Norma, j'ai peur

voilà c'est une grande année, j'vais aller à l'opéra pour la première fois d'ma vie, ça c'est du dépucelage.

j'ai envie et les j'tons, je suis pas touchée par l'écoute, j'attends beaucoup du spectacle, mais être enfermée au milieu d'pingouins, pis combien de temps ?... et si j'marchais pas ?

C'est un grand opéra, paraît, Norma, mais j'y connais rien.

Avant d'attaquer la chose, on m'a fourgué des infos pour qu'au moins j'comprenne un minimoum.
J'aurais pas cru que l'opéra était aussi tardif... si j'ai bien suivi, vraiment démarré à la Renaissance... c'est l'captain qu'aurait été content

C'est un bel opéra, avec de la bonne musique à chanter pour les deux femmes, Norma et Adalgisa.
Ça commence par une scène un peu chiante, avec le ténor (Pollione), puis ça devient grandiose à la deuxième scène, avec la cérémonie à la Lune. On dit que c'est le plus bel air d'opéra de tout le répertoire, Casta diva (chère déesse), qui est à l'origine de l'appellation "diva" pour les chanteuses d'opéra.

L'opéra se passe dans la Gaule romaine. Norma est une prêtresse gauloise qui a été amante, puis abandonnée par un officier romain, Pollione. L'argument n'est pas très intéressant, mais il offre des situations dramatiques, ce qui permet, puisqu'on est en plein romantisme, de belles scènes. Les duos entre les deux femmes, lorsque Norma confie ses enfants à Adalgise, par exemple parce qu'elle va se suicider, sont sublimes.
Dès que les femmes quittent la scène, l'opéra devient un peu chiant, mais il suffit d'attendre, ça ne dure jamais longtemps.

Si tu t'emmerdes, tu pourras sortir à l'entr'acte, tu n'auras souffert qu'une petite heure. En cas de crise grave, tu pourras toujours fuir dans les applaudissements (ou les huées) à la fin de la scène à la Lune. Attention, elle est en deux mouvements (parties), l'une très lente, on applaudit parfois à la fin, puis une cabalette (air enlevé, imité du trot d'un cheval) parfois le chef enchaîne les deux, parfois pas. Ensuite, on applaudit ; là tu te tires.

"les opéras romantiques italiens sont l'histoire d'un ténor qui veut coucher avec une soprano et d'un baryton qui les en empêche." G.B. Shaw

c'est joliment tourné, tu confirmes ? Y a des "fonctions" réservées ?

Oui, c'est le schéma classique. Norma est plutôt une exception. C'est d'ailleurs tiré d'une pièce française, et non italienne. Le baryton, en général le père de l'un des deux, peut être remplacé par une mezzo-soprano, voix de femme plus grave que la soprano. Mais La traviata, par exemple, l'un des opéras les plus populaires, rentre exactement dans le moule.

Dans le cas de Norma, le ténor entend ne plus coucher avec la soprano.

Pour se divertir, la grande scène de Norma, à l'acte un, la prière à la Lune. En trois parties : l'intro en récitatif, puis l'air Casta diva, puis la cabalette.

http://fr.martini.free.fr/musique/norma-miricioiu/norma-1.mp3
http://fr.martini.free.fr/musique/norma-miricioiu/norma-2.mp3
http://fr.martini.free.fr/musique/norma-miricioiu/norma-3.mp3

La chanteuse est la Roumaine Nelly Miricioiu à Londres en mai 2000.
http://www.cantabile-subito.de/Sopranos/Miricioiu__Nelly/hauptteil_miricioiu__nelly.html

Un site qui présente deux airs par cette chanteuse.
http://www.pelleas-artists.com/artistes/Miricioiu.htm

j'écoute tes liens fulmi... ah mais voui le deuxième morceau je le connais!! fait dresser mes poils de profane

la version que j'vais voir :

Direction musicale
Jean-Yves Ossonce

Mise en scène
Paul-Emile Fourny

Décors et costumes
Poppi Ranchetti

Direction des chœurs
Noëlle Geny


Norma
Susan Neves

Adalgisa
Nancy Fabiola Herrera

Pollione
Antonio Nagore

Oroveso
Enrico Iori

c'tait un tel succès Norma à la première qu'bellini -trente ans- a déclaré "la création n'est qu'un solennel fiasco"
t'as vu il est mort à puteaux ?! quatre ans après... juste après sa dernière commande parisienne, un succès

J'ai vu, sur le site de l'opéra de Montpellier, mais je ne connais personne, sauf le chef, que j'ai déjà entendu à la radio. Apparemment le ténor Antonio Nagore a une belle réputation naissante.

Bellini est mort très jeune. On peut dire que tous ses opéras sont des œuvres de jeunesse, comme pour Mozart. On dit généralement que s'il avait vécu, il aurait été le plus grand des compositeurs d'opéra italiens du XIXe siècle.
Wagner, le compositeur, qui était chef d'orchestre de son métier, dirigeait souvent la musique de Bellini et disait que son orchestre était une grosse guitare qui accompagnait les chanteurs. C'est malheureusement vrai. C'est assez balourd. Cela fait sans doute partie des défauts de jeunesse mais… on retrouve l'influence très reconnaissable de Bellini dans les premiers opéras de Wagner, le Vaisseau fantôme, notament, qui est assez bellinien. C'est dire que ce jeune homme a été important dans la musique de son époque.

Son style est ce qu'on appelle du bel canto, ou beau chant. C'est très conventionnel. Il s'agit de proposer au public une mise en valeur aussi parfaite que possible des possibilités des chanteurs, sans jamais céder à la facilité. Ainsi le drame ou la fureur ne s'expriment jamais par des déchaînements vocaux ou orchestraux, mais par des manières particulières de moduler les vocalises, qui sont ce qu'il y a de plus important dans ce genre, ou par des traits subtils, jamais appuyés.

De ce point de vue, la scène de Norma est un modèle du genre. La première partie est ce qu'on appelle un récitatif. C'est chanté, sans qu'il y ait de mélodie très reconnaissable et ce qui est chanté est le dialogue de théâtre, c'est pendant les récitatifs que le public est informé de ce qui se trame. C'est la partie la moins musicale de la scène.

Vient ensuite le grand air (ou duo), dans lequel le chanteur se met en valeur. On l'entend bien dans Casta Diva, qui a été écrit pour l'une des plus célèbres chanteuses de l'époque, Giuditta Pasta. On entend bien que l'orchestre et les chœurs n'ont d'autre rôle que de soutenir et valoriser la chanteuse. Pendant un air, la situation dramatique n'évolue pas, l'attention du public étant entièrement accaparée par la beauté du chant (enfin, dans l'idéal). Le chant est très contrôlé, ne se lâche jamais, le bel canto s'interdit les effets faciles. Pas de grands coups d'orchestre, pas de changement de rythme, pas d'intervention intempestive d'un autre personnage : on est à la messe.

Enfin après l'air, une pièce de musique plus légère, ici une cabalette, qui permet au chanteur de se faire valoir de manière plus brillante et recevoir d'autres applaudisements.

Dans les extraits que j'ai posté, c'est un public londonnien, qui est plutôt calme et discipliné. Lorsqu'on entend des enregistraments de chanteuses célèbres en Italie, ça tourne facilement au délire. l'opéra de Marseille est aussi réputé pour ses triomphes interminables.

Tout ce que je dis ici ne vaut que pour le style belcantiste. Cela ne s'applique pas à d'autres genres, comme le classissisme (Mozart), le romantisme (Wagner) ou l'opéra moderne (Puccini), par exemple. On a pratiqué le bel canto aux XVIIIe et XIXe siècle, c'est tout. Norma est un opéra de bel canto romantique. Celui qui s'extasie devant le bel canto de la chanteuse du film Diva se la pète grave et a l'air ballot : La Wally, ce n'est pas du bel canto, Carmen non plus.

Évidemment, comme Norma est un opéra romantique, tout de même, il se finit très mal, c'est la règle de l'époque. le romantisme, qui est l'expression de la société industrielle en pleine expansion, s'exprime dans le malheur et le désespoir et l'amour en butte aux conventions sociales est la grande affaire de l'époque. On retrouve tout ça dans Norma.

merci fulmi de ton éclairage il est parfait

Fulmi a écrit:

L'opéra se passe dans la Gaule romaine. Norma est une prêtresse gauloise qui a été amante, puis abandonnée par un officier romain, Pollione.

C'est un peu comme la résistante qui couche avec l'officier allemand, non?

Un peu seulement. Les Romains n'exterminaient pas les Gaulois, ils les civilisaient, ils en firent des Gallo-Romains.

J'ai empégé un autre extrait de Norma, le duo entre Norma et Adalgise où il est question des enfants. Adalgise a la voix la plus chaude, Norma la plus claire.
Comme pour la scène à la lune, on trouve plusieurs parties. Dans le premier fichier : je n'ai gardé que la fin du récitatif de dialogue, il s'agit de la fin d'une scène avec une troisième femme : Clotilde, qui est assez long, c'est du chanté très parlé, puis la musique devient plus marquée, mais ce n'est pas du chant pur, la musique est encore au service des mots, Adalgise et Norma s'expliquent.
Second fichier : c'est le grand duo. Comme pour l'air Casta Diva, il comprend deux parties : la principale, consacrée au chant pur, et un seconde partie, plus enlevée, mais très courte.

Pour reconnaître les chanteuses :
La première voix que l'on entend est celle de Norma :
Si emmendi il mio fallo… e poi… si mora.
Adalgise lui répond ausitôt :
Me chiami, o Norma !

C'est Adalgise qui ouvre le deuxième fichier :
Mira, o Norma…

http://fr.martini.free.fr/musique/norma-miricioiu/normaduo1.mp3
http://fr.martini.free.fr/musique/norma-miricioiu/normaduo2.mp3

Adalgisa est chantée par Susanne Mentzer. Cela provient de la même retransmission que l'autre extrait.

je ne peux pas entendre, ma carte mère fait à nouveau des siennes et elle ne veut plus entendre parler de multimédia. Je suis déjà content de pouvoir afficher cette page.

Allora, Ours, t'as tenu combien de temps ?

'tain fulmi j'y go c'ouikand normal'ment (j'ai écouté ta zic hein je suis ;))
me shoote à radio classique, bref je stresse, faut s'habiller tu crois ?
et j'compte tenir l'opéra entier!

Non, il ne faut pas s'habiller, mais tu peux.

Fulmi a écrit:

Non, il ne faut pas s'habiller, mais tu peux.

Fais divers : elle était nue à l'opéra, son voisin à cru dans un premier temps au dernier modèle Dior mais a donné l'alerte quand il a ajusté son lorgnon et remarqué que le tissu à apparence nacré n'était en fait qu'une peau splendide que faisait resortir le fauteuil de l'opéra ...

Ah, ça va Bidouille, t'as peur de rien !

a y est

quelles femmes

les duos féminins, le ténor rigolo 'vec ses sandales, le final renversant, même, si, la larme à l'oeil, voir des gens qui chantent en vrai sauf que t'es sûre qu'i vont pas s'vautrer dans l'couac.

j'ai entendu que deux sons qui m'ont déplu, un éclairage médiocre, une paire de poursuites mal dirigées vilain l'aurait été vert, une norma remplacée au pied levé, le texte affiché au d'ssus d'la scène fait zarb (ah ben oui quoi je savais pas moi), mais les deux filles en duo ouahou, et même c't'enfoiré d'romain, carrément à s'tordre des fois

pis c't'émouvant, le velours rouge, les dorures du théâtre, les voix, la délicatesse de la musique dans ces ptites cordes, l'orchestre, j'ai pas arrêté d'zieuter le chef, c't'un vieux rêve de gosse

donc surtout des personnages féminins écrasants, de l'allant et de la grâce, bref j'étais sûre que j'pig'rais mieux en voyant, je confirme, le pied.

et pis, le bonheur enthousiaste, presque populaire, du public... du spectacle, des gens qui aiment chanter et jouer, je me suis même amusée, les codes, le décor glissant, les rythmes des scènes...

je repiquerai promis

pour carmen, en juillet, dans mes arènes :p

Bon, ben, tant mieux. J'aime pas quand les novices s'ennuient à l'opéra !