Lorsque Pierre Jourde revisite son pays natal (« pays perdu »), sec, aride, lozérien, aux habitations rustres pauvrement meublées par des paysans crasseux, c’est uniquement pour y décrire quelques images dévalorisantes d’habitants peu évolués, dont l’autarcie victimise l’aliénation à d’ancestrales coutumes « légumières ».
Laurent Gaudé, auteur de ce roman "le soleil des Scorta", épousant son origine italienne, nous invite chez lui, dans ce pays sud Italien, au sein de sa belle-famille. En toile de fond, se trame l’hospitalité rugueuse des villageois, burinée par les accents silencieux des familles de pêcheurs et de cultivateurs. Les regards inquisiteurs déposés sur le visiteur, l’aguerrissent d’emblée à la morsure des éclats de soleil, aveuglant l’imprudent aux heures chaudes de l’été.
Lorsque Garcia Marquez avec « cent ans de solitude », traverse les générations d’une famille aventurière, conquérant pouvoir et destinée, à force d’intrigue et de pression violente, Laurent Gaudé lui, installe ses personnages sur une chaise, à l’ombre d’un olivier, pour écouter tranquillement la confession d’un Scorta sur le point de partir.
Laurent Gaudé satisfait les désirs de gloire des protagonistes en les réunissant au complet lors d’un banquet mémorable, sur un malheureux ponton en bois « trabucco ».
Si Giono cultive le cinabre ou distille le pastel, Laurent Gaudé crépit de sueur les pierres des murs des petites maisons serrées, offertes aux vent de l’Adriatique.
A l’huile d’olive, mélangée aux pierres des collines sèches, la vie fluide des Scorta trace un sillon invisible, comme sang de rocaille sur les pavés de ce village de pêcheurs (les habitants des Pouilles sont ils des pouilleux, au point d’imaginer qu’une union non approuvée par l’ensemble du village, soit un viol de la loi ?)
Ce soleil brûlant dégusté, par les Scorta est une aventure humaine, si quelconque, dans sa banalité qu’elle en devient poignante. A l’œil qui scrute l’horizon en quête de vie meilleure, l’écrasante chaleur dilue la volonté du rêveur, et si le mirage des jours nouveaux s’estompe peu à peu, c’est pour mieux apprécier la présence des proches (vivants ou non) qui le retient sans trop savoir pourquoi :
« il faut juste faire de son mieux, puis passer le relais et laisser la place ».
La vie du clan Scorta, nous accapare tant par ses non-rebondissement, par sa non-aventure pittoresque, qu’on en oublierai presque qu’il existe une autre vie dans le village de Montepuccio.
Le roman est construit autour d’une somme de petits riens qui soude la famille dans l’existence laborieuse des petites débrouilles en évitant toutefois de se compromettre dans la facile dérive du vieux respect puant de l’homme pour l’or.
Chaque membre du clan n’est rien ; il existe uniquement parce que
« le nom des Scorta passe à travers lui ».
Parce que l’insignifiance des êtres, peut se conjuguer avec la magnificence de la terre, la raison garde en mémoire, les bienfaits de ce monde (bertrand-môgendre)