Réalisé par Stéphane Brizé
avec Patrick Chesnais, , Anne Consigny, Georges Wilson.
Le point de départ du film :
Pour son réalisateur, « Ce film est parti de l'envie toute simple d'observer un homme absolument incapable d'exprimer ou de recevoir la moindre émotion à un moment de fragilité de sa vie. 50 ans, Jean-Claude sent inconsciemment qu'il est l'heure de sa dernière chance pour réussir à construire affectivement quelque chose. Lui comme certains autres personnages du film se retrouvent face à un choix. Un choix qui engagera leur vie future.
Des personnages, jeunes et moins jeunes, à qui on n'a pas appris à aimer ou à être aimé…et ça va souvent de pair. Voici d'ailleurs la problématique fondamentale autour de laquelle a été construit le film. D'où le titre en forme de revendication dont on doit entendre le contraire de ce qu'il signifie. Résultat de toutes ces carences et de ces traumatismes, des gens qui se ratent, des gens qui souffrent, des gens étouffés par les regrets à la fin de leur vie, des gens qui voudraient dire ce qu'ils ont sur le cœur mais qui ne le peuvent pas ou qui ne savent pas le faire. Il suffit pourtant souvent de presque rien pour dénouer tout cela… J’observe les raisons invisibles qui les amènent à agir d'une manière ou d'une autre, laissant apparaître le paradoxe de certaines de leurs décisions qui vont parfois à l'encontre de leurs désirs propres. »
L’homme, c’est Jean Claude Delsart (Patrick Chesnais, en état de grâce, omniprésent dans son rôle d'huissier imperturbable, toujours dans la simplicité, l'économie de geste. "Je ne suis pas là pour être aimé", lui offre un rôle sur mesure). La cinquantaine, le coeur et le sourire fatigués, il a depuis longtemps abandonné l'idée que la vie pouvait lui offrir des cadeaux. Solitaire, sans enthousiasme pour son travail, sa vie est rythmée par les visites qu’il est le seul à rendre encore à un père acariâtre (magistral George Wilson qui, à mon humble avis, car il m’a été donné de le rencontrer, ne fait pas vraiment une performance d’acteur mais se montre tel qu’il est réellement : patriarche, père râleur et pudique.)
Sous les conseils de son médecin qui lui préconise de se mettre à un peu d’exercice, Jean Claude Delsart s'autorise à pousser la porte d'un cours de tango qu’il regarde parfois, de loin, de la fenêtre de son bureau...
La femme, c’est Anne Consigny : ni apprêtée, ni sophistiquée, tout simplement lumineuse, belle, juste, effacée mais présente.
... Le réalisateur se souvient : "Dès les premières mesures, avec une évidence incroyable, le couple existait. Ils ne connaissaient pas un pas de tango et je savais pourtant que c'était eux. Le lien invisible qui existe entre Jean-Claude et Françoise est le coeur absolu de mon film. Et si je mettais en présence deux comédiens qui n'avaient rien à faire l'un avec l'autre, je pouvais écrire toutes les scènes de trouble que je voulais, s'il n'y avait pas la chimie, ça n'aurait servi à rien. Et là, entre Anne et Patrick, ça marchait."
Patrick Chesnais et Anne Consigny ne dansaient pas un pas le tango au début de la préparation du film. Quelques mois avant le tournage, les deux comédiens se sont donc retrouvés plusieurs fois par semaine avec une coach pour prendre des cours particuliers.
Déjà remarqué à ses débuts pour " Le bleu des villes ", Brizé signe un deuxième long-métrage délicat, émouvant, mélancolique,aussi modeste que réussi. Intimiste, profondément attachant par sa justesse de ton, son étude du quotidien.
Ce film est sans prétention : sans intrigue ni coup de théâtre il dispense, malgré un déroulement un peu prévisible, un petit bonheur intense. Cette histoire d'amour qui se développe au son sensuel et fascinant du tango… Ces êtres en quête d'un bonheur qu'ils espèrent mais n'attendent plus… filmés simplement au ras de leurs émotions. C’est frais, tendre et, parfois, drôle…Les scènes sont structurées autour des silences, marquant le choc et l’attirance des timidités.