- Clair Obscur a écrit:
- Tu pourrais me développer ce qui te gêne en tant que lecteur, dans la poésie libre ?
Rien. C'est juste que ton texte n'était pas de la poésie, mais des alignements de mots a hasard de la plume. Tu as passé combien de temps sur ce « poème » ? Dix minutes ?
* * *
- Citation :
- Que cherches-tu (lecteur) dans une poésie ? Qu'elle te livre tout ? Qu'elle te permette ta propre interprétation ? La musique des mots ?
Rien. Je ne consomme pas de poésie et ne la recherche pas. Elle ne ne gêne pas non plus. je la considère comme le reste : c'est une des composantes de l'esprit humain.
* * *
- Citation :
- Concernant la poésie classique (la vraie) peux-tu me donner ton sentiment ?
Je n'en ai pas. La Fontaine écrit divinement. Que dire de plus ?
- Citation :
- Perso, je pense que si l'on suit à la lettre toutes les règles, la poésie s'apauvrit considérablement.
Si on ne les respecte pas elle s'apauvrit aussi. C'est le cas aujourd'hui. La poésie française est extraordinairement pauvre, à l'image des Français, peuple d'employés gris et sans fantaisie.
Houellebecq, pourtant, parvient à exprimer cette grisaille en poésie.
- Citation :
- J'ai suivi le parcours d'une poésie bourrée de défauts pour pouvoir s'appeler classique. La correction s'est faite en une bonne dizaine d'étapes, chaque étape reprenant quelques règles supplémentaires.
Une fois toutes les règles respectées, en plaçant côte à côte les deux versions, je me suis aperçue que le principal avait été ôté : l'émotion.
C'est que le poète a péché par académisme, dans ce cas.
Boileau donne la méthode, qu'il faut suivre sans exception :
« Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage. »
Vingt fois. Dix, c'est la moitié. Et encore Boileau s'adressait-il à des gens imprégnés de culture, alors que toi, tu avoues ne pas lire. C'est un gros défaut lorsqu'on prétend écrire.
- Citation :
- Ce qui m'agace un peu, dans la poésie classique, en plus de ce que je viens de dire ci-dessus, c'est la monotonie de la musique et du rythme. D'autres adorent ça, je respecte, hein. Je livre là mon sentiment personnel.
Chacun ses goûts.
Je ne trouve aucune monotonie dans, par exemple, À la musique, poème de Rimbaud que j'aime particulièrement (mais ce n'est pas classique stricto sensus, c'est romantique).
A LA MUSIQUE
Place de la gare, à Charleville
Sur la place taillée en mesquines pelouses,
Square où tout est correct, les arbres et les fleurs,
Tous les bourgeois poussifs qu'étranglent les chaleurs
Portent, les jeudis soir, leurs bêtises jalouses.
- L'orchestre militaire, au milieu du jardin,
Balance ses schakos dans la Valse des fifres :
- Autour, aux premiers rangs, parade le gandin ;
Le notaire pend à ses breloques à chiffres :
Des rentiers à lorgnons soulignent tous les couacs :
Les gros bureaux bouffis traînent leurs grosses dames
Auprès desquelles vont, officieux cornacs,
Celles dont les volants ont des airs de réclames ;
Sur les bancs verts, des clubs d'épiciers retraités
Qui tisonnent le sable avec leur canne à pomme,
Fort sérieusement discutent les traités,
Puis prisent en argent, et reprennent : « En somme !... »
Épatant sur son banc les rondeurs de ses reins,
Un bourgeois à boutons clairs, bedaine flamande,
Savoure son onnaing d'où le tabac par brins
Déborde - vous savez, c'est de la contrebande ; -
Le long des gazons verts ricanent les voyous ;
Et, rendus amoureux par le chant des trombones,
Très naïfs, et fumant des roses, les pioupious
Caressent les bébés pour enjôler les bonnes...
- Moi, je suis, débraillé comme un étudiant
Sous les marronniers verts les alertes fillettes :
Elles le savent bien, et tournent en riant,
vers moi, leurs yeux tout pleins de choses indiscrètes.
Je ne dis pas un mot : je regarde toujours
La chair de leurs cous blancs brodés de mèches folles :
Je suis, sous le corsage et les frêles atours,
Le dos divin après la courbe des épaules.
J'ai bientôt déniché la bottine, le bas...
- Je reconstruis les corps, brûlé de belles fièvres.
Elles me trouvent drôle et se parlent tout bas...
- Et je sens les baisers qui me viennent aux lèvres...