J’ai découvert Svetlana Alexievitch parce qu’une amie comédienne jouait « Elena ou la mémoire du futur »(mise en scène de Bruno Boussagol à partir du prologue de « La supplication »).
Journaliste née en Ukraine en 1948, Svetlana Alexievitch a consacré sa vie, quitte à vivre en exil, pour retrouver et interroger avec douceur mais avec rigueur les mémoires saccagées, notamment des femmes, mais aussi des hommes, de ce qui fut l’Union Soviétique. En bielo-russie, on lui a fait un procès pour découragement et pour clamer que ses écrits sont néfastes au redressement national. Loukatchenko, le président, l’accuse d’être un agent de la CIA. Alors elle vit aujourd’hui en exil à Paris et retourne , quand elle le peut, à ses risques et périls, dans son pays pour retrouver sa fille et son père.
« Nous n’avons pas le choix, dit-elle. Soit nous ferons preuve de courage et apprendrons toute la vérité sur nous-mêmes, soit nous resterons à croupir dans les oubliettes de l’Histoire. »
Et sa démarche , littéraire, repose sur cette méthode : le portrait par le témoignage, la révélation par l’écoute.
-Elle a donc rencontré les femmes qui ont vu leurs fils partir pour une guerre en Afghanistan et en revenir soudés dans des « Des cercueils de Zinc »
-Pendant trois ans, elle a écouté les voix, inouïes, de ceux qui ont vécu l’apocalypse de Tchernobyl et a écrit « La supplication », un livre à l’authenticité et à la portée poignantes.
Elle y a rencontré de jeunes épousées, comme Elena, qui ont vu leur mari se consumer en quelques jours, parce qu’ils n’avaient que leurs mains pour tenter de colmater l’explosion . Ce livre, publié dans dix-huit pays, reste interdit en Biélorussie où les autorités s’acharnent encore à dissimuler la vérité sur la catastrophe. Importé de Russie par des amis de l’auteur, il circule là-bas clandestinement.
-Dans « La guerre n’a pas un visage de femme » elle a mené son projet de constituer la mémoire subjective et encore si souvent cachée de ces femmes russes qui, durant la Seconde Guerre Mondiale, furent soldats, pilotes, conductrices de chars, démineuses, chirurgiens, infirmières, ambulancières, chefs de division.
« La supplication », « La guerre n’a pas un visage de femme », « Cercueils de zinc »…Des textes de Svelana Alexievitch qui, lorsqu’on les a lus, sont incrustés en vous comme au fer rouge.