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| pour faire comme Vilain... | |
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Invité Invité
| Sujet: pour faire comme Vilain... Jeu 28 Oct - 1:01 | |
| C’est peut-être la Toussaint qui me fait repenser à ça… Je jouais, avec mes frères et mes cousins, dans la cour de ma Mémé Benoîte qui possédait une descente vertigineuse. Les garçons, des casse-cous, s’y laissaient descendre à toute vitesse à bord de leurs voitures à pédales. Le grand jardin allait ainsi en pente jusqu’à un petit ruisseau appelé le Soleillant. Dans ce jardin, je me souviens d’un noisetier : nous étions toujours très impatients de cueillir les noisettes et Mémé Benoîte nous grondait car elle voulait les faire sécher. Elle avait raison, nous le savions bien, car elle nous régalait plus tard de poignées de noisettes séchées que nous mangions avec du pain beurré pour notre goûter, et il n’y avait rien de plus délicieux…ou alors juste ses chaussons à la pomme…et puis aussi sa pâte de coing… Le grand jardin fut longtemps notre ère de jeux, du temps où mes parents habitaient « en ville », rue de "la Font-qui-pleut". Quelques années après la mort de mon grand-père, mes parents ont fait construire une grande maison à l’emplacement de ce jardin, après avoir fait remblayer l’extraordinaire descente au Soleillant. Nous habitions désormais tout à côté de ma mémé Benoîte, et nous passions sans cesse de sa maison à la nôtre. Je la trouvais belle et élégante, ma mémé Benoîte. Elle avait de magnifiques yeux bleus et se parait d’étoles en fourrure impressionnantes. Je dis « impressionnantes » car elles étaient de belle taille, enveloppant largement ses épaules et ses bras, mais aussi parce que j’en avais un peu peur d’autant que parfois il y avait même la tête de l’animal aux extrémités ! Mémé Benoîte élevait des poules qu’elle attrapait et tuait elle-même avant de les plumer et de les cuisiner quand elle réunissait sa grande famille…Et aussi des lapins : nous leur donnions à manger et un jour nous les retrouvions pendus par les pattes , déshabillés de leur fourrure par Mémé en tablier, les manches retroussées et les mains baignées de sang… Est-ce là l’origine de mon dégoût pour la viande ? Je ne sais …En tout cas, ce sont d’horribles souvenirs bien ancrés dans ma mémoire…Je l’aimais pourtant et je l’admirais ma Mémé Benoîte. Maman et elle, tout en tricotant, avaient coutume de chanter… Je redemandais toujours à entendre « Les roses blanches » sachant bien pourtant que cela allait me faire pleurer… Je me souviens avoir souvent tendu en avant mes deux bras face à l’une d’elles afin qu’elle puisse y enrouler de la laine : celle d’un pull qui était devenu trop petit, « détricotée » avant d’être ensuite réutilisée… Nostalgie… |
| | | Croustine Vocabulivore émerite
Nombre de messages : 2275 Localisation : 45°46/4°50 Date d'inscription : 15/10/2004
| | | | Invité Invité
| | | | Clair Obscur Clavieriste confirmé(e)
Nombre de messages : 1737 Localisation : Nulle part ailleurs Date d'inscription : 21/10/2004
| Sujet: Re: pour faire comme Vilain... Jeu 28 Oct - 1:50 | |
| Coline, tu réveilles en moi plein de souvenirs, bouffées d'enfance.
Ma mère avait quitté son Sud-Ouest natal pour Paris et sa banlieue et c'est là que je suis née, loin de mes racines profondes et toujours restées ancrées profondément par-delà le temps. Pour les vacances, je descendais dans la ferme de ma Tante, dans le Gers, et je me souviens de ces jours heureux, ensoleillés, orageux parfois. J'y ai découvert le ciel, d'abord. Le ciel et les nuages ; on pouvait donner des formes aux nuages et c'est devenu un jeu auquel je me livre encore, tant d'années après. Un plaisir extraordinaire : pisser dehors, le soir, avant de fermer les volets et la porte. En rang d'oignons, ma tante, ma cousine et moi. On faisait même durer le plaisir en regardant les étoiles et en nous exclamant sur des riens... Avec ma terrible cousine (je dis terrible, car elle était délurée alors que j'avais un fond très réservé à l'époque), nous pratiquions la chasse aux plumes, à nos heures perdues, et bien évidemment à l'insu des adultes... enfin, c'est ce qu'on croyait. Je vous explique : on s'arrangeait pour guider les coqs vers un hangar fermé, on refermait soigneusement la porte derrière nous, on attrappait la bestiole en question et pendant que l'une de nous chantait à tue tête (pour tromper l'ennemi adulte), l'autre choisissait tranquillement les plumes les plus jolies sur le derrière et sur le cou, et les arrachait à vif. Ben oui, je sais, c'est pas sympa, mais l'enfance est cruelle parfois... Quand on avait un beau butin, on étalait tout ça et on partageait consciencieusement, par longueur et catégorie de plumes. Si je vous disais que j'ai conservé ce petit sac en papier rempli de ces trésors, me croiriez vous ? Nous allions garder les vaches. Grand moment ! Nous avions notre préférée, Ciboulette, et je luis grattais le derrière avec un bâton (elle adorait, la salope !), pour la remercier de porter notre fourbi. Alors le fourbi, ben y'en avait ! C'est qu'il fallait tenir tout l'après-midi, dans le pré du bas, là-bas, à droite au fond ! De quoi déterrer les taupes (je n'ai jamais réussi à en trouver une, elles savent se planquer, c'est moi qui vous le dis !), de quoi confectionner des hamacs (pour cela, on chipait toutes les ficelles possibles, mais y'en avait jamais assez, on passait toujours au travers des trous) de quoi se faire des parcours avec des obstacles, de quoi goûter... elle était sympa, la Ciboulette. J'ai appris bien des années après qu'elle avait fini par mourir, j'aurais du m'y préparer avant car figurez vous que je l'ai su alors que j'étais adulte, ben ça m'a flanqué un coup ! J'adorais les cochons (vi, déjà !) sauf qu'ils n'appréciaient pas trop quand je leur titillais le groin avec la pointe d'une plume, pour voir s'ils éternuaient. Pêche à la ligne. Ah ! magnifique ! Magnifiques entortillement du fil dans les branches d'arbre, je veux dire. On y passait des heures et des heures, sans rien prendre d'autre que trois glands qui nous tombaient sur le coin du nez, vu notre adresse. Il y avait aussi le maïs. J'aimais aller aider à castrer le maïs, comme j'aimais aller faucher la luzerne pour les lapins. Sauf que j'aimais pas quand il prenait à un lapin de me mordre, et comme je fourrais toujours mes doigts dans le grillage du clapier "pour voir"... Ramasser les oeufs était un plaisir tout simple. Mais aussi traire les vaches. A l'époque, on faisait ça à la main, c'était la vraie traite, sur le tabouret avec un seau et l'odeur riche et chaude de l'étable. Rassurante. Je me souviens avoir raflé vache qui rit par vache qui rit, sauf qu'à force, ça se voyait qu'il en disparaissait dans le frigo. On allait les manger tout en haut des bottes de paille, la cousine et moi. Mais le pire, c'était la liqueur de banane qu'on avait trouvé au fond du placard de la salle à manger et qu'on se sifflait pendant la sieste, en se disant "ça se verra pas". Au bout de deux mois, quand même... ça a fini par se voir... et bon... vu que c'était pas ma tante, ni mon parrain, ni la femme de mon parrain et que nous n'étions que deux morpionnes là... ben il a fallu essuyer l'engueulade et prendre un air contrit... Je me souviens de l'odeur du couloir et des chambres, des édredons en plume d'oie, des murs épais, de la fraîcheur dans la ferme, du lustre qui a tremblé un jour où on a senti la terre bouger, je me souviens des histoires de préférence effrayantes qu'on se racontait toutes les deux avant de ne plus pouvoir s'endormir, du coup... Je me souviens quand nous montions sur le tracteur ou sur la remorque. Les coureurs de formule 1 en pâliraient de jalousie, de cette jouissance là. On allait doucement, ça cahotait sur les chemins et dans les champs, fallait se cramponner où on pouvait pour ne pas glisser. Je me souviens des grandes tablées, des pâtisseries maison, du boudin avec des gros bouts de gras dedans, délicieux, comme de la sanquette que l'on faisait cuire quand on avait tué une poule. Ah, pi y'avait les dindons. Bon sang, je les aimais pas, ceux là ! Ils étaient presque aussi grands que moi, les bougres ! Et culottés, avec ça. Je me contentais de faire de graaaaaaaaands détours pour les éviter. Je me suis fait des ventrées de prunes mûres à point, de figues, de noisettes, de mûres et j'en profitais, j'en profitais... au point de me ruer vers le cabanon, à l'autre bout de la cour, celui qui a un trône en bois avec un couvercle grossier, vous savez, et puis des feuilles de journaux pas très pratiques... C'était le bon temps, le temps des vacances, le temps de l'enfance... | |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: pour faire comme Vilain... Jeu 28 Oct - 1:54 | |
| :lol: :lol: :lol: Bravo Clair Obscur!... |
| | | Clair Obscur Clavieriste confirmé(e)
Nombre de messages : 1737 Localisation : Nulle part ailleurs Date d'inscription : 21/10/2004
| Sujet: Re: pour faire comme Vilain... Jeu 28 Oct - 2:03 | |
| Autre souvenir très précieux :
7 RUE SAINT FLORENTIN (Haute couture et paillettes dans le cœur de l’enfance)
Les petites mains se sont activées pendant plusieurs mois, en dehors des heures de travail. Le midi, au moment des repas, les gamelles ont été rapidement vidées, puis les tables débarrassées. C’est qu’il leur en a fallu, de la place ! Et de l’imagination, donc ! Tout est prêt, maintenant. Chaque atelier, protégeant jalousement son secret, attend l’ouverture officielle. La foule se bouscule dehors. Aujourd’hui n’est pas un jour comme les autres ; je vous invite à entrer dans le monde si particulier de la Haute Couture. A Paris, 7 rue Saint Florentin, ce jour du 25 Novembre fête la Sainte Catherine, chez Jean Patou. Les portes s’ouvrent toutes en même temps. C’est tout simplement féérique. L’on ne peut imaginer à quoi ressemble le quotidien des ateliers complètement transformés pour la circonstance. Les invités vont et viennent d’un atelier à l’autre. la presse fait jaillir ses micros et ses flashes. Il y en aura pour tout le monde. Ici, une scène est totalement reconstituée pour les Beatles qui donnent un concert plus vrai que nature. Là, c’est un harem. Le pacha et ses épouses, magnifiques. L’une d’entre elles danse, lascive, superbe, sur la musique orientale. Elle entreprend un lent strip tease. Les spectateurs, médusés, se demandent si elle osera aller jusqu’au bout. Lorsqu’elle dégrafe son soutien-gorge, les souffles se suspendent. Un homme, messieurs, oui un homme se cachait sous les drapés soyeux et le fin maquillage savamment peint ! Ailleurs, deux équipes de foot se disputent un match endiablé, sur le gazon improvisé. Ailleurs encore, nous entrons dans l’enceinte d’un tribunal. Le juge écoute, attentif, la déposition de ce jeune couple en procès contre une vieille dame. C’est qu’ils s’embrassaient avec tant de fougue, à l’arrière du taxi, que la vieille dame, troublée, en a perdu les pédales. Du choc, la jeune femme s’est vu un petit bout de langue déchiqueté par les dents de son amoureux… Il y a aussi Dudule et Bébelle, sous la magie des ombres chinoises. Dudule part s’acheter des cigarettes, Bébelle se pomponne dans sa salle de bains et s’épile tranquillement, mais finit par s’inquiéter du non retour de son Dudule ! Dans “ notre atelier ”, nous voilà propulsés dans une station de métro. La rame est entièrement reconstituée, les portes coulissent, les sièges et les strapontins accueillent les passagers tous aussi différents les uns que les autres. Mon plombier de mère, en bleu de travail, une fine moustache sous le nez, la sacoche en bandoulière, titube sous l’effet de l’alcool et ira semer la zizanie dans le wagon plein à craquer. Tiens… début du siècle dernier. Première voiture. Les roues, fabriquées avec des pièces de machines à coudre, supportent la carrosserie en carton peint. Toute la famille en tenue d’époque, y grimpe. Le chauffeur klaxonne, fait un appel de phares ; pour un peu, on s’attendrait à les voir nous filer sous le nez ! Le cirque bat son plein, avec ses singes, ses clowns, ses acrobates. Tintin et Milou recherchent, en compagnie des Dupont-Dupont et du Capitaine aux sourcils froncés, la momie qui détient le trésor. Astérix et Obélix se baladent avec Idéfix dans leur forêt magique… Tous s’en mettent plein les yeux. Rires, applaudissements, convivialité. Les Catherinettes exhibent leur chapeau somptueux dont je rêve encore ; les amoureux de Peynet, dans leur idyllique jardin, sous une tonnelle ou ailleurs… Le Grand Patron est là, bien sûr. Jovial. Avec ses cravates accrochées à la ceinture de son pantalon. Une nouvelle cravate vient chaque année, compléter la collection des années précédentes. Rite amusant, un peu fou, comme l’est cette journée. Plus tard, quand tout le monde aura visité chaque atelier, l’on ira se mélanger dans rue aux invités de St Laurent, Givenchy ou Dior et d’autres encore. Pour découvrir leurs trésors, leurs secrets, dans une fête commune. Il en restera une magie à vie, que l’on ne retrouve nulle part ailleurs. Et peut-être l’appel du théâtre, de ses costumes, de son éphémère, de son extraordinaire. | |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: pour faire comme Vilain... Jeu 28 Oct - 2:10 | |
| Merci de nous faire partager ces souvenirs qui ressemblent à des rêves... |
| | | Croustine Vocabulivore émerite
Nombre de messages : 2275 Localisation : 45°46/4°50 Date d'inscription : 15/10/2004
| Sujet: Re: pour faire comme Vilain... Jeu 28 Oct - 2:47 | |
| A mon tour
Je l’appelais Le Dad. Comme les autres. Sans savoir d’où venait, ce que signifiait ce surnom. Un vrai titre de patriarche, pourtant, mais je manquais singulièrement de culture anglo-saxonne. Il faut dire qu’à l’époque, on s’en passait bien… Lui m’appelait Princesse. Ou Nounours, à cause de mes poils sur les bras. Ou Sauterelle, à cause de mes grandes jambes. Ou autrement encore, suivant l’inspiration.
Le jeudi, je le guettais, la tête entre les barreaux de la grille du jardin. Enfin tant qu’elle passait, parce qu’un jour je suis restée coincée, et il a tellement ri qu’il a bien fallu que j’attende dix minutes qu’il se calme suffisamment pour arriver à me dégager. Le jeudi, donc, je le guettais et je l’entendais arriver. C’est pas qu’il était bruyant, son vélo grinçait à peine, mais les chiens du voisinages lui faisaient la fête à tour de rôle. Puis je le voyais, droit comme un I sur son vieux Peugeot, la casquette rivée sur le crâne, la pince à vélo maintenant impeccablement le pli de la jambe droite du pantalon, la cagette fixée au porte bagage, et dans la cagette, un paquet de bonbon ou un sachet de biscuits préparés par la Mum. Oui, la Mum, la femme du Dad. A prononcer avec un U, comme dans prune. Pas de culture anglo-saxone, je vous dis.
Le plus souvent, nous sortions aussitôt, à pied de préférence. Ma petite main bien calée dans la sienne, je l’écoutais raconter sa Machine. Parce que le Dad avait été cheminot, mécanicien d’une belle machine à vapeur. Il me disait : - Tu vois, Sauterelle, j’aurais eu deux femmes dans ma vie. La Mum, et ma Machine. Je ne sais toujours pas laquelle a été la plus capricieuse…
Ou alors, il marchait d’un pas calme, et moi, profitant de la liberté qu’il me laissait, je flânais sur le bord de la route, cueillant une boule de pissenlit, m’émerveillant d’un caillou. D’un coup, je réalisais qu’il était loin devant, j’allais pour le rattraper quand une, puis deux voisines sortaient sur leur palier, me criant dessus qu’elles en avaient marre de ces gones, qu’elles avaient autre chose à faire que de répondre à des coups de sonnettes inutiles… Je les regardais d’un air hébété, n’y comprenant rien, quand j’apercevais le Dad plié de rire dix mètres plus loin. Il adorait faire des " farces " d’un comique douteux et d’avant-guerre, et rien ne l’amusait plus que de tirer les sonnettes pour voir sa petite fille se faire engueuler.
Si, une fois, il a encore plus ri, et moi j’ai eu encore plus honte : Nous marchions sur un trottoir assez large, bordé de marronniers. Soudain, un sifflement admiratif me fait retourner. Un cycliste passe, me regarde l’air surpris et me dit : - Eh petite, tu es bien jeunette pour siffler les gars… Et le Dad ? Caché derrière un tronc, se bidonnant avec éclat. Effectivement, le cycliste n’avait vu que moi… et ignorait que je ne savait pas siffler !
Mais malgré ses farces dignes d’un troupier, j’adorais mes jeudis avec le Dad . Notre occupation préférée était d’aller " faire les bennes ". Nous trouvions des trésors parmi ces objets désaffectés. Le Dad s’offusquait : - Oh tu as vu ce que les gens jettent ! Et ça, beausaigne ! Mais ça peut encore servir ! Mais quelle merveille ! Et ça, c’est presque neuf… Les bras chargés, nous rentrions dans sa maison, directement dans le coin du garage où il avait aménagé son Atelier. Avec un grand A, oui, car c’était certainement pour lui la pièce la plus importante de sa maison. Si la Mum n’y avait mit le holà, sa maison entière serait devenue un gigantesque Atelier. Alors commençait un moment de magie. Avec quelques outils, de l’astuce et une dextérité stupéfiante, le Dad réparait, arrangeait et surtout créait. Une fourchette devenait une poupée punk avant la date, un bouchon de bouteille de sirop se transformait en pommeau de canne, que nous sculptions ensuite, une boîte en fer devenait coffre à bijoux…
En fin d’après-midi, le Dad me ramenait chez moi, mes trésors sous le bras.
Depuis, chaque fois que je vois le Taureau de Picasso ou un ready-made de Duchamp, je me dis que mon Dad, s’il avait su…. Eh bien ça l’aurait bien fait marrer qu’on le prenne pour un artiste !
Dernière édition par le Jeu 28 Oct - 11:39, édité 2 fois | |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: pour faire comme Vilain... Jeu 28 Oct - 2:56 | |
| C'est si plaisant à lire ces souvenirs d'enfance!... ( "Beausaigne", alors, ça s'écrit comme ça?...A ranger avec "cacabezon" ou "cacabesson" :lol: ) |
| | | Croustine Vocabulivore émerite
Nombre de messages : 2275 Localisation : 45°46/4°50 Date d'inscription : 15/10/2004
| | | | Clair Obscur Clavieriste confirmé(e)
Nombre de messages : 1737 Localisation : Nulle part ailleurs Date d'inscription : 21/10/2004
| Sujet: Re: pour faire comme Vilain... Jeu 28 Oct - 2:59 | |
| Croustine, Coline, c'est régalant, pour employer une expression qui fait frémir ici. Et puis je ne sais pas vous, mais en ce qui me concerne, ça m'apaise, de repenser à tout ça. Une trève dans notre vie de dingues... | |
| | | vilain Logorrhéique talonnesque
Nombre de messages : 924 Date d'inscription : 16/10/2004
| Sujet: Re: pour faire comme Vilain... Jeu 28 Oct - 8:36 | |
| Comme quoi, il suffit de vous pousser un peu..... Aller, un peu de courage, je suis sûr que nous avons tous au moins un beau souvenir à partager.... | |
| | | Croustine Vocabulivore émerite
Nombre de messages : 2275 Localisation : 45°46/4°50 Date d'inscription : 15/10/2004
| Sujet: Re: pour faire comme Vilain... Mer 3 Nov - 0:21 | |
| Gaby ! Ce nom résonne encore comme un éclat de rire. Gaby ! Qu'est-ce que je l'aimais ! Ses taches de rousseurs, sa silhouette dégingandée qui peinait à porter ce panier d'osier débordant de victuailles. Et son bagou ... Il connaissait tout le monde, Gaby, les gamins, les jeunes, les adultes, ils les connaissaient tous par leur petit nom, et aucun ne lui résistait. C'était une avalanche de jeux de mots dignes de Vermot. Et j'avalais ses paroles, anticipant ses mauvaises blagues de mon rire enfantin, plus nerveux qu'amusé. Il me disait : "méfies-toi, celui qui te fait rire, celui-là il t'aura !" en me fichant une bourrade dans le dos manquant de me déséquilibrer. Et moi il m'avait eu, je le suivais, tout l'après-midi, comme son ombre - et cela était d'autant plus méritant qu'il n'y en avait pas, de l'ombre, sous le cagnard de l'après-midi de juin. Je le suivais comme son chien, mieux qu'un chien, même, car je faisais sans cesse des allers-retours à la buvette pour le ravitailler en bière tiède dans un gobelet en plastique. Pour le retrouver, Gaby, je cherchais par-dessus la foule sa crinière orangée qui scintillait sous l'action conjuguée des rayons du soleil et des perles de sueur. Et je revenais me poster à côté de lui. Et j'attendais que Gaby me regarde, m'envoie un clin d'œil pétillant de complicité. Je le gobais des yeux. Et j'étais fière de lui. Il me disait qu'il était fier de moi aussi, que nous formions la meilleure équipe. On ne change pas une équipe qui gagne ! Quatre ans durant, Gaby et moi avons écumé la cour de l'école pour faire soupeser à tous - sans exception, craché juré - le lourd panier plein de jambons, rosettes et bouteilles de beaujolais. C'était bien évidemment le gros lot pour celui dont la main avait été la plus précise et qui s'était approché au plus près du poids exact. Quatre après-midi de kermesse où, près de Gaby, je n'étais plus de ce monde ... Je ne le voyais qu'un après-midi par an, mais je l'aimais.
La cinquième année, celle de ma sixième, je n’ai pas fais peser le panier. Gaby n'était plus là, je ne l’ai pas vu depuis. Et je ne suis plus retournée à la kermesse.
Gaby était le mari de mon institutrice de cours moyen.
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| | | Clair Obscur Clavieriste confirmé(e)
Nombre de messages : 1737 Localisation : Nulle part ailleurs Date d'inscription : 21/10/2004
| Sujet: Re: pour faire comme Vilain... Jeu 4 Nov - 3:07 | |
| Il paraît que j'avais deux ans ou quelque chose comme ça. Mes souvenirs les plus lointains remontent à cette époque, mais ne sont plus que des bribes chaotiques, des échancrures dans l'obscurité.
Nous étions fraîchement arrivées, Maman et moi, dans cette ferme du Berry que je ne connaissais pas encore. Une vaste construction toute en longueur. Une grande cour, devant. Enfin, si on peut appeler "cour" cet interminable dégagement depuis la route. Enfin, si on peut appeler "route" ce mince ruban goudronné... Quand on est petit, on voit tout en grand. En grandissant, tout rapetisse et semble vouloir réduire la mémoire...
Il y avait un homme et une femme, et bien sûr, des enfants. Plus âgés que moi. "Qui c'est la dame ?" ai-je demandé en je ne sais quel charabia. - Ma mère ! qu'ils m'ont répondu, les grands.
C'est ainsi que Mamaire est née. Je ne me suis pas posé cent questions. Elle s'appelait Mamaire, elle s'appelle, 47 ans plus tard Mamaire.
J'écarquillais les mirettes, parce que forcément, la ferme n'est pas comparable à la ville. Là, il s'agissait d'une vraie ferme, avec des vraies vaches, des vraies chèvres, des poules, des canards, des pintades, des lapins, des chiens, des chats, et de temps en temps, un taureau. Pour les vaches, le taureau. Je savais pas trop pourquoi, mais pour les vaches, ça, c'était sûr.
Là est née ma deuxième famille. Celle du coeur, sans attache de sang ni d'alliance. J'y suis descendue tous les deux ans, alternant avec ma vraie famille du Sud-Ouest, dans une autre ferme et d'autres villages.
Là est né mon premier amour. Il avait deux ans de plus que moi. Lorsque nous avons grandi un peu, nous avons commencé notre relation par de savantes batailles aux orties, au point qu'il fallait nous séparer. Nous séparer constamment, jusque dans la grande cuisine qu'il fallait couper en deux au moyen d'une longue ficelle. Une moitié pour lui, une moitié pour moi.
Je dormais dans sa chambre, qu'il me laissait pour la circonstance. C'était le temps des pots de chambre, le temps des rengaines, le temps des veillées à raconter des histoires, le temps des ogres et des sorcières. Tout se mélange dans ma mémoire ; les années, les âges... qu'importe, même dans le désordre, tout y est.
J'avais remarqué des inégalités, sur l'épaisseur des murs constituant la fenêtre de "ma chambre". J'ai su que ces petits poinçons, comme des trous ronds barbouillés de peinture, étaient la trace laissée par les Allemands, quand ils avaient occupé la ferme durant la seconde guerre mondiale : ils s'asseyaient là, le dos calé au mur, les pieds sur le mur d'en face. Leurs chaussures ont marqué leur passage. Ça me donnait froid dans le dos. Une espèce d'insécurité, d'obscurité, un tremblement à peine perceptible...
Mamaire roulait les R, elle les roule encore mais son regard a perdu un peu de sa vivacité. Elle disait "vouuuuiii !" et je me souviens de son tic, un petit claquement sec de la langue, quand elle s'énervait après la petite dernière, venue deux ans après moi.
Zaza ! C'était pas rien, Zaza ! Une morpionne qui n'avait peur de rien, espiègle, titilleuse et qui avait le don de m'énerver, quand nous n'étions plus complice, pour des raisons qu'il serait vain d'expliquer.... (à suivre) | |
| | | Clair Obscur Clavieriste confirmé(e)
Nombre de messages : 1737 Localisation : Nulle part ailleurs Date d'inscription : 21/10/2004
| Sujet: Re: pour faire comme Vilain... Jeu 4 Nov - 16:15 | |
| Zaza, elle portait des petites robes trop courtes mais surtout je ne sais pas comment elle se débrouillait, tout était toujours de travers. Toujours un pan de robe plus long d'un côté que de l'autre, quand il n'était pas carrément pris dans la culotte, les socquettes effondrées, les sandales inversées... elle allait, fière comme une reine, futée comme un renard, débusquer toutes les bêtises possibles. Elle avait le don de me faire tourner en bourrique. On se chipotait toujours, mais les réconciliations nous accordaient des trèves pour mieux nous asticoter quelques minutes plus tard. Elle prenait systématiquement le dessus, depuis toujours rôdée à ces petits jeux là, grâce à son frère et ses soeurs. N'empêche que j'apprenais vite. Au fil du temps, nous sommes devenues égales tant dans le rôle de l'ange que dans celui du diable.
Un jour de printemps frileux, nous avions décidé d'aller mirer notre reflet dans la mare des canards. Nous aurions pu faire plus simple et choisir la salle de bains. Mais nous aimions compliquer. Cette fois, nous avons échappé au pire. Ma Zaza passe donc la première, sur une des grosses pierres plates qui bordent la mare. Légère comme une mouche, elle se penche et s'admire, lorsque soudain, la pierre cède. Elles disparaissent ensemble dans un plouf sinistre... Sans réfléchir, je monte sur la pierre suivante et me penche à mon tour. Nous ne savions nager ni l'une ni l'autre. Et l'eau, glaciale... Quand soudain elle refait surface, ma main est déjà tendue. La sienne s'en empare et je la hisse de toutes mes forces. Dégoulinante, grelottante, ahurie mais salement soulagée... Je n'ai jamais compris pourquoi ce jour là j'ai pris l'engueulade de ma vie. Elle aussi, a reçu les foudres du ciel. Mais bon... moi... pourquoi !! Je lui avais tout de même sauvé la vie, à la morpionne ! L'injustice a montré son visage pour la première fois ; enfin, quoi, je la sors de là et on m'incendie... Ce n'est que bien plus tard que j'apprendrai que le soulagement des parents se traduit comme il peut.
Nous avions aussi des amusements plus drôles. Par exemple, pour éviter de couper les cheveux à une poupée et risquer de ce fait une autre engueulade, j'avais décidé qu'il serait plus sage de couper les cheveux de Zaza. Là, au moins, on ne risquait rien... Facile ; une paire de ciseaux, et hop ! hop ! hop ! en deux temps trois mouvements, les mèches sont tombées une à une... Allez donc comprendre, vous ! Moi, je renonce. Le jeu n'a pas obtenu l'unanimité, notamment au niveau des adultes... Pourtant, ça repousse, les cheveux de l'humain. Pas comme ceux des poupées ! J'y comprends rien...
Les jours de pâtisserie étaient jours de fête. La grande soeur s'activait avec les ingrédients, et nous, on touillait. Toujours dans le même sens, sinon, le gâteau est raté d'avance. Nous attendions surtout le moment béni du léchage du saladier. Il fallait pour la circonstance faire intervenir une tierce personne, laquelle devait avoir le compas dans l'oeil pour tracer un trait de telle sorte qu'une moitié devait ressembler à une vraie moitié, pour l'une, comme pour l'autre, attentives à la délicatesse de l'opération. S'ensuivait une longue inspection, une opération de vérifications en bonne et due forme. Chacune évaluait, puis il fallait choisir sa moitié. Nous ne trichions jamais et nos doigts de goûteuses ne se hasardaient pas au-delà de la frontière établie.
La grande toilette dans la lessiveuse, c'était quelque chose ! Pendant qu'on mettait l'eau à chauffer et qu'on préparait les divers ustensiles, quelqu'un se chargeait de boucher les fenêtres et de fermer les portes à clé. C'est que je ne tolérais aucune présence masculine dans les parages. Nous passions une annonce clamée haut et fort bien avant, et tant pis pour celui qui se retrouvait dehors sous une pluie battante pendant la séance grande toilette ! Aujourd'hui, on se souvient de tout cela avec attendrissement. C'était le bon temps, celui où les douches n'existaient pas, où les baignoires n'étaient pas encore arrivées dans ces coins reculés de la campagne...
Les années ont passé, se superposent, s'écrasent, mais ne s'oublient pas. Apprentissage de la vie, découvertes d'un autre monde, premiers émois, éclats de rire, espiègleries... C'était avant... | |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: pour faire comme Vilain... Ven 5 Nov - 0:26 | |
| - Croustine a écrit:
- Gaby ! Ce nom résonne encore comme un éclat de rire. Gaby !...
On ne peut lire cette histoire qu'avec un sourire attendri...ce sourire que l'on perd seulement aux dernières lignes...Merci Croustine. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: pour faire comme Vilain... Ven 5 Nov - 0:38 | |
| - Clair Obscur a écrit:
- ...
Les années ont passé, se superposent, s'écrasent, mais ne s'oublient pas. Apprentissage de la vie, découvertes d'un autre monde, premiers émois, éclats de rire, espiègleries... C'était avant... Oui, "les années ont passé"...et l'on se prend à aimer comme "c'était avant"... |
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| Sujet: Re: pour faire comme Vilain... | |
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| | | | pour faire comme Vilain... | |
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