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 Denise Duval, dans Libé, cette semaine.

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AuteurMessage
Fulmi
Prolixe infatigable
Fulmi


Nombre de messages : 5214
Age : 70
Date d'inscription : 16/10/2004

Denise Duval, dans Libé, cette semaine. Empty
MessageSujet: Denise Duval, dans Libé, cette semaine.   Denise Duval, dans Libé, cette semaine. EmptyMar 9 Nov - 14:17

Excellent interview de Denise Duval, créatrice des Dialogues des Carmélites et de la Voix humaine, de Poulenc, dans Libé, cette semaine.

http://www.liberation.fr/page.php?Article=251813&AG

Denise Duval, soprano et muse de Poulenc, raconte sa carrière sans tabou à l'occasion de la reprise des «Dialogues des Carmélites» à Bastille.
«J'ai détesté chanter, j'aurais tout lâché pour jouer Cocteau»

Par Eric DAHAN

samedi 06 novembre 2004 (Liberation - 06:00)

Dialogues des Carmélites
opéra en trois actes de Francis Poulenc. Texte de Georges Bernanos,
dir. Kent Nagano m.s. Francesca Zambello. Les 6, 9, 13, 17, 24
et 27 novembre à 19 h 30 et le 21
à 14 h 30 à l'Opéra Bastille. Loc. : 08 92 89 90 90 et www.operadeparis.fr
Denise Duval de Bruno Berenguer,
éd Symétrie, 240 pp., 30 €.

Elle fut une Mélisande et une Hérodiade d'exception mais, pour le monde entier, Denise Duval, c'est la Voix humaine de Poulenc et Cocteau, ou Blanche de la Force, la mystique des Dialogues des Carmélites. La publication, il y a quelques mois, d'une biographie signée Bruno Bérenguer et la reprise des Dialogues à Bastille étaient l'occasion rêvée d'une rencontre avec celle que Poulenc appelait «ma biche aimée» ou «mon rossignol à larmes». Son parcours fut atypique : remarquée au conservatoire de Bordeaux, elle chante dans l'opéra de la même ville, mais passe par les Folies-Bergère, avant de signer avec l'Opéra de Paris, pour la carrière que l'on sait. Aujourd'hui, la vieille dame de 83 ans, qui réside en Suisse, précise : «C'est la dernière fois que je parle de Poulenc.»

A lire votre biographie, on a l'impression que Poulenc fut votre manager.

Oui, il voulait que je sois sa chose. Poulenc ne parlait jamais de ma voix, il n'arrêtait pas de dire de moi «vous ne trouvez pas qu'elle est belle ?» S'il m'avait présentée comme chanteuse, les gens auraient dit : c'est pas Schwarzkopf ! Alors qu'en m'annonçant comme mannequin, les gens trouvaient que j'avais une voix formidable. J'ai fait cette carrière parce que j'étais la seule chanteuse mince, avec Liliane Berton, et que je savais jouer la comédie.

Vous aviez d'autres talents, sinon vous n'auriez pas été invitée plusieurs années de suite au festival d'Aix-en-Provence...

Pour Aix, c'est simple. Poulenc m'avait dit «tu donneras un petit billet de 500 au directeur, Gabriel Dussurget». Moi je lui disais «mais tu es fou, il ne va jamais accepter». J'ai pourtant fait comme il a dit : j'ai plié le billet en huit et Dussurget l'a récupéré en me serrant la main. J'ai fait ça tous les ans, ça me révoltait parce qu'il était immensément riche, et nous, des artistes débutants, mais bon ça marchait comme ça.

En fait, c'est pour Poulenc que vous chantiez ?

J'ai détesté chanter, je trouvais que les chanteurs d'opéra n'étaient pas assez comédiens, que la vraie star c'était le chef d'orchestre. J'aurais tout lâché pour faire les pièces de Cocteau au théâtre. Le beau rôle, c'est le premier, donc pour moi Blanche de la Force n'en est pas un. Poulenc me trouvait rigolote. Comme Pierre Bernac, je lui disais ses quatre vérités et ça lui plaisait. Il était riche à en crever et laissait son petit copain dans la dèche. Il était radin mais gentil. A Rome, un 22 octobre, jour de mon anniversaire, il m'a dit : «Je vais te faire un cadeau.» Je lui ai répondu : «Enlève-moi le chien de la Voix humaine, ça déroute tout le monde, les gens n'arrêtent pas de tousser. En plus, ça ne va pas te coûter cher.» Quand il m'invitait au restaurant, il avait toujours une crise de foie, et quand c'est moi qui invitais, il avait retrouvé un sacré coup de fourchette. A sa mort, personne ne savait qu'il avait une fille, son portrait craché. Il a couché deux fois avec une bonne femme qu'il ne pouvait pas supporter et il a eu une fille.

Suivez-vous ce qui se passe sur les scènes lyriques ?

Parfois, des amis me parlent d'une retransmission télévisée, alors j'allume et je tombe sur une femme à poil avec une perruque de Mélisande dans le métro, ou sur Rosine du Barbier de Séville avec un collier de chien, alors je zappe. Je me souviens du Thaïs monté par Zeffirelli à 21 ans, à l'Opéra de Dallas. Pour la scène d'orgie, j'étais sur un plateau entourée d'hommes noirs. Ça choquait, mais c'était juste. Aujourd'hui, on paye des metteurs en scène des millions pour faire n'importe quoi. Heureusement, il y a des choses positives, je trouve que les jeunes chanteuses ont une technique de souffle ahurissante. Même s'il n'y aura plus de carrières de trente ans, à cause des voyages, de l'air conditionné qui use la voix de plus en plus vite. Avant, vous étiez suivie. Certes, les Claude Glotz ou Dussurget, c'était une véritable franc-maçonnerie, mais une fois passé le premier barrage, on pouvait se développer.

Votre vie en Suisse ?

C'est horrible de vieillir. Un véritable naufrage, comme disait de Gaulle. Quand je vois tous ces vieux débris, au Franprix, tu sors avec ton cabas, tu les écoutes, c'est pas gai, gai. J'ai une petite vie à la campagne, en pantalon et col roulé. Je ne vais tout de même pas mettre un vison pour aller au marché.
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