Alejandro, il y a quelques temps, avait ouvert un fil sur Nancy Huston et notamment sur son livre "Les professeurs de désespoir"...Je n'ai pas commencé par celui-ci mais par "La Virevolte".
Le lecteur (moi, en tout cas) ne peut s’empêcher de se demander, à la lecture d’un roman aussi fort que « La Virevolte », quel est le lien qui unit l’auteur à ses personnages. Le sujet en est si dérangeant, si troublant.
Il s’agit d’une belle réflexion sur les femmes qui se sentent un jour frustrées dans leur vie car leur rôle de mère prend une large place comparé à leur vie personnelle, à leurs passions, souvent éclipsées.
Nancy Huston, l’auteur, dit de son livre : « La Virevolte, un livre difficile, beaucoup plus court et qui m'a pris cependant deux fois plus de temps à écrire que les précédents »
La clé est peut-être dans cette interview donnée à Lire :
« Lire -La catastrophe, c'est votre mère qui s'en va pour vivre sa vie quand vous avez six ans. Avez-vous gardé des relations avec elle?
-N.H. Je ne la vois plus depuis longtemps, nos relations étaient strictement civiles et cela ne m'intéressait pas d'avoir des relations civiles avec ma mère. Je n'ai commencé à mesurer la perte que lorsque je suis devenue mère. Comment a-t-elle pu couper le lien avec trois enfants: mon frère, ma sœur et moi? C'est devenu de plus en plus opaque; en tout cas, c'est une chose qui ne se répare pas.
-Lire:Elle s'est vraiment volatilisée du jour au lendemain?
-N.H. Oui, elle a fondé une autre famille. Nous ne vivions plus dans le même pays. Mon père s'est installé aux Etats-Unis avec sa nouvelle femme. Le lien que j'avais, petite, avec ma mère était un lien d'absence, exclusivement nourri d'imaginaire et d'évocations à travers ses lettres, ses mots. J'en parle dans Nord perdu... C'est pour cela que je suis devenue écrivain, parce qu'il y avait dans ma vie quelque chose d'incompréhensible qui requérait un immense et perpétuel effort d'imagination pour tenter de le comprendre. Dans La virevolte, je me suis efforcée de me mettre à la place d'une mère qui abandonne ses enfants. Ecrire permet de tout voir en face... »
Alors, dans ce livre Nancy Huston raconte l’histoire de Lin, danseuse de ballet, chorégraphe, professeur de danse et mère de deux petites filles
Et son histoire se divise en deux parties.
Dans la première partie, « La soliste », on ressent le bonheur de Lin, son émerveillement face à sa première fille Angela, puis ses difficultés face à sa cadette, Marina, qui dès sa naissance la déconcerte. On ressent aussi la tendre complicité qui l’unit à son mari Derek. Nancy Huston évoque également ses amitiés, ses relations avec son père et sa belle-mère…
... Et puis, on sent, presque insensiblement, que les choses se mettent à changer, que Lin a besoin d'autre chose. Qu’elle balance constamment entre l'amour qu'elle porte à ses filles et la passion qu'elle a pour son art.
...Un jour, elle choisit… elle abandonne les deux enfants et leur père.
Dans la seconde partie, « La compagnie », Lin dirige un ballet à Mexico.
A aucun moment, l’auteur ne juge cette mère qui pourrait paraître indigne dès lors qu’on mesure combien chacun est fracassé, déchiré par cette séparation …Lin elle-même qui pourtant a fait ce choix.
Et malgré le drame, Nancy Huston ne sombre pas dans le pathos. La vie continue…difficilement ...mais avec ses peines et ses joies.