Petite rue piétonne un jour de grand marché,
Promeneurs et chineurs musardent sans chercher
Les rues portent ces noms de nos anciens métiers
Rue Chai des Farines et rue des Minotiers.
Au milieu des rumeurs des rues endimanchées
Une enseigne rouillée grince au mur accrochée
Comme pour appeler les âmes au grenier
Dans la grande boutique de l'ancien chiffonnier.
J'ai senti cet appel des beaux meubles d'antan
Et en poussant la porte j'ai arrêté le temps.
La pièce était très sombre et sentait la lavande
Vieillie par les années aux armoires normandes.
Au fond de la boutique un vieil homme voûté
D'un ton à peine audible tant sa voix tremblotait
Me dit dans un sourire l'oeil pétillant d'émoi
« Ici les vieilleries sont plus jeunes que moi »
Fouillez ma chère enfant dans mes tiroirs secrets
Et faites souvenirs des ces objets sacrés
Prenez tout votre temps le mien n'est plus compté
A l'horloge du coeur l'aiguille est arrêtée.
Chacun de ses tiroirs j'ai ouvert tour à tour
Entre chiffons et lins, habits et beaux atours
J'ai cru me retrouver dans un rêve oublié
Parfait Ali Baba, un trésor à ses pieds.
Les yeux écarquillés les mains à fureter
Je sentais ce destin qu'il ne faut pas rater
Et j'ai ouvert enfin cet étonnant tiroir
Dans l'armoire du fond derrière le miroir.
Un livre enluminé tout couvert de poussière
Une larme a coulé battement de paupières,
Les pages étaient fanées par le temps les années
Mais je l'ai reconnu il m'était destiné.
Il m'avait appelée du fond de la ruelle
Je savais à présent pourquoi j'avais suivi
Ces pages doucement me devenaient réelles
Il était simplement l'histoire de ma vie.
J'ai posé cet ouvrage sur le bord d'une table
Je me suis retournée pour demander le prix
Le vieil homme voûté m'a dit d'un ton aimable
Je vous en fais cadeau la vie n'a pas de prix.