Khrouchtchev, est le dirigeant qui a rédigé le rapport secret sur les crimes de Staline, et permit à Soljenitsyne de publier son premier livre (parution officiellement reconnue).
Les camps ou Kontslaguer apparurent en Russie dès 1918 comme instrument de répression politique. De la Révolution à la Glasnost, 18 millions d'individus en furent les victimes ; 4,5 millions n'en revinrent jamais., Ces camps devinrent peu à peu, une « civilisation » à part entière, avec ses propres lois, sa diversité sociologique, sa littérature (dissimulée sous la forme d’un chapelet), son argot, ses coutumes : c'est au cœur ténébreux de ce monde que nous convie l'auteur.
Si Soljenitsyne, avec son "Archipel du Goulag", en a donné un inoubliable témoignage littéraire, « une journée d’Ivan Dénissovitch », nous propose ici la vie quotidienne de centaines de zeks , avec pour toile de fonds, en filigrane suggéré, l'absurdité des arrestations, la cadence infernale des travaux conduisant à la résignation monotone des survivants s’auto dirigeant pour tenter d’aménager des stratégies de survie. Au quotidien l’auteur nous décrits les banales scènes de lever matinaux, d’appel et de rassemblement suivis de fouilles , sans mettre en avant les violences inouïes et la mort omniprésente. Les yeux de Choukov Ivan Denissovitch, sont ceux d’un personnage innocemment gentil, naïf, bon camarade et surtout bon ouvrier, malléable.
Bien entendu, Khrouchtchev n’a pas compris Ivan Denissovitch. Il a pensé : " Voilà un récit qui parle de souffrance, mais en même temps il y a un certain enthousiasme pour le travail, imprimons-le ». Pierre Daix dans sa préface, dit : c’est un mélange " d’audaces mesurées et de concessions à la logomachie stalinienne "
Choukov, Ivan Dénissovitch, simple paysan, est résolu à accepter la violence du système, en ayant pris soin de restreindre son humanité aux besoins élémentaires de subsistance (manger, dormir et ne pas avoir froid aux pieds et aux mains) gardant comme objectif, ses espoirs à survivre jusqu'au lendemain.
Chaque détail de ce récit, tracé comme épure d’un compagnon bâtisseur, revêt un tout autre caractère lorsque , une fois assemblées, les pièces du puzzle révèlent la lutte acharnée des fourmis contre un monstre tentaculaire couleur rouge sanglant.
Quand Alexandre Soljenitsyne arrive en Occident après son expulsion d'URSS le 13 février 1974, il n'est pas un inconnu. Auteur de plusieurs romans et du récit Une journée d'Ivan Denissovitch, première peinture d'un camp de concentration, l’écrivain soviétique est sans doute le plus célèbre des dissidents (revoir l’interview avec Bernard Pivot).
Avec son témoignage, cet auteur important obligea, les communistes européens à réviser leurs positions (lire « le terrorisme intellectuel » de Jean Sevilla)
Même vidé de sa moelle, l’os reste inflexible, avant qu’il ne se brise. Bertrand-môgendre