« Nous revenions de Minsk où nous avions joué « La prière de Tchernobyl » quand Svetlana Alexievitch m’a demandé si je pourrais jouer pour des morts plutôt que pour des vivants » explique le metteur en scène Bruno Boussagol.
C’est à ce moment-là, après un long silence, qu’est né le projet de commémorer, sur le lieu-même du réacteur maudit, le XXème anniversaire de la catastrophe.
« L’évidence s’est imposée ! » Rejouer la pièce témoignage des victimes de Tchernobyl, le 26 avril 2006, là même où tout a commencé, et s’est ouvert un futur que nous n’imaginons toujours pas…Où ?...sinon là, reprendre les paroles des morts, les faire témoigner une nouvelle fois et faire tenter de comprendre l’invraisemblable…Nous sommes porteurs du discours des personnes qui sont mortes et sans qui les conséquences de la catastrophe auraient été plus dramatiques encore. Nous avons une dette envers ces peuples qui souffrent aujourd’hui encore pour nous. Ce projet est une nécessaire reconnaissance après le sacrifice d’un million de soviétiques venus nettoyer le site » explique le metteur en scène, hanté par Tchernobyl, depuis qu’il a découvert le livre de Svetlana Alexievitch « La supplication ».
Depuis quelques mois, le projet avance.
Au-delà des comédiens de la Compagnie Brut-de-Béton, des acteurs russes, biélorusses, ukrainiens, japonais…des musiciens.
Intitulé « La diagonale de Tchernobyl », le spectaclelautour de "La supplication" traverserait l’Europe .Il mêlerait théâtre, musique, photographies, expositions…Une véritable caravane de Barcelone à Berlin, en passant par Clermont-Ferrand, Gomel, Kiev, …et Tchernobyl.
« Comme il y a eu un avant et un après Tchernobyl, il y a eu un avant et un après « La supplication »dit Bruno Boussagol. Avant, c’étaient les chiffres terribles et froids, le nombre des victimes, les pourcentages de radiations, les km2 de zone irradiée, les curies et les rems. Rien en fait qui ne permette de comprendre la tragédie humaine. Puis est venu le livre. Un recueil de témoignages poignants, de vies bries brisées et la mélopée lancinante d’un mal invisible qui vient aussi imperceptiblement qu’atrocement transformer le quotidien et inventer ce qui n’existait pas encore : l’homme post-nucléaire. Presque tous ceux qui ont témoigné dans le livre de Svetlana Alexievitch sont morts aujourd’hui mais, dit-il, nous n’en finirons jamais de jouer Elena, le scientifique, le permanent du PC, la mère d’un enfant né difforme… »
A suivre…
Et, en attendant, à lire: « La supplication » de Svetlana Alexievitch.