s'oublier (pour mieux se trouver), à oser aussi. Plein d'anecdotes ricochent entre les murs des théâtres, circulent d'une troupe à l'autre et enchantent... Ecriture et théâtre étant intimement liés en mon esprit, je dérape parfois dans les textes, ce qui donne qu'un jour, on donnait l'une de mes pièces et j'avais une réplique :
En avant scène : Y'aurait-il un homme, dans la salle ? Enfin, un vrai, un bel homme quoi, qui voudrait me faire un enfant, là, maintenant, tout de suite !" En répétition, ça collait, je ne me posais pas de questions. Mais sur scène, au moment où j'ai lancé ma phrase... je m'suis dit : "mince, et je fais quoi si y'en a un qui se lève !!!"
Le public a ri, et aucun homme n'a osé intervenir... pendant le spectacle ! Mais après, au moment du cocktail, quelques uns sont venus répondre à la proposition :lol: et il m'a fallu une patience d'ange pour expliquer que bon, c'était pas pour de vrai, tout de même !!!
De même, j'aime particulièrement pousser les comédiens à descendre dans le public, interpeller les gens, leur faire faire des trucs. Ils adorent ça. J'ai aussi toute une scène que je n'arrivais pas à monter, je ne trouvais pas ce putain de personnage que j'avais pourtant écrit (faut l'faire !!!). Je n'ai trouvé que le jour du spectacle, où j'ai quitté la scène et commencé à escalader les gradins entre les gens. Ils se poussaient pour me laisser passer, je les laissais se pousser et au dernier moment, je choisissais de passer là où il n'y avait pas de place. C'est très rigolo, pour eux, mais pour moi aussi. S'installe une vraie connivence.
J'aime de plus en plus les salles où la scène est presque dans le public. On peut tout leur faire faire. Ils ne rechignent pas et s'y prêtent volontiers. Dernièrement, j'ai filé une pelote de laine à la dernière personne du dernier rang, le fil courait tout le long de la salle, entre les têtes. La scène très cocasse a laissé des traces : une dame a fait pipi dans sa culotte...
Dieu que c'est génial, le théâtre !!! | |
| | | Dona Invité
| | | | vilain Logorrhéique talonnesque
Nombre de messages : 924 Date d'inscription : 16/10/2004
| Sujet: Re: Le théâtre, lieu de vie et rien d'autre Lun 8 Nov - 18:06 | |
| Théâtre lieu de vie.....Cela me donne envie de vous raconter un truc que je vis en ce moment et qui est pour moi très significative....
Voilà, je me remets au Théâtre......Cela fait 25 ans que j'ai arrêté de joué en professionnel...Et a part 5 ou 6 représentations semi-pro, en 98 et 2001, je ne suis pas remonter sur scène pour jouer la comédie depuis..... Depuis septembre je fais partie d'un atelier Théâtre amateur dirigé par un metteur en scène qui a une compagnie travaillant avec de comédiens professionnels et des comédiens "différents" ( lire des handicapés mentaux)... Dans l'atelier adultes dans lequel je suis, il y a 3 de ces comédiens "différents"....Un mec de 30-35 ans, je dirais débile léger...Juste encore gamin et irresponsable, avec quelques difficultès d'élocutions mais déjà bien domestiquées puisqu'il fait du Théâtre depuis une dizaine d'années ( les 2 autres aussi d'ailleurs....Ne me posez plus la question après, suivez, Nom de Dieu!). Une fille, environ 25-30 ans, dur à dire...Parce qu'elle , elle est bien atteinte...Disons que ça se voit sur son visage...Grosses difficultès d'élocution....Et assez dure à la comprenette ( si vous voyez ce que je veux dire)....Mais toujours un sourire pas possible... Et enfin, un autre mec qui doit avoir dans les 45 ans, cheveux courts et gris, moustaches...Bref la tête et le physique d'un sergent-chef de gendarmerie...Disons débile moyen...avec idées fixes...capable de te poser 5 fois de suite la même question et qui est toujours à rire le premier de ses propres blagues qu'il te racontes 4 fois...de suite.....
Tout ça pour dire qu'hier après-midi, on répétait un bout d'un texte de Grumberg...4 heures d'affilées....Dans ce spectacle ce que nous jouons ce sont des spectateurs qui viennent de voir une représentation d'une pièce portant sur l'holocauste et qui font leur commentaires...Chacun de nous s'est choisi un personnage...Lui a donné un nom, une existance civile...Par exemple, je suis : François Géraultde langalerie, conseillé en Communication, ami personnel de Nicolas Sarkozy et je suis venu voir cette pièce pour me rendre compte de ce qu'est le Théâtre populaire...
Je vous garantie que quand on voit sur scènes les comédiens, ce ne sont pas les "débiles" qui le paraissent le plus....je peux vous dire aussi que c'est des gens formidables et que pas un instant en "travaillant" avec eux vient l'idée de ce qui nous différencie....Tous aussi "dingues et heureux"! | |
| | | Clair Obscur Clavieriste confirmé(e)
Nombre de messages : 1737 Localisation : Nulle part ailleurs Date d'inscription : 21/10/2004
| Sujet: Re: Le théâtre, lieu de vie et rien d'autre Lun 8 Nov - 18:22 | |
| Complètement d'accord avec toi ! J'ai travaillé et joué pendant deux ans avec un groupe dans lequel y'avait un jeune un peu attardé. Il n'arrivait pas, entre autres, à te regarder en face quand il s'adressait à toi. Son regard fuyait au-dessus, à côté, peu importe, mais "ailleurs". Il était plein d'entrain, truculent, mais nous le faisions aussi hurler de rire par nos tendances illuminées. On ne voyait plus la différence. Sauf que pour lui, c'était beaucoup plus sérieux que pour nous. Par exemple, la première année, il n'était pas capable de dire trois mots à la suite les uns des autres. Sa première réplique était "Aaaaaah!" et il se plantait de temps en temps en faisant "Ooooooh!"... il en était malade alors que c'était pas grave, c'était mignon, tendre, quoi ! Nous aussi, on se trompait. Au point culminant de la pièce, y'avait un rapport de force géant entre un retraité nanti, un pêcheur, et des ouvrières. Je devais dire au pêcheur : "Mais oui, Pottiolo, on l'apprécie, votre poisson !" Et j'ai bifurqué : "Mais oui, Pottiolo, on l'apprécie votre savon !"... Notre compagnon a été ravi de la bourde, il en a retiré que c'était possible chez tout le monde. Peu à peu, imperceptiblement, il a réussi à nous regarder dans les yeux en nous parlant, puis à prendre des répliques plus longues, puis à se mouvoir normalement. Il travaille dans une grande boîte de par chez moi, et il paraît qu'en sortant de l'usine, il a cessé de paraître voûté le regard au ras du sol. Il sort maintenant la tête haute. J'aime ce témoignage.
J'ai aussi un petit handicapé moteur, dans mon groupe d'enfants. Il n'est pas en fauteuil, mais appareillé au niveau des jambes, une légère atrophie des mains et l'impossibilité de parler trop fort. Je m'arrange toujours pour lui confectionner des rôles où il ne se met pas en péril. Ce gamin est extraordinaire. Il est partant pour tout. Il touche à tout, curieux, éveillé, amoureux de la vie. Et le théâtre pour lui n'est pas un vain mot. Dans le groupe, il est comme tout le monde.
Aucune différence entre ceux que la vie a lésé de mille possibilités, et ceux qui, en dépit de l'éducation bienséante, n'hésitent pas à se lâcher sur scène pour aller dans l'absurdité, dans l'extravagance du jeu, quitte à ce que, depuis la salle, les proches les découvrent sur le plan des délires. Un groupe de comédiens, c'est un vrai groupe. On y apprend la tolérance, la complémentarité, la complicité, la communauté. Et un intense bonheur de vivre. Ensemble. | |
| | | Clair Obscur Clavieriste confirmé(e)
Nombre de messages : 1737 Localisation : Nulle part ailleurs Date d'inscription : 21/10/2004
| Sujet: Re: Le théâtre, lieu de vie et rien d'autre Jeu 18 Nov - 5:41 | |
| Au début, Noir. Un peu comme un gouffre dont on ignore s'il a un fond. Béant. Silencieux. Vaste. Si vaste.
Son odeur se reconnaît entre toutes. Indescriptible. Toujours la même.
Silence. Mais pas n'importe lequel. Silence comme un sommeil. Terrassé, il se tait. En même temps, il murmure ses mots, les leurs, les miens, mélangés. Tourbillon, échos, cris, rires, applaudissements, effervescence, trouille, gémissements, confusément.
Bruit des pas sur les planches. Elles sont là. Toujours. Immuables depuis près de soixante ans. Résonnance. Clac clac clac clac... beaucoup. Il est immense. Long, large, profond. Surtout dans le noir.
A l'autre bout, là-bas, le tableau d'éclairage. Ma main s'avance instinctivement vers le bouton, le premier, le bon. Lumière. Blanche. Impersonnelle. Celle-là ne se trafique jamais pour un costume de gélatine.
Coulisses. Plus ou moins bien rangées. Vastes coulisses. Lumière sur les murs noirs, lumière sur le vieux, le très vieux plancher. Des tuyauteries courent contre le mur. Des chaises en vrac. Tréteaux. Planche. Table. Une grande, une petite. Des fils emmêlés à même le sol. Des prises au bout des fils. Chacune scotchée et numérotée. Normal. Comment ferait-on pour s'y retrouver ? C'est la 16 qu'il me faut. Elle est accrochée à un clou, contre le tableau, près de la prise. Clac. un autre et pas le même. Lumière intense sur le plateau vide.
Vide. Immense. Une plage de bois lissé par tant de pas, par tant d'allées et venues. Vieux bois usé, rongé par endroits. Attention aux échardes, là. Clac clac clac clac... Bruit de mes pas sur la scène. J'arpente. En long et en large. De cour à jardin. De jardin à cour. J'ai beau connaître par coeur, elle me surprend toujours, cette scène ! Quelle profondeur !
Le rideau du fond, je l'avancerai peut-être. Il me faudra Arnaud. Et puis un autre homme pour tenir l'autre extrémité, guider la barre pour qu'elle n'abîme pas la poutre. Qu'il est haut, le plafond ! Interminablement haut. Y'aurait de quoi faire, de quoi inventer, de quoi bricoler... c'est pas l'heure !
Vérification de la trappe. Est-elle toujours accessible ? Je me penche, m'accroupis même et glisse un doigt dans le petit trou tout rond. On dirait un oeil. L'oeil du souffleur. Le trou du souffleur. Je replie le doigt et tire fort. Elle s'ouvre. Escalier exigu, raide, mais escalier. Au bout, en bas, une porte. La clé, je l'ai posée avec le trousseau, près de mon sac, près du tableau, près des fils. Je referme.
Vaste salle. Du haut de la scène, 1m20, je mesure la profondeur de la salle. 750 places. Le sourd du fond me fait sourire. Il n'existe que dans ma tête, mais j'y tiens. C'est lui qui me permet d'affirmer qu'il sera là et qu'il est nécessaire d'envoyer la voix pour qu'il la reçoive. Brave type, cet inconnu qui n'existe pas...
Le silence de la salle me laisse deviner son brouhaha. Celui d'avant, celui d'après. Entre deux, l'inconnu. Que se passera t-il, PENDANT ? Une vague de terreur, fugace, au fond du ventre. Mon ventre, c'est le lieu de passage de toutes les émotions, de toutes les appréhensions, de tous les plaisirs. Il se tord vaguement, avec parfois des pointes acérées. J'en ai pour un moment. Toute la journée. Toute la soirée. Une partie de la nuit. Valeur montante, que ces vagues d'angoisse...
Clac clac clac clac... mon panier, à jardin, m'attend. Il faut d'abord aménager les coulisses. Chaises, tables, petite, grande...
Je m'affaire. Déjà. Il n'est jamais trop tôt. Dans dix minutes, "mon mari de scène" arrivera. Dans quinze minutes, les autres suivront. Dans trente minutes, Arnaud, le régisseur.
Allez. Il faut se bouger... | |
| | | Dona Invité
| Sujet: Re: Le théâtre, lieu de vie et rien d'autre Jeu 18 Nov - 9:32 | |
| @Clair Obscur Beau sujet ou l'appropriation de l'espace par le metteur en scène et/ ou le comédien. |
| | | Clair Obscur Clavieriste confirmé(e)
Nombre de messages : 1737 Localisation : Nulle part ailleurs Date d'inscription : 21/10/2004
| Sujet: Re: Le théâtre, lieu de vie et rien d'autre Jeu 18 Nov - 9:49 | |
| Merci Dona.
(hum... frisquet, ce matin... je file et reviens finir plus tard... bonjour, à tout à l'heure !) | |
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| Sujet: Re: Le théâtre, lieu de vie et rien d'autre | |
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| | | | Le théâtre, lieu de vie et rien d'autre | |
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