Jolie énumération, à la chute tragique, piochée dans le roman "
Prof is beautiful" de Defaix, un agrégé de Français toujours en cours. Roman corporatiste qui fait la satire à souhait du monde enseignant dans un collège sensible. Si le ton est humoristique, l'ensemble a un impact dévalorisant sur la profession et même s'il y a quelques bonnes vérités à tirer de certains portraits de professeurs, on voit aussi que l'auteur a poussé à l'extrême des traits de caractère et dressé une galerie de caricatures.
En voici une d'ailleurs. Et là il s'agit d'une caricature d'élève: tous les mauvais écoliers réunis en un seul; Se lit tout d'un trait, sans respirer, pour imaginer l'endurance qu'il faut à garder patience face à ce genre d'énergumène.
"Ne se tient jamais correctement sur sa chaise ou sur sa table.
Renverse sa tête en arrière.
Se donne des coups de règle sur la nuque.
N'a jamais ses affaires.
Ne fournit jamais ses exercices.
Ne fait jamais signer ses mots dans le carnet de liaison.
A rarement son carnet de liaison.
Ne prend jamais la correction des de voirs qu'il n'a pas faits.
Ne prend jamais la correction des devoirs qu'il aurait pu faire.
Attaque ses camarades.
Les fait punir à sa place.
Répond agressivement.
C'est toujours une victime.
Lance des projectiles en classe.
Eclate de rire.
Pique des colères.
Entraîne une série d'élèves, de sexe masculin, dans la dissipation.
Pointe un compas d'emprunt en direction de camarades.
Ecrit des mots dirigés contre les filles, gravés sur les tables ou diffusés sur des petits papiers qu'il est capable d'ingérer.
S'injecte du Typex dans les yeux pour avoir le droit de sortir plus vite qu'il se fait virer.
Quand il a l'air calme il chantonne "mmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmm" en basse continue et absurde, sur de la grammaire et de l'orthographe, sur de la lecture, sur le littéraire qu'il foule de ses pieds griffés par Nike et de ses mains fort bagousées pour son âge.
Il le voit se précipiter sur les files patientes de la cantine , créant la cohue.
Il le voit dans la cour terrorisant un sixième immobile.
Il le voit jouer au foot avec une technique incontestable, notamment sur les ailes de pigeon et les coups de pieds retournés.
Il le voit mettre ses mains sur ses oreilles.
Il ne laissera pas parler Numen (son professeur). NOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOON!
Pétri de mauvaise foi.
En flagrant délit de juron: "Je me parle à moi-même, je ne vous insulte pas."
Bavardage. Bavardage. Bavardage après les faux armistices.
Insultes. Répétitives. Insidieuses. Ouvertes. Implicites. Explicites. Un maître dans le domaine.
Ouvre l'arcade de son meilleur ami sur la sonnerie. L'ami dit que ça l'a réveillé.
Retire la chaise de sous les fesses de son ennemi. L'ennemi rit. Il rit encore le lendemain, avec une minerve.
Quand il l'a, il jette violemment le carnet de liaison sur la table.
Il souffle à chaque remarque qui lui est faite.
Il fait semblant, en plein cours sur la littérature de chevalerie, de fouetter ses camarades avec le collier qui tient les clefs de l'appartement familial.
Il demande parfois de lui-même à changer de place, mais pour changer de voisins de bavardage.
Tout-puissant dans le caprice, croit-il.
Se plaint parfois de son dos, comme un footballeur de l'Actors studio se plaindrait de son tibia intact.
Utilise un autre compas pour se gratter la tête.
N'utilise jamais sa tête pour les maths.
Se tient les parties qu'il imagine bien plus grosses qu'elles ne le sont en réalité et surtout au moment de passer au tableau.
Les volets de son classeur sont de petites et sordides petites fresques murales.
Accroche une gomme à l'une de ses oreilles, se met du scotch sur l'autre.
Ne veut pas suivre les consignes en même temps que les autres.
Il dit qu'il n'a pas compris car il est bête.
Il provoque les élèves silencieux en réclamant le silence.
Répète: "gâteau à l'ananas, gâteau à l'ananas, gâteau à l'ananas..."
Il y a parfois des variantes avec le kiwi.
Tente, dans ses moments de flatterie, et toujours hors contexte, car Numen n'est pas Resort ou Castro (autres professeurs) de tenir des propos négatifs sur les autres professeurs.
Fait des réflexions déplacées sur certains de ses camarades.
Fait se déplacer certains de ses camarades réfléchis.
N'a pas de camarades, en fait.
N'aime pas la camaraderie, c'est sûr.
Aime la peur, et susciter la peur, il semblerait.
Menace un de ses camarades dans le couloir, comment ne pas l'avoir vu?
Fait à deux reprises le signe d'égorger quelqu'un.
Simule la colère mais s'esclaffe juste après.
Fait des gestes bouffons avec les deux mains.
Serre la main des bouffons comme dans les clips.
Traite la camarade qu'il avait menacée dans le couloir de rapporteuse, puis de balance.
Ne veut pas, à la fin du cours, reconnaître ses torts. Regarde sa montre et dit: "J'en ai rien à foutre, je perds mon temps"
Fait tenir le stylo volé sur son nez.
Raye le verre de montre de son professuer. N'as pas fait exprès.
Probablement grâce à sa montre équipée d'un chronomètre, fait le compte à rebours de toutes les secondes du cours, en un jour de grand silence et fait DRIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIING, deux secondes avant la sonnerie officielle.
Dit d'une camarade qu'elle pue, et qu'il refuse d'être assis à côté d'elle plus longtemps.
Pue.
Pue.
Pue moralement.
Mord dans une cartouche d'encre bleue réclamée à grands cris à l'une de ses victimes. A la bouche toute bleue.
Dit que Yvain est une tapette.
Que Perceval est une fiotte.
Que Lancelot est un pédé.
Utilise un pendentif comme une fronde.
Regrette que l'on ne tienne aucun propos positif à son endroit.
Raciste.
Probablement antisémite.
Misogyne.
Guelue d'ange.
Sexe qui le perturbe.
S'allonge sur la table.
Dit qu'il veut dormir.
Imite le dindon.
Imite la poule.
Imite certains présentateurs d'émissions télévisées.
Mange du pain en classe, précisant qu'il n'a pas eu le temps de terminer son repas à la cantine, vu les horaires impossibles à tenir, nique leur mère, leur putain de sa race.
Tabasse les filles de la classe.
Indignation des filles de la classe.
Attraction pour le caïd.
Victimation, ses gifles.
Il frappe un graçon avec une règle métallique qu'il lui a prise, pour le punir de s'être assis à côté de lui.
Il fait des béquilles.
Moque les bras en plâtre.
Prend les canettes de Coca des sixième à la cantine.
Insulte une surveillante.
Met en boule les contrôles quand on les lui rend.
Met en boule les nerfs quand on les garde, ses contrôles, comme preuves de sa paresse.
Met des coups de boule en guise de coup de berger.
A la fin de l'heure, il dit qu'il ne supporte pas d'être avec les autres, qu'il ne supporte pas leur regard, qu'il ne supporte pas d'être avec les autres, qu'il ne supporte pas leur regard, qu'il ne supporte pas d'être enfermé à l'école.
Il dit qu'il aimerait être commissaire de police et le lendemain maître-chien.
Numen saute un repas pour revoir avec lui le brouilon d'n texte que le lendemain Franky ne lui remet pas.
Vas-y Franky c'est bon. Vas-y Franky c'est bon bon bon.
A une emprise négative sur l'ensemble de la classe.
Il la contrôle en permanence d'un simple regard.
Il la contrôle aussi les yeux baissés.
Il la contrôle même quand il n'est pas là.
Il contrôle aussi la salle des profs, car peu de monde se plaint ouvertement de lui. Numen sait pourtant qu'il n'est pas le plus faible des profs.
Franky ralentit le rythme des apprentissages communs ou plutôt bousille les cours.
Il focalise des énergies autour de son seul cas autodestructeur.
Il a réglé une histoire de rivalité amoureuse dans le couloir, à grands renforts de coups de poings.
Enlève les vis de fixation des tables.
S'écroule sur la table, écrit dessus, se coupe les ongles en classe.
Conteste les notes, même quand il a rendu copie blanche.
Dit: "Ouah, y a quelqu'un qui a lourdé une caisse ici, y a quelqu'un qui a fait un pet foireux, wof, wof, wof."
Remarques désagréables de façon à ce qu'on les entende.
"Ah ah ah" appuyé.
Gratte consciencieusement la terre sous ses chaussures.
Veut qu'on le félicite d'avoir exceptionnellement ses affaires ou d'avoir exceptionnellement fait son travail.
Quand il entre en cours autrement qu'avec des coups de poings, ponctue son entrée par un gros mot qu'il prétend devoir effacer en présentant tout de suite ses excuses, sans avoir l'air aucunement d'y croire.
"Estimez-vous que le français est une discipline facultative?"
- Oui.
- La chevalerie ça ne m'intéresse pas
- La chiasse, non plus, d'ailleurs."
Pour une fois il a appris un texte par coeur. Franky récite La Guenon, le Singe et la Noix, de Florian, et il dit "ma mère masturbe" au lieu de "ma mère mentit", et tout le monde, Numen y compris, fait semblant de ne pas avoir entendu.
"La nuance du mot déplaccé et inexplicable et que déplacée qui veut dire que quand on dit une bêtise où une connerie et qui faut pas di et inexpliqué, c'est quand on ne peut pas l'expliquer de mots.
Il aime bien dire: "Je m'en balec", "ta race", "je te calcule pas".
A réuni pendant une heure ses pellicules sur une feuille de devoir surveillé avant de les jeter sur un de ses camarades.
il dit que le prof est un mytho.
Il fait exprès de loucher.
Il menace un camarade qu'il vient d'insulter, parce qu'il considère qu'il l'a regardé de travers.
Les jours où il est en forme, il fait tourner son gros collier de rappeur et propose de donner des piécettes à Numen parce ce qu'il a dit "faisait tièp".
C'est qu'il n'a pas compris une remarque humoristique faite à propos d'un texte ne l'étant pas moins, ou bien qu'une remarque légère de Numen visant à tenter de désamorcer son agressivité maintenant légendaire ne lui a pas plu, comme d'instinct, ou de rage immémoriale.
Il a fait une chanson sur le ganja que Numen a saisie.
Il est en cinquième.
Il restera dans cette classe toute l'année.
Il passera en quatrième.
Puis en troisième.
Au collège pendant plus de deux ans encore.
Il dit qu'il n'en a rien à foutre des règles de savoir-vivre et de camaraderie de classe.
Capable de cogner Numen pour lui faire admettre que la violence symbolique n'est pas ici déterminante.
Il a pété.
Il en rit.
Il a dit que tu me saoules.
Il refuse de s'excuser.
Je te fracasse.
Je te démolis.
Va te faire enculer.
Va te faire mettre.
Va te faire enculer, sale pédé.
Je te casse te bouche.
Ce collège jusqu'à présent, il m'a rien servi.
Ces cours ils nous gavent vous nous gavez.
L'Antiquité ça sert à rien.
Pourquoi le surveillant i m'a confisqué mon cutter?
Prononce à voix haute l'expression "oh le bâtard" en relisant les maigres annotations de Numen sur sa copie presque vierge. Prétend, pour éviter la colle, que cela ne s'adressait pas à Numen, mais il ne le fait que bien mollement.
Il dit: "J'avais bien le droit de démouler un cake, tout de même".
Il dit qu'il se fout d'avoir des heures de colle.
Il emploie assez souvent le mot "sperme" à l'oral ou, plus rarement, à l'écrit.
Il dit qu'il sait ce qu'il fait, qu'il ne veut pas avoir d'ennuis, mais qu'il ne changera pas sa conduite pour autant.
Parfois il colorie des petits carrés de papier.
Il n'accepte de participer en classe que si cela de moquer la prétendue faiblesse des autres.
Il est très agressif quand certains courageux lui demandent de se taire et de travailler.
"Et s'il y a des balances ici, je les saigne."
Il ne supporte pas qu'une classe de cinquième qui était en grande difficulté au mois de septembre commence à s'en sortir petit à petit avec le travail, l'attention et, last but not least, le respect dû au professeur.
Une fois il a fermé à clef, discrètement, de l'intérieur, la porte de la salle de classe sur un de ses camarades parti chercher sa trousse, par le cher Franky, cachée, en salle de permanence.
Il se vante du nombre de retenues récoltées l'année passée, parfaitement inutiles selon lui puisqu'elles ne l'ont pas empêché de passer en cinquième.
Il a raison.
Il multiplie, sans calculette, les contorsions, les acrobaties, les pauses grotesques.
Se lève sans cesse sans autorisation pour ouvrir la porte ou les fenêtres.
Quand il est calme et qu'il a pu se procurer suffisamment de matériel, il dessine les voitures de sport qu'il aimerait voler. Et quand il dessine des femmes...
Il fait tout son possible, pendant les contrôles, pour gêner la classe.
Il dit que tous les profs n'en ont rien à foutre de lui et qu'il ne fera aucun effort cette année.
Numen voit certains élèves trembler de tout leur corps.
Franky dit à une fille qui n'a pas l'air de se sentir bien, parce qu'il lui a soulevé la jupe, de surtout pas poser sa gerbe par terre, parce que c'est dégueulasse putain.
Il se vante de "victimer" les élèves dès qu'il en a l'occasion, parce qu'au fond c'est jamais que des suceurs.
Numen s'en enroue parfois au moment de reprendre la parole.
L'horreur de la situation tient dans le fait que la liste de doléances est loin d'être close et que je n'ai pas tout relevé, se dit la pleureuse.
L'horreur de la situation vient de ce que nous aurions pu en faire un élève brillant, et qui aurait échappé à son milieu, si nous tous, l'Institution, l'avions vraiment voulu. Au lieu de cela, nous lui préparons une place en prison.