News : Le code, le Nobel et les pirates

Le nouveau roman de Gabriel Garcia-Marquez sort la semaine prochaine, en espagnol, mais il est tellement piraté que l'éditeur se tâte pour le sortir en avance sur le programme. C'est qu'on ne sort pas un Nobel comme cela : il faut tout faire pour gagner plein de pognon avec. Donc, l'éditeur a préparé des tas de livres qu'il tient cachés, aux frais des futurs lecteurs qui paieront le stockage en plus du prix du roman.

Mais pendant ce temps, les petits malins l'ont sorti, le dernier Garcia-Marquez (il devait en circuler quelques exemplaires, dans la presse t chez les traducteurs). on le trouve à Bogota. Essayez d'en trouver un exemplaire, vos petits-enfants vous remercieront de ce bel investissement.
Le pirate est destiné à prendre une valeur insensée car sa fin n'est pas la bonne : Garcia Marquez l'aurait remaniée entre temps. Je gage que d'ici deux ans, on déclarera à tous les vents que la fin « provisoire » était la meilleure. Dans la Pléïade, on trouvera les deux, c'est sûr.
Si ça se trouve, le roman pirate n'est même pas de Garcia-Marquez. Ce serait d'ailleurs un genre littéraire à inventer : les réécritures pirates d'œuvres contemporaines. On découvrirait que les bons auteurs ne sont pas les meilleurs ! C'est d'ailleurs un danger qui guette tous les auteurs d'aujourd'hui, avec leur recours systématique à la négritude littéraire : leurs œuvres ne sont plus leurs. Leur légitimité est sérieusement entamée. En plus, cela introduirait une saine concurrence dans le marché du livre.

La concurrence n'est pas le problème de Garcia-Marquez qui nous fait bien de l'honneur en nous livrant un roman. Il n'était pas obligé.

Les Colombiens nous font bien de l'honneur en ayant un auteur de l'envergure de Gabriel Garcia-Marquez à nous offrir. Nous, Français, avec toute notre culture multiséculaire, n'en avons pas. Mais comme dit le site de la BBC : « Book piracy is common in Colombia, where many best-sellers are illegally copied and sold on the street » (la piraterie de livres est banale en Colombie, où les best-sellers sont copiés en douce et vendus dans la rue). Sacré pays où les livres ont tant de succès qu'on en copie le contenu ! Ici, ils encombrent les bacs des soldeurs.
http://www.liberation.fr/page.php?Article=246615
http://www.liberation.fr/page.php?Article=247897
http://news.bbc.co.uk/2/hi/americas/3745484.stm

En attendant qu'on le traduise vite fait mal fait, et qu'on le colle sur les tablées entre le Da Vinci Code et les Mémoires de Clinton, autres best-sellers programmés et piratés, on peut lire Laxness, prix Nobel de littérature en 1955 et écrivain autrement passionnant que Garcia Marquez, mais moins médiatique. J'ai bien piraté une de ses nouvelles dans une revue suisse, une fois, personne n'en a jamais voulu de copie.

Moins émouvant, mais tout aussi intéressant, le Da Vinci Code est l'un des livres les plus piratés du monde. Selon radio-Canada :
« Cinq contrefaçons pour 10 originaux
Fait révélateur : tiré à deux millions d'exemplaires, moins de 600 000 exemplaires ont été vendus en Amérique latine. "Chaque fois que nous vendons 10 éditions originales, cinq ou six contrefaçons sont vendues illégalement", précise Larisa Curiel. »
Larisa Curiel est directrice commerciale des Éditions Umbriel-Urano au Mexique
http://www.radio-canada.ca/culture/modele-document.asp?section=livres&idEntite=2317&idregion=

Décidément, l'avenir de la littérature se fera loin des circuits commerciaux.

Dépêche AOL aujourd'hui retirée de la consultation.

13 octobre, 09h09
Le "Da Vinci Code", best-seller de la piraterie en Amérique latine
par Surya PALACIOS

Les pirates latinoaméricains ont décrypté à leur manière le "Codigo Da Vinci", de l'Américain Dan Brown: les reproductions illégales du best-seller fleurissent au marché noir et les éditeurs et libraires, impuissants, comptent les ventes manquées.
L'ouvrage polémique est "le livre le plus piraté de la récente histoire de l'édition internationale", réduisant à néant les espoirs de la maison d'édition Umbriel, qui a acquis les droits pour le commercialiser en Amérique latine, a confié à l'AFP Larisa Curiel, la directrice commerciale des Editions Umbriel-Urano au Mexique.
Sur les trottoirs de Mexico, la copie -d'une excellente qualité- est en vente pour 100 pesos (un peu plus de 7 euros) et n'est jamais en rupture de stock. En librairie, il coûte presque trois fois plus cher, 285 pesoseuros).
Depuis mars 2003, quinze millions d'exemplaires ont été vendus à travers le monde, dont 1,5 million en espagnol.
Tiré à deux millions d'exemplaires, moins de 600.000 exemplaires ont été vendus en Amérique latine.
"Chaque fois que nous vendons 10 éditions originales, cinq ou six contrefaçons sont vendues illégalement", précise Larisa Curiel.
L'ouvrage s'est heurté à de vives critiques de l'Eglise catholiques et de la franc-maçonnerie, il a même été interdit dans certains pays.
Ce roman prétend par exemple que Marie-Madeleine et Jésus, issus de sang royal, furent mariés et eurent une descendance. Léonard de Vinci aurait appartenu à la confrérie en question et aurait truffé ses peintures d'indices en ce sens.
La polémique qui a accompagné le "Codigo Da Vinci" a finalement servi sa promotion. "Cela ne fait que doper les ventes, des éditions pirates également; c'est la même chose avec le second livre de Dan Brown en espagnol: Angeles y Demonios" (Anges et démons), souligne Larisa Curiel.
Avec le temps, les pirates de l'édition gagnent en efficacité. La version contrefaite de "Da Vinci Code" était apparue deux mois après la sortie officielle, alors qu'il n'a fallu qu'une semaine pour que le deuxième ouvrage de Dan Brown traduit en espagnol "Angeles y demonios" (Anges et démons) commence à être vendu sur le marché parallèle.
A l'exception des livres de Brown, on considère qu'environ 17 millions de titres sont piratés chaque année au Mexique, soit 15% de la production éditoriale du pays.
En Espagne et en Amérique latine, on photocopie annuellement 50 milliards de pages protégées par les droits d'auteur, soit une perte de de plus de 500 millions d'euros, selon une estimation récente.
L'intrigue rocambolesque de "Da Vinci Code" commence au Louvre dans la Grande Galerie de l'aile Denon, consacrée à la peinture italienne, où l'on découvre un soir le cadavre nu du conservateur en chef du département des peintures, tué par un moine albinos.
Or la victime était un des grands maîtres du Prieuré de Sion, improbable société secrète, adoratrice de Marie-Madeleine et détentrice de documents susceptibles de remettre en cause certains dogmes des pères de l'Eglise.
L'ouvrage devrait être porté prochainement à l'écran, avec l'acteur américain Russel Crowe dans le rôle principal.

Bidouille a écrit:

Au fait merci pour le tuyau, j'ai reçu sans problème la saga des fiers à bras. Je n'ai plus le temps de lire en ce moment :grrr: mais il est en attente

De rien. Heureux d'avoir rendu ce service à propos de mon écrivain fétiche.

Faut lire la Saga en février dans une maison pas chauffée. Ça aide.

Fulmi a écrit:

Mais pendant ce temps, les petits malins l'ont sorti, le dernier Garcia-Marquez (il devait en circuler quelques exemplaires, dans la presse t chez les traducteurs). on le trouve à Bogota. Essayez d'en trouver un exemplaire, vos petits-enfants vous remercieront de ce bel investissement.
Le pirate est destiné à prendre une valeur insensée car sa fin n'est pas la bonne : Garcia Marquez l'aurait remaniée entre temps.

Je vais oser une question nouillarde: comment fait-on pour pirater un livre qui n'est pas paru?

Dona a écrit:

Je vais oser une question nouillarde: comment fait-on pour pirater un livre qui n'est pas paru?

On « négocie ».

De fait, selon Libé, ce matin, le nouveau Garcia-Marquez est sorti avec quelques jours d'avance car, à quoi cela servirait-il d'être vieux, riche et célèbre si ce n'est pas pour gagner de l'argent ?

« Un million d'exemplaires ont été lancés à la vente, mercredi, dans le monde hispanophone » dit Libé (je me demande pourquoi Libé lance à la vente, au lieu de proposer à la vente, mais c'est une autre histoire). En Colombie, toujours selon libé, 8000 exemplaires auraient été vendus le premier après-midi.

Le roman narrerait la fascination d'un nonagénaire pour une jeune prostituée. Le roman serait en cours de traduction en français. Il est attendu sur le marché début 2005.

Pour ma part, je gage qu'on dira d'abord qu'il est génial, puis, après quelques années on admettra du bout des lèvres qu'il est loin d'être le meilleur de Garcia-Marquez.

Bon, cela fait plutôt plaisir d'apprendre que le livre puisse être objet de contrebande.